les jours étaient encore bleus, sans trop de vent pourtant, avec un début d'aigreur dans l'air, et chez cette femme, avec l'automne, est arrivée une poussée de lucidité - renouer avec la conscience de la solitude et reprendre de nouveau la recherche de ses causes - une envie d'honnêteté, sans se condamner trop facilement pour simplifier, complaisamment, et un refus de fuite facile, ou le désir de respecter ce refus, et comme résultat une tentation de réclusion, de ne pas trop déranger

pour moi, je me suis donné, moralement, un coup de pied dans le derrière, me propulsant au petit palais, sans temps pour m'arrêter et chiner dans un vide grenier de rencontre, pour un concert du quatuor Diotima avec deux quatuors de Gilles Schuehmacher et Frédérick Martin

une petite assistance chaleureuse, des sourires et des mots échangés, la vue que freine encore les arbres, et je recrée dans ma mémoire la plongée sur le Rhône et, derrière, la campagne comme dans le coin d'un portrait florentin

Gilles Schuehmacher pour son premier quatuor "Aus Kreiss" a basé ses deux mouvements sur les échanges de lettres entre Maria Tsvetaieva et Rilke
Le premier pour Tsvetaieva
"En moi - tout est incendie ! - Je ne chante que par le feu !'
"Trop a toujours été la mesure de mon monde intérieur" mots cités dans le programme.
de longues stridences heurtées, les instruments jouant les mêmes lignes, emportées.
et le second, plus complexe, pour Rilke
"Et nous : écoutant enfin ! Les premiers hommes écoutants"
"Timbre, qui n'est plus avec l'oreille
mesurable. Comme si le son
qui nous surpasse de toutes parts
était un mûrissement de l'espace."
de longues notes murmurées et étirées, se répondant comme à tâtons, des silences, les fils se réunissant en tapis sur lequel brodent de petites plaintes, puis une mélodie etc... ténu - et en s'animant la musique creuse, nous entraîne comme sous le silence - puis un chant dans les graves, un peu de violence et une harmonie calme.

à titre de repos disait l'organisateur (et c'est tout de même bien mieux que ça !) le premier quatuor de Janacek - court mais dense, que j'aime beaucoup.

et pendant que, assise sur le banc d'une fenêtre, je voyais le ciel commencer à se décolorer (mais là c'est une demie heure plus tard, à ma sortie) les premières notes du quatuor n°3 de Frédérick Martin, qui est le sixième, et dont il a dit, un ton en dessous, après l'assurance et la précision de sa présentation, qu'il l'aimait beaucoup - et par ma foi, il a raison.
Résumé approximatif de ses intentions, telles qu'il les a énoncées, et que l'on retrouvait à l'audition : jouer le jeu - des thèmes simples et identifiables (hum) pour imprégner un discours complexe - un seul mouvement, deux thèmes, le premier se dissolvant et le second occupant la place - alternance de consonances et de dissonances, qui animent la ligne, la relance.
complément : un seul mouvement mais animé par de petites unités qui se relient, s'enchaînent, s'opposent parfois - violence et plages calmes, clarté et ombres - richesse - sans que jamais le fil ne se rompe.

le palais, pendant que je me hâtais, épaules un peu contractées et jambes joyeuses; buvait le rose du couchant.
mais je n'arrive plus à lire, à intervenir, et Paumée devient un devoir. Ma doué, on verra