Et, pendant la cuisson des pâtes, fière de cette résistance, commande de trois textes sur Publie-net :
Pour la langue et le thème : Daniel Bourrion « Incipit » http://www.publie.net/tnc/spip.php?article155 (extrait, présentation, commande éventuelle)
« Ce onze novembre-là, donc, alors que nous tentions de former un groupe aussi compact que possible afin de nous protéger de la pluie et des bourrasques dont l’une venait d’emporter le béret du vieux Louis, qui demeura sans réaction à regarder son couvre-chef rouler au caniveau – ce qui, cette absence de jurons, de course malhabile derrière la galette de tissu s’éloignant, nous signalait, mais nous ne le comprîmes qu’après, le commencement de la fin du vieux, les premières manifestations de la bête qu’il portait sans le savoir dans sa tête et qui, lentement, le rongea, lui déforma le crâne, lui fit perdre ses beaux cheveux dont il s’enorgueillissait toujours, l’amena aux frontières de la parole….. «
Pour la langue et le thème : Daniel Bourrion « Incipit » http://www.publie.net/tnc/spip.php?article155 (extrait, présentation, commande éventuelle)
« Ce onze novembre-là, donc, alors que nous tentions de former un groupe aussi compact que possible afin de nous protéger de la pluie et des bourrasques dont l’une venait d’emporter le béret du vieux Louis, qui demeura sans réaction à regarder son couvre-chef rouler au caniveau – ce qui, cette absence de jurons, de course malhabile derrière la galette de tissu s’éloignant, nous signalait, mais nous ne le comprîmes qu’après, le commencement de la fin du vieux, les premières manifestations de la bête qu’il portait sans le savoir dans sa tête et qui, lentement, le rongea, lui déforma le crâne, lui fit perdre ses beaux cheveux dont il s’enorgueillissait toujours, l’amena aux frontières de la parole….. «
Beinstingel « Feuilles de route, 2000-2003 » - http://www.publie.net/tnc/spip.php?article130
« Et comme à chaque fois, nous nous demandons quand Marcelle Bazar va se décider à mourir, elle qui a déjà fait graver le principal de sa vie sur sa pierre tombale. Bien sûr, les années passant, on se demande si Marcelle, au seuil des centenaires, n’est pas déjà morte et que ses proches ont tout simplement oublié la date. Ou peut-être l’a-t-on retrouvée il y a bien des années, réduite à l’état d’un parchemin, oubliée de tous au fond d’un jardin… Ou peut-être était-ce un bébé à peine né ? Marcelle Bazar déclenche notre imagination. Et finalement, la tentation est grande de résumer sa vie à un nom, une date de naissance et un tiret. Car la date de mort n’intéresse jamais le principal concerné, le seul intérêt réside dans le tiret, petit résumé de vie et qui est tout. »
Mais à vrai dire les sujets, s’agissant d ‘une « accumulation » sont par essence variés - une partie de ce qui s’élabore semaine après semaine http://pagesperso-orange.fr/tb/beinstingel.htm (et détail infime qui me plait : lui non plus ne peut pas dire qu’il relit Proust)
« Et comme à chaque fois, nous nous demandons quand Marcelle Bazar va se décider à mourir, elle qui a déjà fait graver le principal de sa vie sur sa pierre tombale. Bien sûr, les années passant, on se demande si Marcelle, au seuil des centenaires, n’est pas déjà morte et que ses proches ont tout simplement oublié la date. Ou peut-être l’a-t-on retrouvée il y a bien des années, réduite à l’état d’un parchemin, oubliée de tous au fond d’un jardin… Ou peut-être était-ce un bébé à peine né ? Marcelle Bazar déclenche notre imagination. Et finalement, la tentation est grande de résumer sa vie à un nom, une date de naissance et un tiret. Car la date de mort n’intéresse jamais le principal concerné, le seul intérêt réside dans le tiret, petit résumé de vie et qui est tout. »
Mais à vrai dire les sujets, s’agissant d ‘une « accumulation » sont par essence variés - une partie de ce qui s’élabore semaine après semaine http://pagesperso-orange.fr/tb/beinstingel.htm (et détail infime qui me plait : lui non plus ne peut pas dire qu’il relit Proust)
Et puis :
« Mon imagination de lecteur de villages court où ont couru mes pas. Des bords de l’océan à l’autre bout du continent, d’Ouest en Est. J’ai parcouru des yeux ces villages et ces lieux-dits comme un livre écrit par des toits, des chemins, des nuages et des arbres. Tant et si bien que la lecture dépend pour beaucoup de la position du soleil dans le ciel, quotidienne ou annuelle, de la direction d’où nous venons, de ce qui nous a conduits là et du sens que nous donnons à notre voyage."
Bertrand Redonnet « chez Bonclou » http://www.publie.net/tnc/spip.php?article107
Mais là je triche, et ce passage n’est pas dans l’extrait cité mais dans le texte reçu.
« Mon imagination de lecteur de villages court où ont couru mes pas. Des bords de l’océan à l’autre bout du continent, d’Ouest en Est. J’ai parcouru des yeux ces villages et ces lieux-dits comme un livre écrit par des toits, des chemins, des nuages et des arbres. Tant et si bien que la lecture dépend pour beaucoup de la position du soleil dans le ciel, quotidienne ou annuelle, de la direction d’où nous venons, de ce qui nous a conduits là et du sens que nous donnons à notre voyage."
Bertrand Redonnet « chez Bonclou » http://www.publie.net/tnc/spip.php?article107
Mais là je triche, et ce passage n’est pas dans l’extrait cité mais dans le texte reçu.
Après le déjeuner, pendant que j’enregistrais mes photos, j’entendais sur France Culture Thierry Paquot faire l’éloge de la sieste, et me suis empressée (comme à vrai dire chaque jour ou presque, je n’arrive pas à épuiser les années de sommeil en retard que j’ai emmagasinées) de m’y adonner.
Réveil très longtemps après (et je n’aurai pas fait mon tour de blogs) pour plonger avec France Culture restée en marche dans Pascal, et dériver avec l’augustinisme, et mon refus-éloignement, malgré ou contre mes dominicaines, de la solution : grâce, cette « concupiscence du bien ».
Remontant mes souvenirs, et peinant pour les transformer, corriger, accentuer, dénaturer, j’ai répondu aux « impromptus littéraires » http://impromptus.fr/dotclear qui demandaient de s’inspirer de cette photo et de l’idée d’une odeur de pain grillée dans une cour
Réveil très longtemps après (et je n’aurai pas fait mon tour de blogs) pour plonger avec France Culture restée en marche dans Pascal, et dériver avec l’augustinisme, et mon refus-éloignement, malgré ou contre mes dominicaines, de la solution : grâce, cette « concupiscence du bien ».
Remontant mes souvenirs, et peinant pour les transformer, corriger, accentuer, dénaturer, j’ai répondu aux « impromptus littéraires » http://impromptus.fr/dotclear qui demandaient de s’inspirer de cette photo et de l’idée d’une odeur de pain grillée dans une cour
Mes sandales jouent avec le gravier. J’aurais peut-être du mettre des soquettes. Le soleil tiédit et le pré - non , c’est vrai, le parterre - devant la terrasse, les arbres au fond, tout se dessine plus doucement ; les couleurs naissent, se séparent.
Sur mes bras l’air est moins aigre, et pourtant je recommence à trembler un peu - ça ne se voit pas mais je tremble.
Ce sont les bruits qui sortent de l’autre porte fenêtre, plus loin, et j’imagine les tasses, la grande table, la cafetière en argent, et - oui cette odeur - j’ai un peu mal au cœur - la corbeille et les mains qui écartent une serviette pour prendre des toasts, le bruit des cuillères contre les confituriers - eux tous autour, et après les premiers grognements, peu à peu, leurs voix,et des rires, et les mots aigus qui ramènent le calme.
Pourquoi tu m’as laissée. Je sais tu m’as dit : juste pour deux jours. Mais pourquoi - je ne suis rien, là - elle le pense, la vieille femme, je crois.
Ces regards rapides, ces petites phrases. Je veux m’en aller. Non, je ne suis pas pauvre. On n’a pas une grande maison, nous, mais des amis qui en ont, et plus grandes, et plus belles. S’il faut de la splendeur … je regarde les bois - oui ils sont beaux, mais je connais la mer, là bas, au bout de l’allée entre les mimosas, en contrebas de la vraie terrasse avec ses grands arbres, pas des orangers en caisse. Ou celle de ma grand-mère, avec la galerie en travers et le jardin fou, et la pagaille le matin, et la grille et les troupeaux qui passent devant en rentrant le soir. Ne pas être ici.
Et puis la jeune femme qui est gentille, tellement, trop, qui veut que je joue avec ses enfants au lieu de lire, qui dit que je devrais courir plus vite, qui veux m’emmener à la chasse, parce que c’est elle qui est arrivée quand je vomissais hier après midi.
Non, je ne suis pas nerveuse et sotte, et trop sensible, et sauvage, mais…
Et oui, c’était beau, dans la nuit de la cour d’entrée, l’étalage de poils et de plumes et les lumières du hall et des phares qui se croisaient, jouaient dessus. Mais il y avait les abois des chiens, et les grands rires, et les grosses voix - bon, elles, j’aimais bien, elles me rappelaient papa.
Et le lendemain matin, tout ce temps, assise avec les filles de la cuisine, tirer sur les belles plumes, et la peau élastique avec les petits trous après l‘arrachage, le doux velours du duvet sur le cou, qui pend, et le bec … - et il faut faire attention de ne pas déchirer la peau autour de la balle - et l’odeur fade sur mes mains.
Je veux ne pas être ici.
J’entend que l’on demande : »mais où est la petite C ? »
« elle s’est levée très tôt, et elle était si gentille et perdue, Madame - je l’ai fait déjeuner avec nous à la cuisine »
Le souvenir des joues souriantes, de l’odeur, de la chaleur, de la grosse miche de pain. Je vous aime.
Les petites voix : « pourquoi pas nous, Berthe ? »
« vous n’auriez pas du. Sa place est ici. Ma brue nous l‘a confiée».
Je me lève, j‘ai un peu, juste un peu, honte - pauvre Maman qui se donne du mal pour me désauvager - je rentre. Un peu moins de deux jours, et les autres enfants.
Bavard, très insatisfaisant (avis partagé), m’ayant demandé beaucoup trop de temps (et l’odeur des pommes de terre commençant à carboniser dans une pauvre casserole) mais témoin de mon entêtement. Et je n’aurai rien fait sauf récurer une casserole, ni rien lu sur le web, ou si peu….
Sur mes bras l’air est moins aigre, et pourtant je recommence à trembler un peu - ça ne se voit pas mais je tremble.
Ce sont les bruits qui sortent de l’autre porte fenêtre, plus loin, et j’imagine les tasses, la grande table, la cafetière en argent, et - oui cette odeur - j’ai un peu mal au cœur - la corbeille et les mains qui écartent une serviette pour prendre des toasts, le bruit des cuillères contre les confituriers - eux tous autour, et après les premiers grognements, peu à peu, leurs voix,et des rires, et les mots aigus qui ramènent le calme.
Pourquoi tu m’as laissée. Je sais tu m’as dit : juste pour deux jours. Mais pourquoi - je ne suis rien, là - elle le pense, la vieille femme, je crois.
Ces regards rapides, ces petites phrases. Je veux m’en aller. Non, je ne suis pas pauvre. On n’a pas une grande maison, nous, mais des amis qui en ont, et plus grandes, et plus belles. S’il faut de la splendeur … je regarde les bois - oui ils sont beaux, mais je connais la mer, là bas, au bout de l’allée entre les mimosas, en contrebas de la vraie terrasse avec ses grands arbres, pas des orangers en caisse. Ou celle de ma grand-mère, avec la galerie en travers et le jardin fou, et la pagaille le matin, et la grille et les troupeaux qui passent devant en rentrant le soir. Ne pas être ici.
Et puis la jeune femme qui est gentille, tellement, trop, qui veut que je joue avec ses enfants au lieu de lire, qui dit que je devrais courir plus vite, qui veux m’emmener à la chasse, parce que c’est elle qui est arrivée quand je vomissais hier après midi.
Non, je ne suis pas nerveuse et sotte, et trop sensible, et sauvage, mais…
Et oui, c’était beau, dans la nuit de la cour d’entrée, l’étalage de poils et de plumes et les lumières du hall et des phares qui se croisaient, jouaient dessus. Mais il y avait les abois des chiens, et les grands rires, et les grosses voix - bon, elles, j’aimais bien, elles me rappelaient papa.
Et le lendemain matin, tout ce temps, assise avec les filles de la cuisine, tirer sur les belles plumes, et la peau élastique avec les petits trous après l‘arrachage, le doux velours du duvet sur le cou, qui pend, et le bec … - et il faut faire attention de ne pas déchirer la peau autour de la balle - et l’odeur fade sur mes mains.
Je veux ne pas être ici.
J’entend que l’on demande : »mais où est la petite C ? »
« elle s’est levée très tôt, et elle était si gentille et perdue, Madame - je l’ai fait déjeuner avec nous à la cuisine »
Le souvenir des joues souriantes, de l’odeur, de la chaleur, de la grosse miche de pain. Je vous aime.
Les petites voix : « pourquoi pas nous, Berthe ? »
« vous n’auriez pas du. Sa place est ici. Ma brue nous l‘a confiée».
Je me lève, j‘ai un peu, juste un peu, honte - pauvre Maman qui se donne du mal pour me désauvager - je rentre. Un peu moins de deux jours, et les autres enfants.
Bavard, très insatisfaisant (avis partagé), m’ayant demandé beaucoup trop de temps (et l’odeur des pommes de terre commençant à carboniser dans une pauvre casserole) mais témoin de mon entêtement. Et je n’aurai rien fait sauf récurer une casserole, ni rien lu sur le web, ou si peu….
5 commentaires:
Mes sandales jouent avec le gravier. J’aurais peut-être du mettre des soquettes...
En soquettes,le gravier joue avec mes pieds, j'aurais peut-être du mettre des sandales...
Les sandales Brig, c'est mieux... on entend le bruissement...
me désauvager, je voudrais bien , puis-je dire je m'ensauvage..?
quand c'était un peu brûlé.. mon cousin disait: "j'aime bien ça sent le sauvage..."
mais quand c'est trop, tu connais la recette sans doute:
de l'eau de javel pure dans le fond de la casserole et laisser agir le temps qu'il faut selon l'importance du sinistre!!
Joli texte impromptus !
Il va falloir que je me remette à la lecture là-bas avant de perdre tout mon rythme ! (la rentrée n'est pas une excuse !)
Se désauvager ! j'aime beaucoup cette expression !! un néologisme de fort bon aloi !! j'aime aussi le foisonnement d'idées que tu donnes à lire ici !
je te souhaite une semaine extraordinaire !!
.......j’imagine les tasses, la grande table, la cafetière en argent, et ....demain tu seras comblée
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