sans utopies
"tout est pur pour qui est pur" - Brigetoun a levé les yeux de la page, a eu un frisson de peur, comme chaque fois qu'un de ces merveilleux êtres qui se mélent d'écrire leur pensée pour la diffuser, la donner comme modèle, emploient le mot pur - cette méfiance qui lui aurait presque fait préférer des perles baroques aux perles fines, et la pâte d'un Rubens à la sècheresse du Boticcelli d'après Savonarole, avec son habituelle tendance à passer des idées aux sens - et puis elle a relu et l'assemblage des mots, la phrase, l'a un peu tranquilisée. .
Enfin pas complètement.
On évitait le goût exclusif de la pureté, cette tentation exaltante de son adolescence, et l'asphyxie glacée des régions éthérées, on évitait les désastres habituels, sauf peut-être pour ce pur qui finissait la phrase, celui qui contemplait le monde, le tout.
Dans la béatitude bienveilllante avec laquelle il décidait de regarder, au travers de la brume lumineuse et indulgente qu'il posait sur ce tout, le danger de le voir se lancer dans une utopie bien cruelle, de faire effort et faire des règles pour que tout et tous le rejoignent dans le sublime, ce résultat inévitable de la certitude d'incarner le bien, ou de le connaître, toute cette négation de la vie, s'éloignait.
Mais il lui est venu une petite inquiétude tendre pour le pauvre fou qui se refuserait à voir la réalité, et la pensée de tous les coups qui viendraient ébranler son étincelante armure.
Et puis une autre, parce que l'être pur qui regarderait le tout puis constaterait en s'y frottant que la pureté était peut-être un peu moins universelle qu'il ne l'avait pensé ou décidé, devrait fatalement, par amour, par bonté, pour se protéger aussi, ou simplement pour baigner dans une bulle digne de lui, être tenté d'intervenir, ou d'orienter, de plaider - en ce cas; même s'il s'appliquait à la discrétion, l'euphorie de sa vision ne le rendrait pas forcément de bon conseil.
Alors, le livre posé sur ses genoux, les yeux perdus dans le vide et l'immensité de son ignorance, elle s'est souvenu de ce que lui avait appris les vieux sages, que pour connaître le monde il fallait plonger, ou pénétrer, en soi, tenter de connaître, pour y résister inlassablement, l'étendue de ce qui la poussait comme tout vivant à s'éloigner du bien, de la droite et honnête ligne, sans jugement de valeur, juste dans le souci de l'harmonie, et qu'ainsi, normalement, on devrait pouvoir connaître le monde, les autres, et, sans crainte, y oeuvrer.
Et bien entendu, comme toujours, elle s'est perdue et c'est avec un sursaut qu'elle a retrouvé son inaptitude totale à juger ou simplement voir clairement quoi que ce soit. L'immensité du travail l'a découragée et cette petite chose qu'elle avait tout de même remontée à la surface : sa paresse sans limite, et peut être un soupçon d'indifférence.
Alors c'est avec un peu d'envie, juste un peu, pas au point de vouloir être parmi les purs - et avec tout de même une interrogation fugitive sur une majuscule qui lui évoquait des créatures à la réalité douteuse, mais si merveilleusement étrangères à la notion de pureté - qu'elle a repris sa lecture, pour rencontrer le bonheur de celui qui s'y exprimait : "aujourd'hui je confesse mes Grâces"
exercice 3 d'écriture ludique "début et fin" proposé par Shin Haiah, et le début et la fin à garder sont bien entendu, "tout est pur pour qui est pur", et "aujourd'hui je confesse mes Grâces "- http://www.ecritureludique.net/article-12437351.html - hum peut être ambitieux pour mes capacités.
En attendant, j'ai (et cela risque de se reproduire avec cet appareil) posé une vision floue du bout de mon doigt sur la pureté glacée que le vent avait donné à notre ciel dimanche matin, mais gommé un peu les multiples irrégularités, marques d'outils sur ma petite bonne femme. Et le vent nous ayant quitté, la pluie est venue avec la nuit.
En attendant, j'ai (et cela risque de se reproduire avec cet appareil) posé une vision floue du bout de mon doigt sur la pureté glacée que le vent avait donné à notre ciel dimanche matin, mais gommé un peu les multiples irrégularités, marques d'outils sur ma petite bonne femme. Et le vent nous ayant quitté, la pluie est venue avec la nuit.
13 commentaires:
Participation très intéressante...
Le pur et l'impur ... beau sujet. A bien réfléchir, je préfère l'impur, plus à notre portée et porteur de pureté en décapant, en gésine. La pureté est asymptotique et risque trop la salissure. C'est comme l'impair au pair, plus chantant, plus humble. Il faut oser dire la beauté de l'impur ...
Ecriture trop ambitieuse pour MES capacités..., je préfère contempler le personnage que tes doigts ont fait naître de la terre. Bonne semaine.
même l'air est impur..l'air de rien !
À la lueur de l'actualité peut-on porter un regard pur sur la politique, se demande Albin.
j'avoue que je ne pensais pas spécialement à la politique, mais à la vie en général - la politique n'est jamais qu'un instrument pour une partie de celle ci
Je t'avouerai que tu t'es sortie de cet exercice difficile avec habilité, et que ma version à-coté parait bien prosaïque ...
A bientôt sur un autre thème...
Fred.
suis passée, suis revenue..
mais le ciel reste sourd et dieu ne répond pas..
Une métaphore sur ce qui se trame eu PS en ce moment sur fond d'oeuvres picturales et d'architectures classieuses !!
que ta semaine soit riche en émotion !!
justement je ne voulais pas penser au PS - quant aux émotions je m'en méfie un peu
Il faut toujours de ses émotions se méfier...
Okaaaaaaaaay, je retourne vers le haut, je vais pouvoir lire celui-ci !
:-)
Ah, très chouette, brige, très toi, moi, je trouve. Je n'avais aucunement pensé à le personnaliser, cela me semblait étranger comme thème et donc, j'ai sombré dans la fiction impure. ;-)
Bravo à toi !!!
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