Dégusté , en buvant un thé un peu trop corsé, son "affiche électorale" de 1896 (et ce fut lui qui fut promu "Prince des Poètes" pour prendre la relève de Verlaine)
"POETES !
D'un geste, se conçoit, à l'heure où - prestige matériel évanoui, hélas ! - en lumière pure se résout le fantôme humain, autrefois levé sur le pavois, de l'aède, désigner quel; d'une présence réclamée dès lors, doit primer dans le respect et l'admiration, son front lauré des unanimes palmes.
Peut-être, écarté l'effroi de l'entrée en scène, le passé - le mien -, poètes riches du peu d'années vendangées, m'incite-t-il, parmi les cuivres sourds de mon crépuscule et les vierges clartés de votre aurore, à surgir pour, enfin, recevoir tel salaire d'honneur.
Ici, donc, je veux, sans plus demander, à qui est échu parce que digne, le droit de l'attribuer, un suffrage.
POETES !
Cher, mon voeu que par vous vive un nom, le mien
s'exprime tel.
STEPHANE MALLARME" et son commentaire dans sa lettre à Claudel, annonçant cette "promotion" en même temps que son dégoût de la vie des lettres parisienne (passager ?) "alors les journaux m'attachent une queue de cerf-volant avec laquelle je me sauve par les rues sans autre moyen de me dissimuler que de rejoindre le cortège du boeuf-gras. Être un masque malgré soi, Claudel, et quand on n'aime que l'oubli excepté le votre".
Ce Claudel qu'il soutint, qui fréquentait, jeune, les mardis (et j'ai l'image de la tabagie et une bouffée de nostalgie, à défaut) et qui écrivait dans ses "mémoires improvisés" (trouvé dans le numéro de février/mars des cahiers de la Maison Jean Vilar, intitulé évidemment "Mallarmé notre contemporain")
"Il y a une parole.. qui, au contraire, a profondément marqué mon intelligence, et qui est à peu près le seul enseignement que je reçus de lui, et c'est un enseignement capital :"Tous ces gens là, après tout, qu'est-ce qu'ils font ? Des devoirs de français, des narrations françaises. Ils décrivent le Trocadéro, les Halles, le Japon, enfin tout ce que vous voudrez. Tout ça ce sont des narrations, ce sont des devoirs."...
"Nous avons parlé art. Il m'a dit à peu près ceci : "Pour justifier la direction de ma vie, je cherche toujours la littérature dans l'art, et j'ai la même impression devant un tableau qe devant un sonnet où serait traité le même sujet". Il y dans sa salle à manger le Hamlett de Manet et un paysage de Claude Monnet qui est pour lui le plus grand peintre vivant..."
et puis un petit tour dans l'Azur
"Et toi, sors des étangs léthéens et ramasse
En t'en venant la vase et les pâles roseaux,
Cher Ennui, pour boucher d'une main jamais lasse
Les grands trous bleus que font méchamment les oiseaux.
.......
- Le Ciel est mort. - Vers toi, j'accours, donne, ô matière,
L'oubli de l'Idéal cruel et du Pêché...."
beau et, oserais-je, dominical.
6 commentaires:
Bon c'est décidé les lettres de Mallarmé en version poche, prochain achat ou plutôt prochaine commande car les fonds des librairies ne sont plus ce qu'ils étaient
beau et bien plus riche que le mien passé allongé pour tenter de reposer cette carcasse.
La chair est triste, hélas! et j'ai lu tous les livres.
Fuir! là-bas fuir! Je sens que des oiseaux sont ivres
D'être parmi l'écume inconnue et les cieux!
Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux
Ne retiendra ce coeur qui dans la mer se trempe
O nuits! ni la clarté déserte de ma lampe
Sur le vide papier que la blancheur défend
Et ni la jeune femme allaitant son enfant.
Je partirai! Steamer balançant ta mâture,
Lève l'ancre pour une exotique nature!
Un Ennui, désolé par les cruels espoirs,
Croit encore à l'adieu suprême des mouchoirs!
Et, peut-être, les mâts, invitant les orages
Sont-ils de ceux qu'un vent penche sur les naufrages
Perdus, sans mâts, sans mâts, ni fertiles îlots...
Mais, ô mon coeur, entends le chant des matelots!
(La brise marine, Stéphane Mallarmé)
il me faut bien aussi me consoler un peu:
"Tous ces gens là, après tout, qu'est-ce qu'ils font ?
Ils trichent pour s'aider à vivre?
Nos candidats actuels sont moins poètes !
Et dire que j'ai "laissé tomber", quelques jours, Mallarmé pour Homère et ses avatars. Mais, à propos, Mallarmé, il en était aussi un, non ?
« Rien, cette écume, vierge vers »
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