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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

lundi, mars 09, 2009

dans la quiétude un peu molle de mon dimanche après-midi, reprenant des photos de je ne sais plus quel jour récent, je me souviens que mon oeil s'habituant, ou un début de patine aidant, j'ai réellement vu les deux têtes reconstituées, en se basant scrupuleusement sur les restes de sculpture, mais avec l'intervention d'une main d'artisan contemporain, de boeufs ou moutons de la boucherie de Jean Baptiste Franque, très "restaurée" - disons quasiment reproduite - il y a environ un an, rue du Vieux Sextier, avec humilité, en se pliant au schéma rescapé, mais probité, en laissant visible la jeunesse de cette intervention - et que j'ai apprécié les traces d'outils qui rendent légèrement palpitant le long museau du boeuf, la naïveté des yeux, le mouton d'une simplicité telle qu'il n'est plus qu'évocation lointaine du symbole "mouton" (y compris la sottise affichée)
Je me souviens que marchant, pestant une fois encore contre la nullité banale des petites boutiques qui se sont installées sous les arches et qui n'arrivent pas à se fondre dans l'ambiance pourtant assez indécise de la rue, j'ai pensé que finalement ces têtes trop neuves, trop blanches, ne juraient pas tant que ça avec les ornements de la mieux conservée des deux seules maisons qui sont restées de l'alignement conçu par Franque en perçant cette rue - mais passant sous elle, me suis arrêtée pour savourer ce qu'ils avaient, sous la crasse, de souplesse grasse, d'ampleur dans le déploiement de leurs toutes petites ondulations. Pourtant il ne s'agissait pas de création mais de l'interprétation par une main experte, exercée, devenue indépendante par ce qui reste de liberté dans cette sujétion consentie.
Je me souviens que je me suis demandée si la presque sensualité du traitement des têtes venait d'une plus grande habileté ou de cette obéissance au reste de sculpture conservé, leur facilitant leur acceptation par la structure du bâtiment, mais les privant du petit parfum de verdeur raide des quelques petits bas reliefs que je rencontre parfois dans la ville, qui semblent dater d'une dizaine d'années environ.
Je me suis souvenu du grand gars rencontré il y a si longtemps et qui, seul, parmi notre groupe de vacanciers venus jouer avec l'idée de tirer quelque chose de pierres, voulait en faire un métier - je me souviens qu'il était élève tailleur de pierre (ou apprentis, je ne sais quel est le mot qui s'appliquait correctement à lui) et qu'il voulait compléter sa formation ou que son goût pour la pierre lui imposait l'envie de la sculpter - je me souviens qu'il nous a rapidement considérés comme une bande de joyeux farceurs et que, gentiment, et en souriant, il s'est trouvé un coin où il travaillait avec sérieux et acharnement, et pas forcément plus de succès que d'autres, mais une belle lucidité qui le mettait en rage contre lui-même.
Je me souviens que nous étions majoritairement maladroits et incapables de tirer de nos petits blocs de granit, ou vagues cailloux irréguliers et pleins de veines malicieuses, ce que nous désirions, bien entendu, mais que la barbe et les doux yeux rieurs d'A se faisaient sévères si nous renoncions, ou légèrement méprisants, et que je prenais mes échecs avec lucidité mais bonne humeur et un peu trop de détachement en apparence, et en buvant le plus léger signe d'encouragement, ou les conseils contre lesquels je grognassais bien entendu - et que je constatais chaque matin avec une surprise sincère combien le fait de trouver une forme par soustraction diffère du modelage.

et bien sûr la façade de l'Oratoire et son souple décor sans prétention n'a rien à voir avec ce que nous faisions (sauf le manque de prétention)
Je me souviens que C, qui promenait parmi nous son ironie, sa guimbarde, son refus d'essayer quoi que ce soit, et moi, nous avions projeté d'enterrer une de mes "oeuvres" pour la perplexité d'archéologues futurs, et, qu'une fois de plus, nous nous étions fait traiter d'idiots.
Je me souviens que j'avais tout de même un peu d'amour propre à montrer (et bien entendu une montagne à cacher) et que lorsqu'un groupe de visiteurs vacanciers s'approchait pour voir ce que diable je pouvais fabriquer, je faisais jaillir à grands coups de masse assénés sur un ciseau maintenu avec l'angle voulu, une belle gerbe de petits éclats pour les tenir à distance.
Je me souviens de ma perplexité parfois devant le résultat de ce déchaînement, et que l'on criait "gare" puisqu'ils prétendaient que, compte tenu du rapport de poids entre la masse et moi, le risque était grand d'une belle culbute en arrière.
Je me souviens qu'A m'a installée devant un petit bloc de bois, avec des gouges et des conseils de prudence pour un long labeur ingrat.
Je me souviens que j'étais très malheureuse, parfois, comme l'enfant que je n'étais plus - je me souviens que j'étais heureuse

5 commentaires:

micheline a dit…

modeler l'argile,plaisir d'une douce soumission; attaquer la pierre un affrontement qui ne pardonne pas!
je me souviens de mon cube de pierre dont il ne sortit qu'une face..sans cerveau! tout un symbole!!

Anonyme a dit…

Un billet qui me met le coeur en joie ce matin, créer quel beau mot

Anonyme a dit…

"Un art par soustraction"! Travail d'humilité quand nous préférons par ego interposé ajouter!

Un coup de marteau pour la bonheur, un autre, pour la douleur. Successivement. Faire chanter la pierre.

Anonyme a dit…

et toi où en es tu dans tes sculptures ?

jordaenne a dit…

bonjour brigetoun.

C'est une belle sculpture. c'est beau d'avoir l'intervention contemporaine cela rend la sculpture poignante.
Oui c'est une victime innocent mais franchement il est mignon!!!