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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

samedi, juillet 11, 2009

je, dans le festival d'Avignon - le 10 - quand on aime... longuissime
mes rencontres matinales sur le chemin de la blanchisserie - et mon plaisir très mitigé à l'idée de voir les vélos se multiplier dans cette ville où l'on peut être piéton en paix (et ça n'a pas manqué, heurt évité de justesse avec engueulade en haut de la rue Saint Sébastien que les voitures, elles, prennent au pas) - fin de la marche rêveuse
lessive, lavage de cheveux et plongée dans une sieste qui se refusait à me quitter complètement quand je suis partie vers le Lycée Saint Joseph, pour la version B des sujets à vif.
Trop en avance (pour avoir premier rang) et longue station debout avec carcasse en révolte. Je me cramponnais à la lecture de "terre d'exil" de Pavese : "Je me rappelle un matin de juillet, si intense que la mer ne se détachait pas sur le ciel. Quelque pas plus haut que la grève, les barques décolorées et usées s'entassaient ; et certaines, inclinée, paraissaient se reposer de la pêche de la nuit..." et à ma révolte devant le regard d'une dame bien sur ma brusque et légère sueur.
"le temps scellé' commande de Nacera Belaza dansée par elle et Serge Ricci.
Lui et elle, chemise noire, complet noir et pieds nus, nez chacun contre son arbre, arbres dessinant la diagonale du plateau. Immobiles. Bruit de conversations, préparation d'une représentation. Ils se retournent, se font face, parlent sans son, avancent lentement. Le son se complexifie, s'intensifie, superpositions de langues, très fort. Ils tirent chacun derrière eux un câble, ils articulent largement et silencieusement, se croisent et quelque pas après sont stoppés par leur lien, penchent très lentement vers l'avant, finissent par s'écrouler au sol. Le son s'arrête brusquement.
Voix de crooner, ils rampent, se tournent, se relèvent. Musique de bal, ils s'éloignent. Le brouhaha revient, et l'annonce d"un spectacle.
Le spasfon avait fini par faire son effet, et le vent et les ramures hautes jouaient ensemble en musique très légère
.
Ballet des techniciens, très virtuoses et attentifs. Et "Ana Fintizarak" commande de Yalda Younes danseuse née au Liban, formation classique et flamenco, avec Yasmine Hamdan, chanteuse née à Beyrouth, avec comme exergue cette phrase de John Berger : "Et je sais que, malgré la souffrance, l'ingéniosité des survivants est intacte.".
Elle se plante au fond, grande, noir sans austérité (un ensemble drapé, ras du cou et sans manche, sublime), parfait visage lisse, cheveux tirés, rouge à lèvres affirmé, hautes sandales épaisses. Danse immobile, tension et une amorce de balancement complexifié. La chanteuse, cheveux noirs tombants, mèche sur l'oeil, longue jupe blanche à tablier volanté et débardeur noir, pieds nus, petit micro rond comme un bonbon collé très près de la bouche. Une voix rauque pleine d'aigus, sensuelle et fragile.
Lente danse immobile de Yalda Younes, qui devient de plus en plus souple, comme un mélange de danse du ventre et de flamenco qui serait constamment freiné. Brusques arrêts tendus.
Et puis la chanteuse s'éloigne et se tait. Une danse flamenco en tapant des pieds, mais très stylisée, très musicale, déchaînement toujours maîtrisé, comme retenu, plus enfantine et parfois comique que provocante, ou comme un petit défit.
Le chant revient un peu avant la fin, et la danse devient serpentine et sensuelle. La voix devient très intense, s'arrête. Elles s'installent sur des chaises sous les arbres en écoutant un air enregistré.

Retour. Cuisson morue et pommes de terre. Ces notes pendant que Wajdi Mouawad parle sur France Culture, et donne envie d'aimer ses spectacles. Doliprane, magné B6, douche, me nippe et pars, parce que je ne voudrais pas manquer ça, vers mes chers Célestins, et l'un des spectacles qui me tentaient le plus : "les inepties volantes " de Dieudonné Niangouna avec la musique de Pascal Contet.
Et c'était bien, terrible et somptueux.
Extrait du programme : "Il était une fois une guerre civile, une parmi tant d’autres, aussi terrifiante et destructrice que toutes les autres. C’était en 1997 au Congo-Brazzaville. Elle a duré plusieurs années, presque trois. Dieudonné Niangouna l’a vécue dans sa chair et dans son esprit. Aujourd’hui, il peut enfin livrer un texte à ce sujet, un texte qu’il a longtemps tenu caché, persuadé qu’il était que tous les survivants ne peuvent être que des lâches puisqu’ils ne sont pas morts en héros. Un « tas d’inepties » dont une – Les Barricades – est au centre de ce duo parole et musique qui fait entendre un voyage en tragédie, un voyage en irréalité, un voyage dans un ailleurs que l’on préférerait ne pas connaître. Voyage en reconstruction aussi, puisque l’auteur-conteur Niangouna ressuscite en écrivant, en jouant, reprend vie en criant ces moments de violence et de peur. Au « lecteur vivant » auquel il s’adresse, il transmet un vécu transfiguré que l’on pourrait croire fictionnel, s’il ne faisait l’effet d’une bombe ..."

deux silhouettes immobiles - bande son, des bruits citadins, qui s'impose peu à peu jusqu'à ce que le public réalise et se taise. Les platanes sont en pleine forme, musiciens soutenus et couvrent les premières phrases prononcées d'une voix sourde, et qui ne sont pas destinées à être comprises, juste à poser le diseur sur le plateau, homme qui rumine en déambulant. Une phrase se détache, se répète jusqu'à devenir audible :"car un homme qui crie n'est pas un ours qui danse" et c'est semble-t-il de Césaire. Noir. Silence.
des petites et trop longues notes partielles (et ne portent pas sur les moments les plus forts=. Une grille verticale de lueurs violentes sur laquelle il se détache. Le beau texte commence et les platanes s'accordent à la profération tranquille, noient un peu (provisoirement) l'accordéon qui joue évasivement. Le texte s'essaie à l'énonciation, à la simplicité efficace et puis les images viennent peu à peu et les souvenirs et cela devient littérature très raffinée dans sa construction, poésie sans gratuité et c'est bien...
L'accordéon enfle, en un son continu comme un monde dur de moteurs, et il est repris, amplifié. Début de récit et la langue se déploie, se trivialise, se disloque sans perdre le sens.
Un peu plus tard, souvenirs d'enfance, en guerre, de Bukowski, l'ami, pas l'autre le connu, et de "nous avons tué ce juif de Socrate", de la ville où "les bonnes soeurs avaient planté des cochons dans la nature". Les ninjas et le rêve d'un royaume de sans bras.
Violence de l'accordéon. La parole se fait oratorio et toute l'Afrique ou presque et sa littérature défilent.
Des éclairs de lumière sur les parties hautes du cloître. Niangouna se tapit au bas d'un platane, près de Cointet, des onomatopées. Duo violent de l'instrument et de la voix, puis les mots émergent, s'imposent, seuls, lyriques.
Retour à un discours presque direct, simple, pour une fin de massacre. Langage de la rue transfiguré. Le lyrisme et les images sexuelles ou simplement horriblement violentes reviennent. Avec toujours un détachement. Les images se télescopent. Violence, tragique, colère et plaisir grand de cette langue. De plus en plus violent, de plus en plus lyrique. Les tueurs. Choc du corps se jetant sur un panneau métallique comme un gong. Et cela continue.
Quand un drame est réellement vécu; intériorisé par un poète et qu'il sait le garder présent mais s'en éloigner assez pour en faire littérature, quand il est également un grand acteur pour le rendre.
Mes voisins étaient sous le choc et dans l'admiration.

photo Christophe Raynaud de Lage provenant du site du festival .

10 commentaires:

Martin a dit…

Brigitte,
j'apprécie beaucoup cet Avignon au fil de l'eau, c'est presque comme si j'y étais, merci

Martin

Caroline a dit…

Je suis impressionnée par votre appétit de spectacles. Je suis à doses beaucoup plus homéopathique, moi. En ce qui me concerne, ce soir, Vaison (Prelocaj) et demain Ode maritime.

tanette a dit…

J'aime ta première photo et tes descriptions, notamment celle de la chanteuse, on s'y croirait.
Bonne journée festivalière.

Brigetoun a dit…

Régy plus tard et en pointillé (je crains de ne pouvoir supporter la navette mais avec Niangouna c'est ma plus grande envie de spectacle)

Michel Benoit a dit…

Les Vélopops sont-ils vraiment arrivés ou bien ne sont-ce que des démonstrations ?

Brigetoun a dit…

ils sont arrivés, croisés deux fois dont une désagréablement (en piéton parisien je déteste les vélos et les rollers) et vu un ratelier en partie garni rue Joseph Vernet - réaprendre à en faire pour les tolérer ? j'aime marcher sans être tendue et c'est un des charmes d'Avignon pour moi

Michel Benoit a dit…

Je les redoute surtout dans les étroites zones piétonnes, où les vélos sont admis !

Gérard a dit…

Quoi je lis que tu n'aimes pas les vélos dans ta ville ? tu préfères les voitures ?

joye a dit…

Ah okay, le TOURisme de FRANCE est passé par chez toi, ah okay !

;-)

Brigetoun a dit…

les voitures ne roulent pas ou très très lentement dans les petites rues, les vélos foncent forts de leur bonne conscience, et à Paris avec unz préférence pour les trottoirs,niant l'existence des piétons qui pourtant, sauf cigarettes sont pour le moins aussi écologiques, et ils me gachaient la vie de plus en plus, eux et les rollers, moi qui était (avant la dernière année, une "piétonne de Paris" convaincue