Monsieur Zhang, dans son costume noir, tête posée sur un col dur, cou serré d'une cravate pleine de réserve, visitait la condition des soies d'Avignon, première étape du périple que lui avait imposé son père, et il était civilement grave, mais avec un sourire intérieur devant l'élégance des ouvriers de faïence sur la grande banque de dessiccation, et puis revenait à une attention gracieusement déférente pour écouter Maître Larouette lui exposer les très habituelles opérations nécessaires au titrage.
Peser le poids marchand des échantillons, après chaque dessiccation des matteaux, oui da, mais peser mes rêves, mes élucubrations, peser les fils d'or pour les brocards pour chasubles ou étoles, chez mon grand oncle, entre Rhône et Saône, dans la petite pièce aux lambris sombres, (mais la balance était plus petite), peser la mousseline d'un sari en un autre siècle, peser chaque pelletée des feuilles que le mistral dépose dans ma cour, peser les duvets perdus qui y viennent, peser la force du vent qui renverse les pots, peser les chances pour que la haute branche, tige, hampe, de l'olivier fou casse en dansant une saltarelle déchaînée, peser ce qui ferme mes paupières, peser le poing d'acier chauffé et fictif qui fouaille mon ventre, peser la lumière qui descend sur le mur, peser la joie des mots, peser ma capacité d'admiration sans retour, parce qu'il n'y a pas lieu, peser l'endurance, peser la vibration de l'air et la musique, peser mes élans et mes envies de repli, ne pas peser mes rancoeurs pour ne pas m'enfoncer dans la honte.
6 commentaires:
Admiration sur la documentation !
Y en a-t-il que la condition déçoit ?
magnifique.
Très difficile de peser le pour et le contre
Ce n'est pas un peson qu'il faut avec le Mistrau mais une bascule et encore...
J'aime comme le pèse-lettre(s),ton pèse-feuille(s)
et me voilà revenue aux temps des magnaneries, de mes grands parents...
oui en fait par chez nous Monsieur Zhang n'avait une énorme concurrence
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