Comme tous les matins, ou presque, ai ouvert un oeil, samedi matin, entre quatre ou cinq heures, me suis levée, ai monté la marche pour entrer dans la pièce, ai tourné le bouton du radiateur, avalé une gorgée de café froid et une cuillère de miel, croqué dans un chocolat, me suis assise avec ces goûts pour surfer sur internet, en m'arrêtant parfois, quand cela me chantait, et suis retournée sous la couette pour me rendormir benoitement.
Comme tous les matins, ou presque, ai émergé une seconde fois, frissonnante dans un demi-sommeil, vers sept heures, pour ouvrir les volets, faire la vaisselle, boire trois gorgées de café tiédi avec un crouton grillé, ai allumé la radio, me suis adossée au mur en tétant une cigarette pour me gorger de chaleur, assez pour reprendre un peu ma lecture, et peu à peu j'ai senti que je m'éloignais de ma routine, un peu trop, un peu plus que la petite dérive qui permet de la sentir. C'était étrange, j'ai hésité, et puis j'ai descendu ma main pour tâter le radiateur et constater qu'il était froid, presque glacé. Me suis maudite, ai voulu l'allumer, ai constaté qu'il l'était, me suis recouchée, tirant mes drap, couverture, couette par dessus ma tête, et pendant que France Culture parlait du monde tel qu'il va, ma petite cervelle travaillait jusqu'à ce que je me rendorme tout doux.
Bon ce qu'elle m'a dit, qui était contacter propriétaire, gérant, et entreprise, est resté sans résultat à neuf heures, puisque nous étions samedi, ce dont je n'avais pas eu conscience, et m'en suis allée, grelottant d'un froid imaginaire, en quête d'un radiateur d'appoint, me demandant comment je pourrais le ramener, en ai finalement trouvé un, tout efficace, tout léger, que j'ai ramené triomphalement, ne m'arrêtant qu'un moment, pour me reposer, avant de traverser la place de l'horloge, qui m'est apparue, dans la lumière morne et blanche, comme un désert désolé.
Voilà, voilà. Et toute au plaisir de la tiédeur qui s'installait, (pendant que le bleu envahissait le ciel) je n'ai pas renoué avec les projets abandonnés le matin, j'ai un peu vaqué, un peu dormi, lu la moitié de « Saphir Antalgos, travaux de terrassement du rêve » de Cécile Portier http://www.publie.net/tnc/spip.php?article298 (dont je parlerai sans doute plus tard quand je l'aurai fini et pourrai trouver des mots) et comme, moi qui ne rêve jamais, du moins en dormant, je me suis retrouvée dans « Rêver éveillé ce rêve apaisant, comme un sas entre les tensions de la veille et la violence du sommeil. Se raconter en boucle cette fiction sans rebondissement, sans habit, sans langage. Se raconter à soi-même l’histoire de sa présence qui pour une fois ne serait rattachée à rien. », du moins, là, dans la première phrase, pendant que cuisait une grosse pomme de terre pour mon dîner, me suis arrêtée un moment sur une des photos que j'enregistrais
et j'ai vu un pont dans la campagne romaine que dessinait, d'un trait fin et vivant, le jeune Fragonard, pendant que, peut-être, l'abbé de Saint-Non le regarde, qui rendra compte à Natoire, et Honoré aurait, plus tard, de ce dessin fouillé, avec un arbre frissonnant au premier plan que j'installe avec ses petites feuilles qui sont d'un joli vert tendre perceptible dans le noir et blanc, pendant que, lui, il fait passer une rivière sous le pont, ajoute les colonnes d'un temple dans un coin, deux ou trois marches de pierre, et des jeunes femmes à genou, en larges jupes et chemises aux longues manches bouffantes un peu retroussées, à côté de paniers débordant de linges blancs comme ceux qu'elles frottent dans le courant, et un garçon qui fait une niche quelconque, Honoré donc aurait, plus tard, tiré une ou deux esquisses avec ses grands coups de pinceau, du bleu, du jaune, du vert, du rose très pale et très soutenu et des virgules blanches.
Bien, ne savais de quoi charger « Paumée », m'est avis que, bien ou mal, idiot ou non, c'est fait.
10 commentaires:
Un radiateur en ville, une idée poétique... et un concept marketing pour Jean-Claude Decaux (il y a déjà les cylindres chauffants dans les gares, pôles d'attraction rougeoyante en hiver).
En fait tu es courageuse et pleine de ressources pour pouvoir rester par la suite tranquillement à lire de tout ton saoul et avoir du temps pour farfouiller dans tes photos où une peut surgir pour miraculeusement très bien illustrer ce que tu es en train de lire !
Sinon je confirme, j'aurais très bien pu prendre aussi la première photo !
Ta cigarette du café est aussi savoureuse que si c'était moi qui l'avait fumée !
Si ton radiateur ne crache pas de feu et de fumée (et tant mieux, ça serait un tantinet inquiétant), caresse le de temps à autre pour savoir s'il est toujours constant dans les taches qu'on lui a confié !
Surréaliste, la place de l'Horloge par la vertu d'un radiateur remplaçant la machine à coudre...
Tu n'as pas eu peur qu'il prenne froid pour l'avoir ainsi déballé à la vue des passants? Heureusement, il y en avait peu.
"Chauds, mes marrons!"
ne l'ai pas déballé, ai refusé l'emballage - plus maniable et pus chic ainsi
D'une certaine manière, nous vivons tous ensemble.
J'ai presque le même radiateur à côté de moi.
Je n'aime pas le café froid !
Les morceaux de vie âpres deviennent doux dans tes publications.
non plus un cadran solaire mais un radiateur donnant l'heure...
Didonc, j'ai l'impression que le nouveau est plus grand que toi !!!
Garde-toi bien au chaud, petite fée.
Lorsque l'on disait à P. Dac, ferme la porte il fait froid dehors...il répondait j'ai fermé la porte et il fait toujours aussi froid dehors....même avec un radiateur.
Jamais mal ni idiot chez "Paumée", même tes déboires avec ton radiateur sont agréables à lire (si ce n'était le désagrément de te savoir sans chauffage en ce moment...)
J'ai beaucoup aimé, jusqu'au trait final : que voilà "Paumée", cette baroque barque, bien chargée d'un dimanche d'hiver !
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