devant des murs sots, détaché contre la barre qui se voudrait animée de la Balance, sa force, son ampleur, la poussée de sa sève, discrète, éminemment présente, cette majesté, qui s'offre cette coquetterie de la courbe penchée, comme un arc bandé. S'assoir sur le banc de béton neutre, pour relire, à l'abri, blottie mais non oppressée, ce qui a surnagé de lectures.
Comme chez Daniel Bourrion http://www.face-ecran.fr/terres
«Ombres derrière dedans de moi ombres partout chemin de moi ombres sur les ombres et qui m’attendent ombres qui poussent ombres qui chantent ombres dans mes rêves ce sont cauchemars ombres du vent le temps de l’ombre ombres des mots ce qui est là mais n’a nulle face nul visage ombres qui tuent et c’est lutter que de rester mais tout le jour à les attendre sur leurs passées main au collet pour les piéger tenter au moins ombres qu’on fuit et qu’on affronte et qui nous tuent mais nous d’abord les meurtrissons ce sont nos sources et nos racines ombres de nous ombres de moi ce que j’extirpe pour n’en étouffer pas de suite. »
Comme, chez Pascal Quignard
« Une craquelure brûlée, presque noire, sur le pain, appelle la faim. Une croûte brune sur une plaie ancienne commémore la menace de mort. Les figues au moment de leur maturité à la limite du pourrissement s'entrouvrent. La luisance étrange de l'olive au moment où la peau se ride et sa chair fermente légèrement. L'attrait accidentel où l'impression de la mort s'approche l'émeut. C'est une beauté « tempestive »... Comme la gueule béante des fauves fissure leur face dans l'instant d'avant la mort. Toute trace préhumaine dans la nature de ce qui est mourant, de ce qui est sur le point de mourir, de ce qui va mourir attire l'empereur. »
départ, sous une petite pluie fine que je n'avais pas devinée, vers l'opéra, en regrettant d'avoir boudé mes bottes en caoutchouc parce que la partie haute des trottoirs de la rue Saint Etienne et le reste du trajet, n'étaient pas déneigés.
Je me suis installée juste au dessus de la scène, au bout du premier balcon, ce qui était inutile parce que le plaisir de voir les interprètes n'ajoutait rien, gênait presque au début (charme très relatif et expressivité un rien excessive) alors que la perfection du dialogue, de l'accord entre Patricia Kopatchinkaja (violon) et Fazil Say (piano), passait presque davantage à l'audition pure.
Interprétation qui vous emportait de la sonate à Kreutzer de Bethoven. Violon clair, avec ce qu'il fallait, selon le moment, de fougue, d'énergie, d'entrain, de charme, de chant et l'évidence du jeu du piano.
Et puis, toute la sève nécessaire aux danses polonaises roumaines de Bartok, la saveur des musiques populaires transcendée.
Après un entracte avec descente en masse du public (assez nombreux pour de la musique de chambre) la sonate n°2 de Ravel, les contrastes entre les différentes parties du 1er mouvement, et le faux banjo malicieux du second.
En fin de programme une sonate de Fazil Say, les premiers et quatrièmes mouvements intitulés « Melancholy », qui ont un certain charme, sans beaucoup d'originalité, et mettent en valeur la claire souplesse du violon du début du 19ème siècle que jouait Patricia Koatchinkaja, encadrant des mouvements inspirés par la Turquie que j'ai beaucoup aimés, « grotesque » exubérance déchaînée, « perpetuum mobile » danse tumultueuse et « anonym » chant tragique avec des coups sourds du piano.
En bis, mélange de violon et de musique bruitiste puis, en duo, des improvisations swinguées et savoureuses (à partir du premier mouvement de la sonate pour la première) – enthousiasme de la salle, extrême saveur.
Je suis rentrée en marchant sur la chaussée, spécialement dans la petite côte raide.
16 commentaires:
Bonsoir Brigetoun.
ouf
vif soulagement
ce matin était le deuxième très chagrin
où vos billets étaient devenus invisibles (du moins sur mon ordi lointain)
NB : le mot de vérification = "patinc"...
J'aimerais bien réentendre Fazil Say, je l'ai écouté pour la première fois à ses débuts il y a plus de quinze ans au festival de Radio-France à Montpellier et c'était une manière nouvelle et curieuse d 'interpréter des classiques. Cela m'avait plu.
Il fallait une bonne motivation pour sortir la nuit avec ce temps à Avignon mais vous l'aviez.
Ce rendez-vous quotidien avec " Paumée "est devenu un peu essentiel, bonne journée.
J'aime la couleur et redécouvrir la verdure de cet arbre me laissant penser que nous allons pouvoir reprendre nos activités citadines et là c'est comme si tu nous en avais permis l'accès en ouvrant la première la porte du grand théâtre.
Ce matin, vue panoramique de votre blog : vous avez conquis l'espace (vous vous êtes envoyée en l'air), et cela apporte ainsi une respiration fraîche et large à vos lignes et photos.
Bravo.
Oublié de signer le commentaire précédent : mais il y a de la place...
La glace brisée
Réchauffement climatique en vue
le chemin balisé
Depuis le "relookage " de ton site il neige en Avignon ...je blague !
quand le vent est au sud
sur un banc de béton
on pose son giron
compte ses provisions
ciel l'ailleurs m'appelle
pour autres affaires nouvelles
jamais repue ne seront
de nouveaux horizons
Courageuse de sortir par ces temps mais il semblerait que le déplacement en valait la peine.
voulais écouter la sonate sur divers site mais mon ordinateur me l'interdit, frustration totale...
(encore une fois suis éblouie par le nouveau paumée, frais, large, épanoui, laissant la place plus belle aux images bien sûr, mais les mots aussi sont changés, comme avec de nouveaux vêtements)
Nouvelle année, nouvelle page ? c'est agréable faut dire. Bien courageuse de sortir par ce temps. Trop peur de me casser la figure, suis restée prudemment avec "Le mec de la tombe d'à côté"...
J'aime beaucoup ta dernière photo, ta dernière phrase. Cette manière délicate que tu as de jouer avec le récit de ta vie.
Comment as-tu pu délaisser tes bottes en caoutchouc, bébête ?
J'ose croire, chère brige, que la musique était moins belle que ta description d'elle.
BRAVA !!!
(j'y étais, je t'assure, grâce à tes mots !)
un joli look ton blog, plus de clarté qui font ressortir tes photos... encore une merveilleuse soirée opéra?
Tes billets étaient invisibles chez moi aussi... mystères de l'informatique. Beaucoup de courage pour sortir le soir dans le froid et la neige. Mais le concert semblait en valoir la peine.
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