Et me voici posée au creux d'une absence, dans un vide, un non-monde. J'ai un peu froid. Je regarde. Le gris du ciel, le blanchâtre des murs, sensation d'être ciment humide.
Le silence ne se brise, dans la montée, la force, la décrue, d'un moteur, qu'à de grands intervalles, et, chaque fois, au début, je tendais l'oreille, me crispait, me relâchait mais maintenant je n'entends plus.
Je n'ai rien. J'ai un peu faim, et un léger écoeurement, comme dans une tôle de bateau oublié, mais l'odeur n'est pas la même.
Le vide, le neutre. Je vais dans le placard douche et je regarde mon visage, bien centré dans un rectangle absolu, je vérifie, et malgré la lumière blanche je vois de la chair, un peu défaite, un peu rosâtre, mais de la chair, et des muscles, je souris, je grimace, je pose de la vie.
Et puis, en quatre pas le long de la couchette, je reviens vers la fenêtre et la terre, les routes qui cernent ce truc posé là et dans lequel je suis, l'arbre dénudé. Je pense à la jeune femme de l'accueil et à la silhouette derrière elle, par l'entrebâillement d'une porte qui ne laissait voir du profil d'un meuble qu'une petite surface de contreplaqué ne permettant pas de deviner s'il s'agissait d'un comptoir, d'un petit placard, d'un bureau. Elle était aimable, juste ce qu'il fallait, détendue. Comment peuvent-ils vivre ici ?
Et de quoi ? Bretelle il y a, mais un peu à l'écart, comme une image du trafic qui gouverne notre territoire, qui semble curieusement rare ici, imaginaire – et d'ailleurs la vue du bâtiment, le tableau des clés, laissent supposer que les chambres sont rares.
Je m'assied sur le crochet vert qui recouvre le lit. J'inventorie mon sac, mais pour une fois il n'y a rien, pas le moindre livre, journal, écrit, juste des cigarettes, un tube de caramels durs et ce carnet dont j'utilise les dernières pages.
Alors j'allume la télévision qui est fixée face à moi, au dessus d'une tablette – un plateau, une bouilloire, une tasse, des sachets de café soluble – et je m'amuse à faire défiler des images, et puis je tombe sur un bonhomme qui se tortille, micro sous le menton, dans des lumières atroces, et au bout d'un moment de fascination je lui trouve un certain charme. Je bascule en arrière, et en m'endormant je me demande comment je vais pouvoir partir.
15 commentaires:
Comme dans un Hopper.
Soi,dans son petit chez soi...
"pas si petit que ça" dit le Petit Prince
hopper:merci à Chri pour la référence
Salle d'attente ...
Il fait toujours froid dans les salles d'attente.
un tel hôtel vous ôterait toute envie de s'arrêter en chemin...
Je n'ai qu'une note d'avance et ce temps ne me donne pas envie de sortir... Pfff...
Ouf...le libellé "petit conte" me rassure un peu. Je ne peux pas penser que tu ais pu aller dans un tel endroit sans livre, sans gros carnet, sans téléphone, c'est visiblement un endroit à devenir neurasthénique. Cet hôtel me fait penser à ces motels que l'on voit souvent dans les films américains, froids, glauques, sans âme, et où il s'y passe toujours des horreurs, bien souvent des crimes !
Il y a certainement un besoin de voir de près ou de loin ce genre de résidence pour nous rappeler que nous sommes bien vivants, mais je ne me pas m'empêcher de penser non plus aux favellas, aux bidons villes qui pourtant sont bien habités en permanence, ou pire, aux S.D.F. qui seraient peut-être content de dormir au chaud même si l'habitacle n'est pas coquet !
curieusement il me plait bien cet hôtel du bout du monde, ton texte me fait penser à ce film de jim jarmusch "strangers than paradise".
juliette mézenc
Qu'es tu venue faire dans ce boui-boui ?
pas de livres, c'est robinson sur son île, partir il faut
"STARK" comme dirait une Allemande.
Mais je ne suis pas allemande (pas cent pour cent), donc, je dirai « Excellent, ce portrait du désert affectif ».
Hommage à Camus et son Mersault au prison ? Ou juste coïncidence et estimation erronée de ma part ?
juste un trajet et la vision de cette chose près de Pierrelatte entre échangeurs et frisson à l'idée d'y être
C'est l'ancienne annexe du Relais de la Croisière. Deux chambres simples, pas chères mais utiles aux routiers et ouvriers s'arrêtant par là. Il n'y avait pas autrefois cet horrible conteneur. La RN 7 était, dans cette région, parsemée de petits routiers avec chambres. On se retrouvaient dans dans l'amitié et la chaleur de salles à manger enfumées et bruyantes aux fortes odeurs de cuisine. En fermant les yeux on pouvait presque se croire sur la mythique Route 66... Aujourd'hui les ouvriers vont au Formule 1 ou à l'Etap... Plus confortables mais sans âme...
Un petit saut chez toi pour te souhaiter une bonne et heureuse année 2010 remplie d'inspirations poétiques. Amitiés.
Lou Ravi, merci de ton passage, et merci de ces précisions,
J'ai eu l'impression d'une désolation absolue en passant mais c'est vrai que les lieux sont ce que les gens en font
C'est si vrai ce que vous ecrivez
"Les lieux sont ce que gens en font".
De 2010, ne prenez que le meilleur.
Belle année Brigetoun :-)
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