Au matin, plus n'était neige en ma cour, les derniers blocs dont la chute avait ponctué de chocs sourds mon lundi après midi, finissaient de fondre, et les frêles branches que mon olivier lance vers le ciel, démesurément, étaient libérées de leurs pesants paquets gelés, mais en gardaient une courbe épuisée, dans le début de lumière qui éclairait le mur.
Et la ligne dessinée sur le bleu renaissant du ciel par les branches de mon platane favori faisaient écho à leur courbe, en un petit salut qui n'a pas suffi à me faire oublier le froid, plus grand encore que je ne m'y attendais, plantant petits couteaux dans mes pommettes, mes joues, faisant pleurer mes yeux et couler mon nez.
Froid qui conservait précieusement, en toute leur blancheur, des petits amas sur des escaliers, certaines dalles de la place, des coins de terre.
Un peu de ménage, sourcils levés en voyant le poids gagné, journée cotonneuse pour l'assimiler, tentative de paragraphe pour le convoi des glossolales, http://leconvoidesglossolales.blogspot.com, et reprise des quelques lignes accrochées l'autre jour.
Cette année là les loups avaient été vus dans les alentours de la ville dès le début de l'avent. Le froid s'était installé, blanchissant de gel la terre, et le vent du nord avait soufflé pendant des jours, pénétrant à travers les plus épaisses mantes, troussant les cottes, bousculant les passants. Une charrette avait versé sous une rafale au bord de la rivière, et malgré les efforts des gars pataugeant près de la rive, dans l'eau coupante, pieds tordus sur les galets, agrippés à des branchages, son chargement s'était perdu. Ils étaient là, dans la cour devant le manoir, pressés de se chauffer, transis dans leurs vêtements de lourde laine trempée, et tremblant plus encore dans l'appréhension de la colère de Maître Guilhem, l'intendant au mauvais visage.
Suis partie dans léger vent bien froid qui glaçait les derniers lambeaux de neige vers l'opéra pour entendre, avec une gourmandise anticipée qui n'a pas été déçue, le quatuor Ebène dans son programme phare, les quatuors de Ravel, Fauré et Debussy.
Me suis installée, rejointe par le même couple que la dernière fois (augmenté d'amis), au bout du balcon, à l'orée, proche de la musique, et, pendant que mes côtes se desserraient lentement, je suis entrée avec les musiciens dans l'allegro moderato de Ravel, captivée par ce premier mouvement – la merveilleuse intervention de l'alto, leur très beau son, les relances et ce moment sublime à la coda. Et tout le quatuor est resté, tension, sensibilité, à ce niveau – de moments de beauté inouïe – les passages où le son s'efface, où ils jouent en dessous, avant un rebond à partir des notes graves du violoncelle, les vagues claires, la conversation volubile du dernier mouvement.
Un petit speech du violoncelliste pour préparer le public à l'intériorité de Fauré et pour (il faut dire que nous avions été passablement gênés par de multiples toussotements, raclements de gorge du parterre à la fin du Ravel) nous suggérer de chérir les chats que nous pouvons avoir dans la gorge plutôt que de les expulser.
Et puis une très belle interprétation, intense, en équilibre, du quatuor de Fauré, que j'aime spécialement, avec juste assez de tristesse profonde, juste assez de passion. - la beauté tendre de cette musique, qui n'appuie jamais,les longues phrases polyphoniques comme des diaprures, leur sensibilité.
Je suis sortie sans manteau sous l'abri du balcon, le temps de trois stupides bouffées d'un cigarillo, puis me suis repliée sur mn fauteuil, me réchauffant peu à peu en écoutant les conversations des gens descendus du 2ème balcon et en lisant un résumé du quatuor de Debussy, musique dont j'ai enfin appris en grandissant à apprécier l'invention et la beauté. Malheureusement, au dernier moment, trop tard pour que je me déplace, mon manteau a été flanqué au sol par une badame qui s'est installée, me regardant avec un petit sourire triomphant et tout le début m'est parvenu filtré par des ondes d'agressivité et une protestation de mes jambes. Debussy a fini par me récupérer à la fin du 2ème mouvement et le reste a été plaisir.
En bis nous avons eu droit à un peu de jazz qui a achevé de conquérir la salle.
Et suis rentrée bien vite pour ne pas laisser la température m'atteindre, assez admirative de constater qu'ils gardent dans leur façon de jouer pour la xème fois cette musique assez d'amour, de sentiment pour que nous puissions y raccrocher, simplement, directement, le notre.
J'avais trouvé en fin d'après-midi sur internet une assez merveilleuse vidéo de prises, discussions, travail des musiciens et preneurs de son pour un de leur disque sur lequel ils interprètent ces quatuors, http://www.youtube.com/watch?v=Y2Hywiv8jXU , et pour un autre répertoire (qui a été leur second bis dans une interprétation assez différente mais savoureuse) http://www.quatuorebene.com/fr/article/page/jazz
18 commentaires:
Et la musique, comme toujours pour toi, triompha d'un reste de neige, du froid hypocrite , d'un regard oblique même de trois bouffées de cigarillo pris à la sauvette
Rêvons de concerts où le respect de la salle remplit le temps.
Un olivier et la neige, il est vrai que le dialogue est rare...
Avignon je ne comprends pas - bon vais reprendre du café
Je voulais dire que je rêve d'un concert durant toute la durée duquel personne ne tousse ni ne maltraite ma veste...
Une petite tasse bien chaude,Brigetoun, me ferait bien plaisir : ici la neige nous fait visite aujourd'hui. Je vais me capitonner pour "aller au bois" avec la brouette. Et la musique aujourd'hui ce sera Mozart à la maison avec "Dans la main de l'ange". Le livre a déjà bien servi et donc, ses pages ont un peu jauni. Le caresser fera partie du plaisir. J'aime beaucoup tes rendez-vous avec une musique si bien jouée et un public si respectueux.
Il n'y a pas qu'en hiver que les salles toussent!
L'émotion peut nouer la gorge...
Dans les fortissimo, on ne les entends pas. L'émotion trop forte.
se caresser la gorge, presser légèrement et la plupart du temps ça marche, la toux attend
J'aime... "les frêles branches que mon olivier lance vers le ciel, démesurément, étaient libérées de leurs pesants paquets gelés, mais en gardaient une courbe épuisée"
agnès/dusha
Chérir le chat en nous... Quelle bonne idée !
"couler, attendre un éventuel ressac, sans risquer l'espoir"
Brigitte, vous avez perdu près de chez moi ces perles ... Vous avez sûrement chez vous le collier défait ?
tant perdu ou semé de perles que le souvenir même du collier n'est plus
J'ai bien aimé "chérir les chats que nous pouvons avoir dans la gorge plutôt que de les expulser", c'est vrai que l'on se demande parfois pourquoi les salles de concert ressemblent à des sanatoriums ... le confinement, la chaleur, la tension dramatique ? et bien évidemment le bleu de ton platane.
Tiens, un platane que l'on n'a pas réduit en moignons, cette année, platane qui donnera des akènes, comme ceux de la semeuse gourmande du dictionnaire d'Albin.
et pour se souvenir de la neige, crissement sous les pas pour prolonger le froid et le disperser en nous — cette vidéo de Chantal Akerman :
http://www.youtube.com/watch?v=SDJ3JiSwGYg
Le message est passé..Avignon station de sport d'hiver...concert si affinités !
béton
♫♫♫♫♫
bois
neige
béton
composite
papier
bois
chair
chair
chair
musique
♫♫♫♫♫
Se laisser envahir par les sons "musique des anges "parfois et fi des "badames" insolentes ....
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