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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

jeudi, mars 18, 2010

Ô ma belle, il est beau ton fils. Tiens toi bien droite, à l'abri. Parce que, pardon, il faut que je te dise - je ne sais pas comment - désolée suis - mais voilà, je viens de voir ta soeur. Et il était mignon son fils, elle le tient bien, elle aussi - je ne sais pas comment d'ailleurs. Seulement tu sais, ben, elle, elle ne va pas très bien.

Quant à moi, suis trop maladroite, trop vieille, trop égoïste pour cela.

Et je reprendrai mon chemin – doucement – en goûtant la venue, enfin, du printemps, sans trop le dire, pour ne pas lui faire peur,

parce que la fin de l'hiver, la lumière blanche, la prière des arbres c'est souvent beau, certains l'affublent de romantisme, mais, réellement, franchement, de tous mes os, de ma peau, de mes yeux, j'en ai assez.

J'ai eu, mardi, une impression de familiarité en lisant, chez Joachim Séné, «J’ai laissé tombé la lecture de Choir, temporairement. Ce sombre sarcasme, cinglant d’humour noir, je connais ce monde,.... « voir http://www.joachimsene.fr/journalecrit/2010/03/16/choir-chu-rechappera/

Moi aussi, je l'avais abandonné, pour reprendre souffle, surtout parce que le monde notre me sollicitait un peu, et que j'avais lâchement, besoin de m'en abstraire, mais ces intervalles n'ont pas dépassé un ou deux jours, et, moi aussi, j'y suis revenue, parce que c'était évident.

J'ai alors, émergeant en cette fin de journée vide, repris les dernières pages, replongeant dans le désespoir qui envahit, en approchant de la fin, le scribe, avec plus de prégnance

«Lorsque nous nous mirons dans Choir, nous voyons Choir encore. Et nous luttons contre le sommeil – plutôt rester éveillé dans Choir – tant est grande notre crainte de rêver de Choir, et nous réveiller alors en sursaut dans Choir.

demain tout ira mieux

hélas

car viendra ensuite après demain

et la cruauté froide du souvenir

et, curieusement (?) alors que l'évidence de la parenté entre nous et les habitants de Choir m'était plus forte, l'évidence de la force du livre m'a convaincue. J'ai tenté de résumer mes impressions, brièvement, et maladroitement, passant sans doute à côté d'autres lectures plus pertinentes, j'ai mis le résultat dans un coin de Babelio, et je le reprends (avec quelques citations)

"Choir" cet univers atroce, puisque tel est son nom, Choir ce livre hors genre, héritier de Beckett et Michaux et fils de Chevillard, monde où tout mouvement est inutile ou plutôt où tout effort aboutit à une aggravation, et qui avance sur trois niveaux entrelacés souplement.

«Une seule ambition pour les habitants de Choir, notre seul projet, quitter Choir. C'est formulé ici avec mesure, froidement, pour la chronique. En temps normal, nous le hurlons;

BONDIR HORS DE CHOIR !»

«Nous supposons cependant que Choir est une île, un anneau de récifs enseveli sus le sable et fermé autour d'une mer intérieure. La controverse commence lorsqu'il s'agit de déterminer quelle est la mer intérieure et quelle l'autre, l'extérieure, l'environnante..»

La description minutieuse, le constat navrant où le scribe trouve fuite en s'occupant, en se trouvant une raison d'être autre que l'entretien presque tendre de Calmar, cet outil d'observation impossible, fuite aussi dans un rire sarcastique, celui là même qui est notre tentation quand nous avons par trop le soupçon que ce monde de Choir, y compris avec les bonnes volontés et les craintes et affrontements, les règles qui unissent ses habitants, pourrait être notre.

«Quand le rire découvre nos dents, pareillement, nous en profitons pour mordre. Car, oui, nous connaissons la solidarité, à Choir, et mieux même, la convoitise. Le malheur de l'un fait le bonheur de tous les autres, axiome qui se vérifie aussi à l'envers. A Choir, au reste, la réciproque est toujours vraie.»

«Nous ne mangeons pas d'âne, mais c'est aussi par scrupule de conscience : comment dévorer en effet notre fidèle et endurant compagnon aux cils soyeux, aux gros yeux humides, sachant quel infect purin nous l'avons toute sa vie forcé à boire ? Et nous sommes si émus de voir le ver se trémousser d'aise dans notre paume que nous le coupons en deux pour être trois à nous réjouir.»

Les invocations adressées à Ilinuk, leurs scansions, leur lyrisme digne des prophètes.

«Orée, Entame, Bourgeon, Aube, tous les départs, Ilinuk ! Lauréat du plus gros potiron ! Extra-fine Illusion ! Lanceur d'oies ! Imputrescible salaison ! Algue dans le fer ! Ilinuk ! Cheval de nuages, Ours de neige, Papillon de cendre et de toutes les autres farines la brioche insécable ! Petite Lune dans la nuit et déjà morte, ô Iinuk, fils du Chameau dyspepsique et de la Loutre noyée, reviens

Le récit-conte écouté bouche bée (et certains bien entendu font les forte têtes, le refusent comme mensonge ou simplement comme ennuyeuse répétition dont les jeunes doivent se libérer) de la geste d'Ilinuk par Yoakam, qui réveille l'espoir du retour, de la délivrance, de l'envolée générale hors de Choir.

«Il avait grandi, ses muscles se développaient, mais il restait étonnamment fin. Sa silhouette élancée contrastait avec les nôtres, plus trapues, voûtées.... Du fait de sa haute taille, il donnait toujours l'impression de regarder au-dessus de nous, ou au-delà, plus loin

Que cette issue par l'espoir, que la ferveur des appels, soient sans objet, ne débouchent que sur le pire dépassant la détresse, n'est qu'une façon de clore, de parfaire ce monde, ce livre, car pour nous lecteur, pour faire de cette possible fable chose éventuellement éveillante mais de toute façon assez délectable pour que nous ne nous évadions qu'en faisant des pauses - mais nous reprenons la lecture immanquablement - il y a le plaisir, souvent la jubilation, et l'admiration de l'écriture, de la construction.

12 commentaires:

joye a dit…

Tu laisses donc cheoir le choir, brige.

micheline a dit…

ce monde de la damnation que je crois percevoir ça pue encore la religion cette ensorceleuse voleuse de vie
ô!pardon si rien à voir.... que la belle reluisance des mots

Lautreje a dit…

Quelle envolée pour ce printemps ! Bien aimée aussi les photos, association : l'échafaudage, les mots (maux) du corps.

jeandler a dit…

La soeur n'a pas de chance.
N'y aurait-il pas un petit échafaudage pour elle et la conforter?
A vot' bon coeur, messieursdames.

myriam a dit…

A surseoir ?

Michel Benoit a dit…

Oui, nous échafauderons.
Et nous souffrirons.
Mais aussi nous rirons.
Et nous irons boire du vin.
Et après nous dormirons.
Et demain nous recommencerons !

Gérard Méry a dit…

J’ai laissé Choir la lecture de tombé, ..mais là çà ne veut rien dire !

florence Noël a dit…

J'ai tout aimé dans ce billet, de la prose marchée émaillée de photos, magnifique de justesse. merci pour ces impressions sur cet hiver finissant que je partage.

à ce livre que ces quelques extraits commenté donnent furieusement envie de découvrir.

arlette a dit…

"La prière des arbres" c'est beau !! comme des bras levés en détresse
et "Choir" sur son blog je laisse parfois..... choir aussi !

JEA a dit…

Trop de martel en tête pour la seconde ?

JS a dit…

"Il me restait quelques lecteurs, qui ont lu Choir puis qui se sont pendus." - Eric Chevillard.

Brigetoun a dit…

comme j'ai l'esprit de contradiction, je me mets justement à avoir un oeil indifférent pour mes poutres