Déluge qui semblait obstiné dans le petit matin, qui se maintenait lors de la troisième glissade hors des draps, et, au détour d'une des quintes obstinées, en sortant de la douche, en me plantant avec un toast devant la porte de la cuisine, l'impression que le ciel se soulevait lentement, et gouttes pendues aux feuilles dans un air humide mais sans pluie.
Je suis sortie pour des courses chez Carrefour, en dépit de ma désapprobation du travail du dimanche (sauf les marchés, les boulangers, les marchands de tabac pour la convivialité), et au retour j'avançais à la rencontre du bleu, qui se faisait délicieusement frais, délicat et fragile devant moi, en redescendant vers le Rhône.
Les nuages et le soleil ont continué leur petit jeu, et j'en étais contente pour les courses de rollers et fauteuils à la Barthelasse.
J'ai regardé les tee-shirts et chemisiers à défriper, avec considération, et ne les ai pas dérangés. J'ai eu des projets d'activité domestique, j'ai balayé la cour, toussé dans mon thé, et puis plus, j'ai lu des billets beaux et intelligents sur internet, qui m'ont fait voyager, un peu, sur Sebald en des lieux qui me sont plus proches que les villes du nord http://norwitch.wordpress.com/2010/05/02/dictionnaire-des-lieux-sebaldiens-18-la-mediterranee/ (sous prétexte que mon père avait la méditerranée dans les veines), la fête du dieu de la guerre au Sri Lanka http://www.larevuedesressources.org/spip.php?article318, le carnet du Neckar de Laurent Margantin http://www.oeuvresouvertes.net/spip.php?article324, des poètes, d'autres, et j'en ai fait défiler beaucoup très vite, j'ai envoyé un paragraphe un peu lourdingue, mais qui me tarabustait, au convoi des glossolales. http://leconvoidesglossolales.blogspot.com
Et, crâne vidé, je reprends les deux précédents
La lourde porte de bois s'est ouverte avec un petit déclic électrique qui sonnait péremptoire et banal. Le père s'est penché, a repris la valise et ils ont pénétré sous la voute blanche. Gérard regardait avec une attention passionnée et tremblante devant lui, au delà de la seconde arche. Elle s'ouvrait sur une cour dont l'amplitude exagérée leur est apparue en avançant dans l'ombre dorée de ce vestibule. Elle semblait s'étendre en largeur d'une façon que le garçon a pensée démesurée, sans limite visible. Au fond la façade était blanche, classique, régulière. Deux rangées de fenêtres, rectangulaires et hautes, plus carrées, mais toujours sans ornement autre qu'une moulure en simple doucine, pour la rangée supérieure, dominaient une série de porte-fenêtres arrondies, d'une perfection froide. Un peu à gauche de l'axe qui allait du vestibule au centre du bâtiment, un grand conifère sombre s'élevait, les branches les plus basses s'étendant doucement, en courbes gracieuses. Gérard lui a souri, un peu, comme à un futur ami, gardien, protecteur. Il a cherché la main de son père, a blotti la sienne en son creux, l'a pressé, un peu, timidement, et il levait les yeux vers l'homme, les lèvres prêtes à un sourire. La main a répondu, une fois, fermement. L'homme n'a rien dit, ou plutôt juste, comme ils débouchaient dans la cour : «Tout va bien se passer tu verra... Tiens toi droit... toujours, tu sais», et comme c'était un petit mot de passe entre eux, Gérard a souri, sans s'apaiser.
Dans la ville inconnue, il s'est ébroué pour chasser le mauvais sommeil d'un coin de compartiment, il a pris sa valise et il est parti, tout droit devant lui, puisque c'était selon le plan le chemin de l'hôtel. Dans la ville inconnue, il allait lentement, guère pressé de lire les instructions qui devaient l'attendre là bas, et il regardait. Les deux hôtels, un rien piteux, de la place, et leurs terrasses vitrées, montants à la peinture verte pour l'un, rouge sombre pour l'autre, écaillées à l'unisson, les façades mornes et leurs crépis beige plus ou moins souillé, quelques boutiques sans charme, des groupes de minots qui s'interpelaient d'un trottoir à l'autre, avec bonhomie, défis sans importance et pétarades de mobylettes immobiles, juste pour ponctuer, les cageots d'un marchand de légume et une belle fille qui souriait en passant les mains sur son tablier et ses hanches. Et puis, plus loin, quelques massifs de fleurs sages, une librairie, des boutiques de mode aux enseignes familières, avant la grande place aux tables serrées, bien rangées, ponctuées de parasols encore fermés, bataillon en attente des clients du mitan du jour.
P.S. Pour qui a en a le temps, je conseille de découvrir une femme épatante en regardant http://www.onf.ca/film/soraida_une_femme_de_palestine#
7 commentaires:
Jusqu'à l'extrême minutie, regarder le monde et ses humains puis s'en faire des histoires au miroir de son âme....sans quitter la scène.
J'adore l'athmosphère un ensoleillée de cette note, et j'ai l'impression de vivre avec toi, te suivre dans ta journée.
Le travail de dimanche, pourquoi pas?
Nous, autres, travailleurs de matin à soir tard, au moins c'était ainsi pour moi, c'était le paradis quand je pouvais aller faire des courses, comme aux étaits unis quand j'y travaillais le dimanche, ou très tard le soir.
Ceux qui travaillaient, le minuit ou dimanche, ne travaillaient pas une autre fois, mais nous autres, nous n'avions pas la possibilité à faire des courses dans les heures "ouvrables" françaises auparavant.
En plus, je me souviens de la sensation esquise très tard le soir dans l'énorme magasin qui était en face d'où j'habitais: presque seule dans les rayons! J'avais vraiment apprécié qu'il la laisse ouverte même quand il n'y a pas beaucoup de monde!
Que des adjectives colorés tu utilises dans une seule note, je reste admirative et un peu jalouse de ton talent!
Après touffeur, mitan, un autre mot qui accroche, un autre beau mot.
J'étais hier au château de Roberty (au champs de courses du Pontet).
Ambiance XIXe bien surannée, piano, on se serait cru dans un film de Marguerite Duras.
Mais d'apprendre que ce lieu magnifique et préservé où il y a encore des chevaux, va être vendu et livré probablement à un investisseur... hôtelier.
Pas glop.
En royaume de surréalisme, les hypermachins Carrefour étaient tous en grève samedi pour cause de départ d'une partie d'entre eux pour des pays supposés plus rentables...
Gérard sourit souvent dans cette histoire !
Je n'ai aucunement ton talent pour la description, mais j'adore lorsque tu racontes ces moments, j'ai l'impression d'y être, d'y vivre.
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