Oscillations et vide

J'ai aimé la fulgurance du rose glorieux de mon géranium en poussant mes volets bleus, je n'ai pas aimé les volutes grises qui survolaient ma cour.

J'ai aimé mes cheveux mouillés et les frissons de mes épaules, je n'ai pas aimé, avec résignation, le shampoing dans mes yeux

J'ai assez aimé stagner en maussaderie grisâtre, pour ce revenez-y de mon adolescence, et s'y complaire n'est plus dangereux, le mal est fait.

J'ai aimé que le ciel se troue en début d'après-midi, inonde mon mur, et qu'il en reste encore au dessus

de la joyeuse pagaille des 1000 pagaies.

J'ai moins aimé que le programme figurant sur le site de la mairie soit faux,

que «Théâtre de chant «Domisolka» et programme du cirque Youri Nikouline de Moscou», place de l'horloge, ce soit ça,

et que, place du palais, rien d'autre que ces flûtes assez peu russes, et très familières, n'annoncent l'imminence ou le début de : «Groupe de danse sportive «Carnaval», Théâtre de musique et de danse «Casse-Noisette» (ville d’Orenbourg), et du groupe «Les Magiciens de la cour» (ville de Voronej) mais j'ai peut être manqué de patience.

J'ai aimé les violons qui prenaient l'air chez mon voisin, et je me suis offert un thé méditatif dans ma cour, renonçant à la suite des festivités, et puis j'ai aimé relire, pour son absolue, tendue et calme beauté, sur «oeuvres ouvertes» un texte de Marc Bonneval http://www.oeuvresouvertes.net/spip.php?article425

J'aime modérément, quand il se manifeste, mon côté mule têtue, et je n'ai pas beaucoup aimé, mais j'ai ri, en vidant les graviers de mes sandales, quand j'ai lu ce panneau, à côté de la laideur mouvante du fond de scène, alors que je venais par curiosité, vers 19 heures, voir en quoi consistait le spectacle ainsi annoncé «17heures30-20heures – concert-meeting «ce monde est à nous» - allocutions des personnalités officielles, représentations des artistes russes et français»,

mais j'ai aimé le talent du ciel ;

j'ai aimé, un peu, ou souri, devant les groupes d'enfants costumés et maquillés qui attendaient ;

j'ai aimé regarder le coin de mur visible et penser que bientôt le petit palais serait libéré ;

un peu moins voir arriver des voitures un peu après 19 heures 30, alors que nous ironisions avec un grand reste de bonne humeur avec mes voisins, pas du tout voir, de loin, sortir de l'une Mireille Mathieu suivie d'un porteur de robe blanche, passablement m'amuser des allers et venues des jeunes et charmantes petites mains,

toujours le ciel qui assurait spectacle mouvant et le plus souvent beau

J'ai aimé, pour eux, en espérant qu'ils en profitaient, le nombre assez incroyable de porteurs de petites cartes, de tous sexes et de tous âges, aux occupations mystérieuses ou apparemment nulles, et, à la longue, plus du tout, le duo pianiste-trompettiste qui effleurait un jazz de dancing, alors m'en suis revenue, lasse de me chantonner «grotesque», un peu après vingt heures. La place était vraiment belle, et le jardin du Dom penché sur elle, non moins.

J'ai aimé écouter, dans ma cour, la fin de « meeting with Hammet" de Michel Deustch qui me parvenait par la porte ouverte, et les textes d'Olivier Rolin et Franck Venaille.

Et quand, plus tard, dans la nuit, j'ai entendu des détonations et la trace d'une musique, m'évoquant le feu d'artifice envisagé derrière le rempart proche, au bord du Rhône, je suis restée dans ma lecture, me contentant de voir, par moments, le haut de notre mur illuminé et coloré.