Puisque notre vent nous fut méchant, et que point ne me permis de m'installer dans ma cour, pour travailler quiètement de la terre, et ne sais ce que j'en aurais fait, mais seulement que j'en avais envie, me suis en allée en autre contrée, et me suis fait joie en lisant les lais que Marie de France mis en vers (et qui ont été transcrits pour nous en faciliter lecture, et garder la forme, par Françoise Morvan pour Librio)

Or, sachez que

« Jadis on allait racontant

(Et la chose arrivait souvent)

Que d'aucuns, changés en Garous,

Faisaient dans les bois comme des loups ».

et qu'en Bretagne il était chevalier de grand renom, beau, « noble en l'art de se comporter, proche ami de son suzerain, et que le chevalier s'étant marié, sa femme se troublait de le voir disparaître trois jours par semaine. Longuement elle l'a interrogée, et il lui a avoué qu'il était Garou, et qu'alors il était nu. Elle a eu grande peur, mais elle a eu projet, et l'ayant supplié elle a appris où il cachait ses vêtements, et que sans eux il ne pouvait revenir en sa forme première.

Alors la dame, effrayée, et déloyale, a demandé à un sien soupirant de voler les vêtements, et comme le seigneur ne revenait point, ils se sont mariés.

« Or, voici qu'une année se passe

Et que le roi va à la chasse.

Il va tout droit en la forêt

Où demeure le Bisclavret.

À peine les chiens découplés,

Ils l'ont éventé, l'ont trouvé

Et tout le jour chiens et veneurs

L'ont traqué avec tant d'ardeur

Qu'ils sont au bord de l'attraper,

Le déchirer et l'achever.

Mais voyant le roi près de lui,

Il court lui demander merci,

Il le prend par son étrier,

Lui baise la jambe et le pied.

Le roi le voit, en a grand peur

Et appelle tous les chasseurs.

« Seigneurs, fait-il, vite accourez

Et ce prodige regardez :

Cette bête qui s'humilie

Et comme un homme prie merci.

Faites écarter tous les chiens

Et, vous, ne la blessez en rien :

Elle a raison et jugement... »

or, sachez que le roi l'emmena en son palais, et le chérit, et Bisclavret ne le quittait point et lui rendait hommage.

Et le conte se poursuit.

Un jour, le nouveau mari vient en la cour et le Bisclavret, si débonnaire, l'attaque.

« Et l'on se dit dans la maison

Qu'il ne le fait pas sans raison.

Le chevalier a du lui nuire

Et il essaie de l'en punir. »

Or, sachez que

« Il n'avait pas passé longtemps,

À ce que je sais à présent,

Que le roi si sage et courtois

S'en alla chasser dans le bois

…

Sur voie de retour, à la nuit,

Il dut loger dans le pays.

La femme du loup, l'apprenant,

Se para fort gracieusement,

Vint voir le roi tout aussitôt »

et que, bien le pensez, Bisclavret l'attaqua et lui bouffa le nez.

Après péripéties et explications, le loup Garou redevint seigneur, le roi lui rendit sa terre « quand il en eut loisir », la femme et son compagnon furent exilés, et eurent bon nombre d'enfants, aisément reconnaissables

« Maintes femmes de leur lignage

À la naissance étaient sans nez

Et devaient vivre dénezées. »

Bon, je vous le demande, qu'auriez-vous fait en découvrant que votre mari était Garou ?

Sans prendre parti suis sortie parce que le soleil était bien beau et le vent bien calmé. Et la terre qui me restait était bien imbibée malgré les protections. J'ai eu le temps de me tartiner et de dresser une petite ébauche bien molle, en une matière aussi avenante et solide qu'une mousse au chocolat au lait et deux ou trois rafales m'ayant précipitée, mains boueuses, cheveux dans la bouche et les yeux, à la poursuite de petites feuilles plastiques, bassine, chiffons et rouleau de papier de cuisine. Suis arrivée à tout attraper, à récupérer mes mains sans mettre trop à mal les canalisations, et j'ai laissé ce petit truc sécher un peu pour voir si quelque chose peut en venir.

P.S. Si elle passe ici, je plaide auprès de l'amie qui m'a signalé des conférences intéressantes sur l'art les mercredi (et ce que j'en ai lu en cherchant sur le net était assez intrigant et intéressant) mais, vent ou pas, et surtout avec vent, la distance est bien trop grande pour carcasse.