Le parterre qui ne voulait pas se risquer sur Paumée l'autre jour, qui m'avait fait rêver, brièvement, de campagne, a changé d'avis, et, sans rancune, j'exauce son désir d'être ici, de parler de liberté, de hasard, de petite brise sur l'herbe absente, de graines folles, de lui faire oublier sa condition de composition soigneusement (et avec amour, que fait-il de l'amour ?) assemblée, et installée là, sur un petit socle de pierre, au milieu d'un carrefour, frôlé chaque jour par des centaines de piétons, qui le voient ou non, mais qui le gardent, inconsciemment, dans une boucle de leur esprit, dans une infime modification de leur humeur.
Et pour lui tenir compagnie, j'ai appelé les roses qui ont été sagement alignées, comme une compagnie présentant les honneurs, mais s'affirment avec une anarchie malicieuse
des jolies prisonnières, hésitant entre le charme calme d'un jardin et la liberté illusoire d'une rue écrasée de soleil et de pétrole,
d'un petit fouillis d'herbes nues et fleuries suspendues au dessus des passants,
et, pour leur faire contrepoint, pour avancer dans l'artifice et le rêve de nature, une gigantesque et douce rose, bien charnue, bien épanouie, sans parfum, sans souplesse tendre si on la touche
et même une idée brillante, opulente, gracieuse, artificiellement baroque, de végétation, pour y poser des yeux éblouis et rêveurs, dans l'ennui gracieux d'un salon ouvert sur la nuit.
11 commentaires:
Sur la 3e photo, pas des prisionnières, mais plutôt des joueuses de cache-cache (ne fut-ce cachot-cachot pour continuer dans ton idée à toi). ;-)
Un régal ta promenade, manque plus que le parfum !
L'envie de verdure, de campagne, peut faire apprécier la moindre pâquerette qui pousse entre deux fissures de bitume ! En tant que citadine comme toi et n'étant que rarement à l'extérieur des villes, je suis capable de m'émerveiller sur la moindre fleur plantée bien ordonnée dans un espace ridiculement étroit et étouffé par un environnement encore moins naturel !
Tu le décris très bien, avec beaucoup de poésie, comme à ton habitude !
alors, que "la compagnie des roses vous présente ses honneurs" Brigitte.
Avant-hier, dans la fine pluie tombant sur le macadam chaud, j'ai assez longtemps cherché à photographier une odeur.
Je n'y suis pas arrivé.
Il faut sans doute qu'un nombre conséquent de conditions soient réunies.
Vous ne sentez pas?
une odeur prenante cependant
je m'y suis laissé prendre et charmer
une infime modification de leur humeur...
c'est donc cela le miracle inconscient!
plonger dans le jardin des autres c'est interessant
modification de l'humeur, tout à fait juste et judicieusement rendue (et le salon ouvert sur la nuit fait penser au château de la bête où il ne fallait surtout pas cueillir de roses)
Il suffit d'un peu d'imagination ! Je la reçois par ma fenêtre ouverte sur mon jardin humide.
Ta douce rose sent le sucre
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