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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

mercredi, juillet 21, 2010

Avignon – rien avec application - Guyotat - Faustin Linyekula

Au matin, j'étais un très vieux nouveau-né (ne suis que vieille, ou presque, mais pour un nouveau-né...)

Une fois encore effacé les projets sur lesquels m'était endormie, caressé d'autres, pris une seconde tartine et suis partie, âme un rien coupable parce que plus important, un peu, il y avait, vers la douceur du jardin de Mons et Marcel Bozonnet lisant des textes de Tadeusz Kantor.

Seulement, je flottais tant, instable dans un monde stable mais légèrement flou, ou qui ne me retenait pas, que, découragée, ai tourné bride avant les quelques mètres menant à la maison de Vilar et suis retournée, tout doux, tout doux, préparer lentement grosse écuelle

L'absorber, dormir, ne rien faire avec application.

Vers six heures et quart mettre mon pantalon scientifiquement froissé et une blouse et partir ver Calvet, pour écouter Guyotat lire.

J'ai vu la queue, qui était bien plus longue que cela, et ma décision flanchait quand mon gastro au beau crâne en est sorti, renonçant et m'a conseillé d'en faire autant. J'ai dit «oui, cela me semble préférable» et suis allée me poster dans les derniers, aidée dans la courte attente par l'écoute des conversations.

En entrant dans la cour d'honneur, en regardant le panneau qui annonce la série de lectures à 11 heures, j'ai vu que la dernière sera bien une lecture de Michon (corps du roi) mais par Denis Podalydès, puisque nous ne le verrons pas (Michon) sur la scène de Richard II, qu'il ne peut faire partie de la troupe – navrance négligeable parce que là elle était égoïste.

La cour-jardin n'était pas pleine mais à cette heure le soleil encore de belle force ne laisse pas beaucoup de place aux ombres

Sauf cette ombre magnifique sur Guyotat, vu depuis la marche où je m'étais installée, où je lisais sur le programme :

Arrière-Fond :

«Suite à Formation (2007) qui n’est pas du "souvenir d’enfance" comme on l’a quelquefois écrit, mais le récit de formation d’un enfant qui pense pouvoir consacrer sa vie à la création, j’ai voulu concentrer mes forces de mémoire, d’empathie et de poésie sur la quinzième année de mon âge. 
On trouvera ici, entre autres faits — Dieu Créateur, Dieu Rédempteur, Vierges, conflit au père, amitié de la mère dans les prémices de sa disparition trois ans plus tard, Cosmos, Histoire, filles, femmes, garçons, filles encore, Nature, animaux, ruines de guerre, cirque, et surtout, avec la Poésie, le sexe de femme —, l’histoire, la description, l’explication d’une pratique, la "branlée-avec-texte" qui, depuis l’esquisse de sa description en 1972 dans "Langage du corps" (in Vivre) où je la signale comme déjà révolue, a suscité et suscite toujours des interprétations erronées, des déformations, voire des racontars réducteurs, quand ce qui l’animait alors se situait bien au-dessus et bien en dessous de ce qu’on croit. 
Plutôt que de reprendre le courant chronologique de Formation, j’ai procédé ici par journées souvent longues et suivies de leurs nuits, comprises entre la fin de Juin et la fin d’Août de l’année 1955.»

J'ai opté pour le mélange d'herbe et de terre, parce que je l'entendais mal depuis ma marche, et cette voix ferme, neutre et vivante a commencé à lire le passage où, il revient sur le ferry vers la France et sa famille. La femme qui masse sa nuque pendant qu'il vomit. Envies, plus que désir. Discussion intérieure et vomissements persistants. Et le texte poursuit, digressant avec logique, revenant à cette sensation.

Difficile d'en parler puisque le principal ce sont ces mots, cette construction, claire dans ce texte, les phrases d'une justesse, d'une précision extrême qui nous rendent la poésie, le réel.

Et zut, j'écoutais simplement, cela qui était splendide, qui parlait, entre autres, de l'importance découverte du sexe, de poésie, et de cette femme noire, partie d'un orchestre, de son rêve d'elle, du poème qui en nait et de l'excitation, et du besoin de trouver où l'écrire.

Bien, ce qu'il faut c'est le lire.

Un peu avant la fin me suis levée, m'appliquant à imiter la souplesse de mes jeunes ans, j'ai regardé mon ami, le platane roi, le plus gros, lui ai demandé sa force et suis sortie en silence par la petite rue pour rentrer, préparer dîner, (vite fait), mettre une robe simple, blanche, assez jolie pour me mettre d'humeur de fête, et repartir vers les Carmes pour voir «Pour en finir avec Bérénice» de Faustin Linyekula (et Racine)


Quand je suis arrivée, avec une petite demi-heure d'avance, la file atteignait le théâtre des Carmes

Nous avons patienté comme nous pouvions (photographie, échanges sur spectacles vus, sur la ville moins comble que d'habitude...)

et cela ne m'a pas empéchée, en prenant un racourci interdit, de me retrouver au premier rang, à ma place, sous ma gargouille.

Faustin Linyekula, danseur, mais aussi metteur en scène, qui a monté Bérénice a la Comédie Française, a voulu poursuivre ce travail avec les studios Kabako et Kisangani. Il dit dans l'entretien qui nous est distribué :

«À travers l’intrusion de cette pièce classique au Congo, on peut aussi aborder presque tous les problèmes que nous connaissons aujourd’hui et surtout la question de l’identité. Qu’est-ce qui fait un Congolais? Qu’est ce qu’un étranger au Congo? Les Tutsis, arrivés au Congo en 1959 et dont les enfants sont nés au Congo, pourquoi les avoir brûlés vifs comme étrangers il y a quelques années? En France, lors de mon travail avec la Comédie-Française, j’ai gardé le titre original de la pièce parce qu’il n’y avait que ce matériau présent sur scène. À Kisangani, pour ce nouveau projet, j’ai choisi d’en modifier le titre puisque d’autres matériaux vont être associés à la langue de Racine.

.

Il y aura six comédiens, trois femmes et trois hommes. Nous avons imaginé, dans un premier temps, que ces six personnages arrivent dans un lieu, trouvent un texte de Bérénice et se mettent à le lire. Nous avons imaginé que ce texte est une trace d’une représentation de Bérénice donnée par des Belges avant l’indépendance de 1960. Il y aura de la musique, comme il y en avait dans ma mise en scène à la Comédie-Française, mais différente et sans doute plus affirmée.» (musique de Flamme Kapaya, fort belle)

Et je m'avoue perplexe. Intéressée par le mélange, la danse tremblée ou énergiquement douloureuse de Faustin Linyekula, toujours présent sur scène, en marge (sauf quand il est lapidé symboliquement par les acteurs pour accomplir le sacrifice nécessaire pour revenir aux origines de la tragédie), l'alternance entre les alexandrins lus à la table puis sur le plateau mais toujours (ou presque) en décalage avec les corps par les acteurs au visage blanchi et qui mettent et enlèvent des perruques d'étoupe, joués réellement ou assénés scolairement, ou contaminés par l'apprentissage de la langue (et ils constituent un exercice), un discours de Lumumba, les conditions de la nationalité congolaise, l'histoire des guerres du Congo, l'histoire du professeur qui avait voulu monter cette pièce, dans son désarroi de se retrouver, lors de l'indépendance, étranger à ce pays qu'il considérait sien (et j'ai pensé un temps à un mien filleul, hollando-belge qui y est né à cette période), la musique, une fable de La Fontaine un rien massacrée par des élèves de 5ème, des cris et de la danse. Mais, pour moi, «la mayonnaise ne prenait pas vraiment»

Mais il y avait les alexandrins, des rires, de belles idées, et puis il y a eu la tirade de Titus dite superbement, émergeant d'une danse au sol parallèle à celle du danseur, en clamant «à quel amour veut-on que je renonce !» - un superbe passage où une actrice mêle le lingala, le français congolais et les vers de Racine – la plainte de Bérénice qui, en renonçant se lave le visage et efface le kaolin sur les autres acteurs – «la langue française tue le Congo» suivi d'une appropriation des vers dits classiquement - le « peut-on jouer une tragédie dans un pays qui est une tragédie» - les dernières scènes jouées autour du corps allongé sur une toile de Bérénice (autre actrice) nouvelle victime du sacrifice requis, et j'ai pensé que c'était beau, mais pas abouti.

Retour à minuit dans un reste d'animation, la faim au ventre

8 commentaires:

micheline a dit…

bien que tu en dises je reste toujours ébaubie devant tout ce que tu peux faire et transcrire de tes découvertes...
et m'en viens essayer de chipper quelque chose, "la faim au ventre" mais les dents trop longues!

Anonyme a dit…

Toujours nous laisser voir tout ça ... et vous, scribe fidèle.
D'ombres et de lumières

jeandler a dit…

Que tes platanes sont beaux!
A la hauteur de tes forces
cet élan!

joye a dit…

Brigetoun, une resquilleuse ?!?

Qui l'eût cru ?!?

Brigetoun a dit…

non pas resquilleuse, je n'occuperai jamais (contrairement à beaucoup) une place plus chère que j'ai payé) mais du haut de l'autorité de mon âge je refuse les règles des petits chefs quand elles sont absurdes (avec le sourire)

Anonyme a dit…

Il faut publier ma Chère vous êtes brillante brillantissime
Merci du partage
Arlette

Brigetoun a dit…

que vous ayez raison ou non (ne dirais ce que j'en penserais si me laissais aller à ma lucidité) vous me faites du bien, Arlette, pas assez pour m'éviter l'effondrement provisoire qui me prive d'un spectacle, là, maintenant, mais du bien

Gérard Méry a dit…

Entre la chair et la pierre
tu préfères la pierre
plus prête de ton cœur .....
pratique les lettres geantes