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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

dimanche, septembre 12, 2010

Suis sortie brièvement, samedi matin, dans la fin d'été lumineuse et tiédie, parce que me manquaient dentifrice, journal, cigares et yaourts et j'ai trouvé dans mon quartier une bouteille (la dernière) de Gambetta (apéritif sans alcool bien-aimé à Toulon) que je cherchais en vain dans tout Avignon depuis quinze jours.

Je voulais aller dans l'après-midi aux Carmes regarder cochonnailles vendues par des dames en velours, des enlumineurs, des joutes, danses et faucons, mais juste avant le déjeuner Pierre Ménard de Liminaire http://www.liminaire.fr/ a lancé l'idée d'un atelier d'écriture en ligne, en même temps qu'in situ, y conviant Jeanne, Maryse Hache, Christine Jeanney et Brigetoun, et les sujets me titillaient.

Après l'opération gavage, ai sombré dans la sieste, en suis sortie trop tard pour les faucons, et j'ai pris les sujets. Les textes sont sortis très vite (ou presque), les ai envoyés pour ne pas retarder l'ensemble et me suis lavé les cheveux, évacuant en même temps toute velléité de billets. Je les reprends donc (avec en ponctuation deux photos inutilisées de ma ville, et des fragments, en total décalage)

premier :

Jérôme Leroy, Le déclenchement muet des opérations cannibales, Editions des Equateurs, 2006.

Piste d'écriture :

Le premier souvenir qui revient en mémoire à l'évocation d'un lieu. Par petites touches, succession d'instantanés scintillants, en vrac, en dresser l'inventaire versatile. Un lieu, un souvenir.

Présentation du texte :

Auteur confirmé de science fiction, Jérôme Leroy a écrit un livre-poème bourré de trouvailles, de tendresse, de présence détachée et de mélancolie au titre évocateur : Le déclenchement muet des opérations cannibales.

Extrait :

« A Marseille où la bouteille de Bandol blanc luisait doucement la nuit dans les jardins d'une villa du quartier Saint-Barnabé qui ressemblait à Donafugata.

A Abbeville où j'ai vidé des bières avec Philippe Lacoche sur un bar péniche le soir

A Libourne entre Isle et Dordogne où je me suis promené au matin dans une géométrie utopique de rues jaune pâle

A Souillac où m'arrêtant juste pour un plein j'ai acheté chez un brocanteur un roman de Moravia que je n'ai jamais lu depuis

A Trouville où le sais-tu je ne suis jamais retourné

A Saint-Sauveur-le-Vicomte où la tombe de Barbey m'a ému plus que de raison dans le Cotentin glacé des derniers Noël

A brest où j'ai vraiment beaucoup bu »

À La Flèche, depuis la chambre neutre, regarder le jour hésiter à devenir lumière vague sur la rivière et le barrage en attendant l'heure de rejoindre les autres pour la messe au Prytanée.

À Alger, serrer ses paupières, refuser que le jour y entre, ne pas vouloir se réveiller, penser à ses parents.

Au Mourillon, se mettre à genoux sur le lit, pousser les volets pendant que sa soeur grogne, se trouver nez à nez avec un matelot dans le terrain vague.

À Hyères, assise sur le bord de la terrasse, pieds nus sur le sable humide de rosée, frissonner un peu, en mangeant une tartine de moutarde – attendre à côté du sac à voiles.

Faubourg Saint-Antoine, écrasée à plat, regarder par la longue fente vitrée les tours et dômes de Paris émerger sur ciel que la lumière dégage lentement, tourner la tête en entendant l'infirmière de nuit derrière le hublot de la porte pour qu'elle entre.

À Grignan, fumer une cigarette interdite, tête et bras penchés à l'extérieur du chien-assis, dans la fraîcheur de l'aube.

À Bougival, rouler en bas du lit, se traîner vers la fenêtre, prendre appui sur le rebord, se hisser, découvrir un jardin sous la neige dans un début de lumière blanche.

À Port-Man, se laisser glisser le long de la coque, flotter dans l'eau sombre autour du bateau en regardant les arbres sortir de la nuit, dans le silence.

À Paris, ouvrir la porte de l'immeuble, rester une seconde en arrêt pour prendre connaissance du jour, saluer Ali, remonter son sac, partir.

À Avignon, décoller sa joue du drap, regarder la nuit palissante dans la fenêtre, sortir une jambe, l'étirer, regarder son pied, jouer avec, se lever, faire deux pas, regarder si vie il y a derrière l'écran de l'ordinateur.

deuxième :

Philippe Clerc, Oostende, Passages d'encre, collection Trait court n°2, 2003.

Piste d'écriture :

L'initiative est venue des mots, rêvant sur un paysage lui-même double - ville et plage - et habité par une autre langue : Oostende.

Extrait :

«Pie mouchetée, promeneur. Terrasse, drink. Christina prend goût. Projet d’une famille, faire un tour à six, une machine que l’on met en mouvement avec le pied pour actionner. Une chambre, vue. Marie Lampo est bouleversée. Un livre tronqué, danger. Gorman quitte le dock, traverse le pont. Au marché, fleurs, graines noires, plates et d’autres, pistil voyant. Hendrick marche avenue Albert I. La plage, petites vagues minuscules, des rides par le temps doux et vent faible. Trud est là, déhanchée, que lui dire, elle est si étourdie. Trois ou quatre hommes mauvais. Marie Korda porte des lunettes de soleil, demande du feu. Le bain, le jour.»

Terrasses superposées dégringolant, la mer immensément profondément dessous. Main de l'enfant tirant sur la chemise. Plus loin à droite les façades stupides des grands immeubles. Benoite grogne contre leur laideur, se demande ce que fait son ami chez ses parents à Oostende. Des voix allemandes montent de la terrasse inférieure. Muscles des jambes tirés par la pente. Ils se passent l'enfant de hanche à hanche. Elle rit. Panier, rosé, tomates, soleil. Un couple passe, les pieds dans l'eau. Cailloux glissants, se lancer dans la nage. Radio, rock espagnol. Une vedette tourne la pointe. Sur la terrasse, après le déjeuner, soleil clouant. La sieste de l'enfant finie, elle lui met une robe, la laisse se regarder et se sourire dans la glace. Santiago à la terrasse d'un café de la promenade les voit arriver. Longue plage de sable. Palmiers poussiéreux. Foule allongée et ressac de voix. Ils mangent des glaces commandées au hasard en regardant passer des shorts colorés, des décolletés trop pleins, des jeunes beautés de tous sexes. Deux grands sacs siglés, contenant chacun un peu de tissu, à côté de leurs chaises. Paul et la mère reviennent avec des couffins pleins. Les voitures se succèdent. Projets pour le soir. André dit qu'il restera avec l'enfant.

6 commentaires:

albin, journalier a dit…

Jérôme Leroy a un blog :
http://feusurlequartiergeneral.blogspot.com/

Michel Benoit a dit…

Oui, décollons nos joues des draps !

Pierre R. Chantelois a dit…

Petit parcours simple, incluant cigares... ;-) Les mots glanés et cueillis n'ont, eux, rien de simples. Un florilège.

Pierre R.

Anonyme a dit…

Se laisser glisser le long de la coque ... c'est délicieux !

katferraille a dit…

victoires prudentes du jour sur la nuit ... je reviendrai plus tard pour le deuxième tant le premier me ravit (rester encore dans son sillage)

Pierre Ménard a dit…

Je viens de relire vos deux textes Brigitte. Toujours impressionné qu'ainsi, à distance, en quelques mots, une piste d'écriture de deux trois lignes, puisse déclencher envie d'écriture et que l'invention se met ainsi en action. Encore une fois merci de votre participation à distance qui donne tout son sens à cet atelier.

Dès que j'aurais reçu l'intégralité des textes écrits par les participants à 'atelier d'écriture de samedi, je les mettrais en ligne avec les textes écrits comme le vôtre, à distance, mais avec une telle proximité que c'en est saisissant.

Et merci Albin, au passage, pour l'information sur le blog de Jérôme Leroy que je ne connaissais pas.