Brigetoun pilleuse, paresseuse, emportée par un rêve, donc trop longue
pillages photos Philippe de Jonckheere et une de Alain Roy – qu'ils me pardonnent
Aujourd'hui jeudi et demain j'aimerais être à Montbéliard pour voir le dispositif de Philippe de Jonckeere, pour écouter Pifarély et cette découverte : Michele Rabbia (regardez donc, et écoutez le http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article2372) jouer, et François Bon lire, c'est-à-dire le spectacle-lecture de « Formes d'une guerre » http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article2371.
Et mardi après midi je l'ai relu ce texte, dans sa dernière version, dont je prélève des passages
« Mais tu avais compris : la guerre était là. Le vent était sombre, et les rues mauvaises, les autobus éclaboussaient au passage, et les gens ne se parlaient plus..... La guerre se faisait de l’intérieur. La guerre se faisait d’une personne à une autre personne. »
« L’expérience intérieure est un coin dur fiché en vous dans l’immensité de ce qui ne saurait répondre à cette idée. L’expérience intérieure ne se conquiert pas, elle surgit du souvenir, du front touché de vos morts dans l’adieu... »
et tous les noms de morts que nous entassons, que nous portons en nous, et puis
« Quarante fois j’ai levé ma parole comme la terre et les débris les gravats et déblais des morceaux de la ville, quarante fois j’ai ramassé, abandonné sur le bitume et sur le ciment des trottoirs les fragments de chair de la ville, quarante fois j’ai tendu à bout de bras au-dessus de moi les mots de la ville j’ai dit : – Ce n’est pas là notre terre, ce n’est pas là notre temps, ce n’est pas là le visage qu’on demande à l’autre, ce n’est pas là le visage qu’on donne à l’autre !..... Qui pour se lever, qui pour s’éveiller, qui pour se méfier, qui pour dire de se rassembler, qui pour oser arrêter ? »
« Le son que je cherche est ce grondement qu’on sent dans le corps quand tout tremble. Le son que je cherche est cette douleur sous le front quand même voir n’est plus qu’en rêve. Le son que je cherche c’est ce qu’on rêve de chanter quand on marche seul dans grand espace de vent, qu’il soit près d’un fleuve, d’une mer, sur une crête ou en pleine ville. »
« La ville est sombre avant la nuit, la ville est toute d’eau noire et de grondements qui la rongent : la ville sur elle-même s’effondre et qui marche ou court s’égare, qui attend tombe, à qui tu demandes aide ils tournent le dos, à qui tu demandes parole c’est un cri ou rien, les yeux durs, les façades closes, les vitrines allumées mais le rideau tiré et même l’électricité par saccades saute, et la parole de l’autre qui t’expédie et refuse.. »
Et, de là, toujours mardi, au vide de l'après-midi, guidée par François Bon, passer à Agrippa d'Aubigné http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article2377
le Psaume 88
...Au milieu des vifs demi mort je transis :
Au milieu des morts demi vif je naquis.
C’est mourir sans mort et ne rien avancer
Qu’ainsi balancer.
En joignant les mains je ne joins que les os :
Il ne sort nul feu, nulle humeur de mes yeux
les stances
Usons ici le fiel de nos fâcheuses vies,
Horriblant de nos cris les ombres de ces bois
...
Tout cela qui sent l’homme à mourir me convie,
En ce qui est hideux je cherche mon confort : »
et dans le refrain
« Le lieu de mon repos est une chambre peinte
De mil os blanchissants et de têtes de morts
…
Dans le corps de la mort j’ai enfermé ma vie
Et ma beauté parait horrible entre les os. »
Parce que comme François Bon le dit sur http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article2376 en introduction, la lecture d'Agrippa d'Aubigné et du « Printemps » l'aide à se préparer pour « Formes de Guerre », parce que, dans le billet, il parle de ce « moment charnière, comme d’un grand détournement qui va laisser ce pays sur son sable, encrouant dans son parler la langue telle qu’alors.. » et avec Agrippa : « cette poésie grogne et remue, trouve sa saccade pour décrocher en spirale rongeante autour d’elle là où le crâne ne se peut risquer. Une nourriture à laquelle on se familiarise lentement, mais qui vaccine contre les plats faibles. » (mais lire tout ce qui est dit sur le vers, la langue qu'il a façonné, et à la fin « les Tragiques » découverte fervente de mon adolescence)
Alors y aller voir, lire pour la première fois en coulée, pendant que soufflait le vent, que paumée pauvre cher flottait en désert, ce qui me chatouillait en amusement, que j'avais un peu froid aux jambes, mais si peu, qu'à l'Assemblée on parlait budget et puis « sécurité intérieure » c'est à dire tout et n'importe quoi, juste tout ce qui contient les éruptions d'en bas, et de nous autres les moyens pas trop propriétaires, un peu honteuse d'avoir renoncé après sortie secouée glacialement à rejoindre ceux qui, à leur échelle, gueulaient contre ces plans européens qui font la guerre aux peuples, suicident les pays (et penser à ceux plus loin), pendant qu'on rappelait que plus de 200 personnes sont mortes dans la rue depuis le début de l'année et que la moyenne de leurs âges est de 45 ans.
Donc Agrippa d'Aubigné, l' »Hécatombe de Diane », le chant de l'amour et du printemps, qui est guerre chez lui comme celle qu'il a faite, comme celle que nous fait la mort.
.. »En fin lorsque le champ par le plomb d'une grelle
Fume d'âmes en haut, ensanglanté d'horreur;
Le soldat déconfit s'humilie au vainqueur.. »
et la métaphore prend force hallucinée
« Souhaite qui voudra la mort inopinée
D'un plomb meurtrier et prompt au hasard envoyé,
D'un coutelas bouchier, d'un boulet foudroyé... »
«Ny les fureurs du feu, ny les fers d'une flèche
Ne m'empescheront pas de volet à la brèche,
Car l'espoir des vaincus est de n'espérer point. »
« Heureux qui meurt ici et mourant ne lamente ! » et, dans ce jardin, avec sa Diane
aux « doigts d'albatre ensanglantés.. » qui ferait dire
« à son oeil qui domptant est toujours indompté,
à sa beauté sévère, à sa douce beauté
Que Diane me tue, et qu'elle n'est pas morte », il continue à la louer, à imaginer bonheur en préciosité furieuse, rebondit, revient, et il y a des vers plus scandés mais je suis trop longue. J'ai cependant continué de suivre « le printemps » avec les stances et les odes à sanglots longs de violes, à belles antithèses baroques, pimentées de quelques fortes satires bien fermement aillées.
Et puis, au coeur de la nuit, détour par les Tragiques
« Ils vont souffrant la faim, qu'ils portent doucement,
Au pris du déplaisir et infernal tourment
Qu'ils sentirent jadis, quand leurs maisons remplies
De demons encharnez, sepulchres de leurs vies,
Leur servoient de crottons, ou pendus par les doigts
A des cordons tranchants, ou attachez au bois
Et couchez dans le feu, ou de graisses flambantes
Les corps nus tenaillez, ou les plaintes pressantes
De leurs enfants pendus par les pied, arrachez
Du sein qu'ils empoignoient, des tetins assechez... »
bon, pardon, temps que je m'arrête
Ainsi donc j'étais, jeudi soir, sans y être, dans un coin, bien cachée, car je voudrais croire que l'on peut se déplacer pas force d'esprit, et j'écoutais et regardais http://www.ars-numerica.net/fr/residences/programmation-2010/formes-d-une-guerre-dominique-pifarely et http://pifarely.net/wordpress/?p=3814
pillage photos François Bon, excuses présentées humblement
12 commentaires:
tu t'arrêtes quand les tétins sont asséché.par tous les saints !
bravo !
la biche et le loup sont aux abois : "l'expérience intérieure est un coin dur fiché en vous dans l'immensité de ce qui ne saurait répondre à cette idée"...
Montbéliard : j'y fis mon service militaire et la neige, alors, était plus épaisse et dure que celle prévue pour Paris depuis hier et absente, pour le moment, au rendez-vous !
La musique n'y était pas de violon mais nettement plus martiale.
et je devrais y être, scrute le ciel avec trépignation (colère et résignation mêlée). Je vais attendre, peut-être l'après-midi plus clément va m'autoriser. Frustration anticipée ce jour
je croise les doigts, j'essaie d'être vraiment sorcière et de faire remonter les flocons
Le pillage : en voilà une saine occupation ! MERCI, je t'ai suivie en gambadant. C'était une route vivifiante.
Vu "Cheminements" (et "Brindilles") sur Calaméo !
C'est bon, tu a commencé !
merci, mais c'est vieux !
pourquoi les rêves seraient-ils trop longs?la réalité est si courte
Brigetoun la Conquérante brandit sa glaive, montrant fièrement ses pillages, et brille tellement fort que le soleil, de honte, cache sa brillance insuffisante, derrière des nuages qui pleurent froidement leurs flocons piteux.
Ave atque vale, Brigetounica ! Jusqu'à ta règne, les Auteures de taille manquaient tristement sur les champs de bataille littéraire.
Si vous avez réuissi à faire remonter les flocons, soyez généreuse, de grâce. Transmettez au pauvre petit pays que nous sommes la formule magique. Ces lectures publiques doivent parfois être du bonheur à conserver ;-)
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