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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

samedi, décembre 18, 2010


« Elle revint aux grains de poussière, cette sorte de poésie de l'invisible. J'irai au-delà de la paresse de l'infini, se dit-elle. Tel était son but dans la plénitude de son magnifique réveil de morte. Parce qu'elle s"était réveillée morte, se dégourdissant dans une douce et splendide oisiveté. » Enrique Vila-Matas « explorateurs de l'abîme »
noté cela avant de refermer le livre, de faire une incursion dans les « oeuvres pré-postumes » de Musil (en m'arrêtant au début des articles satiriques qui ne m'accrochaient pas), étendre le bras, faire le noir, m'endormir avec ces mots aux petites heures de vendredi, pour me réveiller pas si morte quelques heures plus tard.
La mort délicieusement oisive, la panne douce est venue un peu plus tard, au fil de l'oisiveté du jour.

Suis partie dans la nuit tombée, précocement, vers huit heures, accompagnée par le souvenir de la lecture, aux petites heures, de la déambulation d'Arnaud Maïsetti dans les « rues sauvages » d'Avignon, que j'avais espérée, http://www.arnaudmaisetti.net/spip/spip.php?article532 et je m'y retrouvais, et je découvrais une autre vision, puisque maintenant, quelque soit l'état de carcasse, les murs d'Avignon me sont fatigue parfois mais toujours un domicile, un autre manteau qui me sécurise, m'accompagne. Surtout celles des trajets familiers.
Mais, c'était cela aussi : « Sauvagerie des rues quand on les découvre comme depuis toujours là qui se déroulent dans leur évidence, au temps mort du milieu de la nuit, et qui se laissent voir comme des insectes le ventre. » et pourtant le froid y était moins mordant, en l'absence de ce vent qui régnait sur nous pendant qu'il marchait, pas au plus fort de sa puissance, mais bien présent pourtant et j'y ai pensé en souriant en lisant : « la ville en arrière-plan bouge un peu pour l’aider à accompagner sa chute interminable. » (chute de l'éléphantelet pour le départ duquel nous devrions nous regrouper pour entonner un thrène)
Et c'était bien cela, décidément : « cette lumière étrange surtout, non pas étrange comme bizarre, mais étrange puisque d’ailleurs, venue de la pierre on dirait, du dedans de la pierre respirante et soufflante aussi.. » et j'aimais qu'il aime mes amies. (je vous conseille très fermement la lecture se cette dérive-réflexion.)
Et, par la rue Joseph Vernet, dans la surprise de l'indifférence bienveillante, la presque douceur, de cette nuit d'hiver,

la rue de la petite calade qui ne l'est plus sur toute sa longueur,

le plan de Lourmel, en me tordant les pieds, sur le bout de calade restant,

la rue Bouquerie déserte à cette heure comme toujours - et je prenais photos réussies ou non, pour m'encourager dans ce court trajet, oublier mon envie de rien, la lâcheté de l'âge -

la rue des Ortolans, les deux pieds l'un devant l'autre sur le ruban qui sert de trottoir, le temps de laisser passer une voiture qui attestait de la vie, entre le mur de l'école et les ruineuses et nobles façades,

l'obscurité de la rue Dorée,

les lumières de la rue de la République, et deux groupes d'ados et plus, avec chiens, qui tentaient mollement de se donner un but,

la rue du Prévôt dont j'ai fait s'évanouir la solidité austère, la place Saint Didier, le clocher somptueux entre les arbres (et là j'ai jeté la photo)

et enfin ma chère rue du roi René avec son embouchure aux trois hôtels (et la peur de regarder la souffrance de Fortia de Montréal, en me réfugiant dans les mufles de Crillon),

j'ai gagné le jardin de Sainte Claire, le souvenir de Pétrarque pour écouter Isabelle Bloch-Delahaie dire et chanter Rimbaud dans «et toi tu marcheras dans le soleil» http://www.theatredeshalles.com/LES-SPECTACLES/hiver/116-Et-toi-tu-marcheras-dans-le-soleil...

et ma foi j'aime l'ambiance de ce théâtre les soirs d'hiver et j'ai aimé le montage de lettres d'Isabelle (et une d'Arthur à Isambard) de textes dits en murmurant ou proférés, et de poèmes mis en musique par Léo Ferré (ses mélodies, la voix passant de la douceur d'une pêche à des profondeurs ventrales, en ruban suivant les vers) ou, plus heurtées, plus travaillées, violentes ou modulées jusqu'à la pâmoison, par Mathieu Ravera, Isabelle Bloch-Delahaie ou Bruno Ruiz
Et puis, il y avait Rimbaud, les poètes de 7 ans, les corbeaux, les voyelles et le bateau ivre, bien sûr, la chanson de la commune, les mains de Jeanne-Marie, des extraits d'une saison en enfer, etc... et
« Oisive jeunesse

À tout asservie,

Par délicatesse

J'ai perdu ma vie.

Ah ! Que le temps vienne

Où les coeurs s'éprennent. »
(photo de Christian Robin)

suis repartie, le froid reprenant peu à peu possession de mes joues, sans agressivité,

J'ai tourné, seule, les voix des autres spectateurs s'éteignant derrière moi, dans la rue du Collège de la Croix,

le bruit de mes bottes a pris possession de la rue Bonneterie, en écho aux pas de quelques égarés,

mais la rue Rouge et la place du Change étaient désert froid,

et passé les lumières mouvantes, fausses larmes glacées, de la place de l'horloge

j'ai continué, dans la seule compagnie des pierres lumineuses qui s'évanouissaient en montant vers le ciel noir, par Saint Agricol

et la rue de la petite Fustrerie – mes pas résonnaient en une ébauche de danse, de plus en plus rapide, sur la petite houle des trottoirs -

jusqu'à ma porte, les plantes et lumières de l'hôtel. Mais pour trouver la poésie de ces rues, c'est chez Arnaud Maïsetti qu'il faut la chercher.
Il faudrait tout de même que j'arrête un peu ma loghorrée (ou, là, ma façon de rebondir avec excès)

12 commentaires:

Pierre R. Chantelois a dit…

Quelle magnifique visite des lieux. Cliché certes de ma part mais je ne trouve d'autres mots. Et je suis encore sous le charme : la rue du Prévôt dont j'ai fait s'évanouir la solidité austère. S'cusez-la.

Lautreje a dit…

fructueuse marche nocturne qui commence par une envie de rien et se termine par une ébauche de danse !

kouki a dit…

sommes plusieurs à tes talons ...

andrée wizem a dit…

"la petite houle des trottoirs" par une nuit glacée d'avignon...j'imagine très bien

vos deux regards guident nos pas multiples aux pierres d'une ville fantômatique

joye a dit…

On devrait tous faire de tels excès !

J'ai fait une petite promenade hier soir et ma seule lumière venait de la lune. Tes photos sont, pour moi, d'un autre monde, absolument.

micheline a dit…

les rues comme vêtements..pour la quête inassouvie des lumières étranges ou des profondeurs ventrales

jeandler a dit…

Jeu de piste
mais en nocturne
c'est plus mystérieux encore...

MATHILDE PRIMAVERA a dit…

au risque de me répéter...j'aime tes photos !!!

arletteart a dit…

Telle une dérive en grande solitude
progression de l'angoisse ......les rues la nuit sont en grande indifférence

Lavande a dit…

N'arrêtez surtout votre loghorrée. Plaisir de se glisser discrètement derrière vous dans ces belles rues d'Avignon aux noms si charmeurs et de les découvrir sous une lumière bien différente de l'éclat aveuglant que je leur connais en juillet.

Gérard Méry a dit…

Puisque tu parles de Ferré ..cadeau !
http://www.youtube.com/watch?v=6jN-Uu0ir_A

Crikette Guilimaux a dit…

Quel délice cette balade. Je redécouvre des mots, une certaine poésie. Je n'avais encore jamais pensé raconter l'une de mes virées nocturnes ou balades diurnes....Vous m'ouvrez une porte vers un autre univers. Merci