Tentative de liquidations
J'ai réalisé (suis lente) en rencontrant une fois encore les deux santons achetés l'autre jour, que nous approchions de Noël et autres fêtes. J'ai voulu y voir la cause de mon impression d'invisibilité, de ma nullité ressentie, de ma tristesse idiote, en flots montants, de ma mesquinerie, stérilité, négativité agaçante.
Pour trancher, liquider ma contribution à l'esprit de ces jours, pour tenter de me réconcilier aussi avec eux, j'ai regroupé des statuettes pour faire de la place et sorti le petit peuple de ses boites, les Isoline Roumanille et la masse hétéroclite (avec des que j'aime bien et des horreurs auxquelles veux être fidèle). Les ai regardés, laissés là.
Et puis, pour traiter cette satanée tristesse, j'ai pris mon Montaigne, et, je ne m'en souvenais plus, mais elle est presque en tête.
« Je suis des plus exempts de cette passion, et ne l'ayme ni l'estyme; quoyque le monde ayt entreprins, comme à prix faict, de l'honorer de faveur particulière ils en habillent la sagesse, la vertu, la conscience sot et vilain ornement Les Italiens ont plus sortablement baptisé de son nom la malignité car c'est une qualité tousiours nuisible, tousiours folle et, comme tousiours couarde et basse, les Stofoens en défendent le sentiment à leur sage. »
… mais je n'en habille pas la sagesse, je sais que c'est sottise, complaisance, seulement elle est là, et si c'est dérisoire, le cher homme un peu plus loin :
« il se laissa emporter à ce dernier accident, et quittant sa résolution, s'abandonna au deuil et aux regrets, en manière qu'aucuns en prinrent argument qu'il n'avoit esté touché au vif que de cette dernière secousse mais a la vérité, ce feut que, estant d'ailleurs plein et complet de tristesse, la moindre surcharge, brisa les barrieres de la patience. »
… et voilà que me rencogne, en ce semblant de justification, brandissant de surcroit ma certitude lâchement revendiquée, en ce jour, de la faible qualité de ma volonté et de mon entendement.
Me sauve, en continuant :
« ...De vray, l'effort d'un desplaisir, pour estre extrême, doibt estoner toute l'âme et lui empescher la liberté de ses actions : comme il nous advient, à la chaulde alarme d'une bien mauvaise nouvelle, de nous sentir saisis, transis, et comme perclus de touts mouvements ; de façon que l'ame, se relaschant aprez aux larmes et aux plaintes, semble se despendre se desmesler, et se mettre plus au large et à son ayse. »
et, reprenant le sens des proportions, me souvenant de douleurs (et de la façon dont on se sauve en bougeant le moins possible, corps et esprit, et en s'attachant provisoirement, pour ne pas s'anéantir, et revenir, possiblement, en jonction avec le monde, à des détails stupides, avec une obstination butée) je ris de moi, et peu à peu émerge de ma stupidité.
Seulement, prudente, soit disant pour ne pas peser, ou afin d'être impunément pesante, me tiendrai en retrait.
Et pour l'instant ai débarrassé ma table et disposé mon petit monde en un ordre moins aléatoire qu'il le prétend.
10 commentaires:
Lire Montaigne me remémore une soirée de Juillet cet été dans une cour de couvent avec Philippe Avron...
Je ne me trompe pas ? la première photo présente tes créations en terre. Je les aime ces personnages unis et si semblables dans leur quête ! Tu es douée de tes mains, elles chantent la vie !
Te voilà en bonne compagnie dans ton univers. Ils sont beaux ces santons colorés mais j'aime aussi beaucoup ceux de la première photo en N et B. (tes chefs d'oeuvre ?)
je suis du petit peuple aussi et t'envoie douceur
des santons et de Montaigne
tous les chemins mènent à Rome
Montaigne le premier en fît la démonstration
à tape cul, durement, avec ses calculs
Quelle santé ! Quels santons !
J'ayme pour un essai c'est réussi
Ces personnages sont si joyeux qu'ils nous font oublier les quelques rides qui s'installent sur nos joues d'avoir trop souri.
Celle d'en haut ne sont pas peintes... (comme Denis bien sûr).
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