Parce que rites me sont chers - ma façon de ne pas être conforme à notre monde - sortir la provision de cartes et mon carnet d'adresses (avec de plus en plus de barrées), et tenter de trouver pour chacun la carte qui lui irait, et les mots aussi (et de s'appliquer pour que l'écriture ne soit pas trop pagailleuse et les fautes pas trop nombreuses). Penser au destinataire, chercher une formule.
«je te souhaite de penser à moi comme je pense à toi ?» non ça ne va pas.
Aussi variées et adaptées , si possible, que chez Voltaire (peut être plus oublieuses de soi) -, le 1er janvier 1756
«Je souhaite de tout mon coeur la bonne année à toute la famille ; mais surtout plus de santé que je n'en ai. Je donnerai tout ce que j'ai promis, et tout ce que je pourrai faire, c'est-à-dire, quelques chapitres pour compléter le tome qui paraît trop mince...» à Gabriel et Philibert Cramer, bien entendu.
«... Je fais trêve à tous mes maux pour vous souhaiter autant qu'à Mme Gotsched (sic) une bonne année et toutes les prospérités que vous méritez l'un et l'autre. Je commence cette année par vous demander hardiment une grâce, c'est de vouloir bien honorer d'une place dans votre journal ma lettre à l'Académie française que j'ai l'honneur de vous envoyer. Il est de l'intérêt de la vérité et du mien que cette lettre soit connue...» à Johann Christoph Gottsched
«Madame,
J'allais souhaiter la bonne santé à Votre Altesse Sérénissime et à toute son auguste famille avec la simplicité d'un bon Suisse tel que j'ai l'honneur de l'être. Je reçois dans le moment la lettre dont Votre Altesse Sérénissime daigne m'honorer»..et cela continue par le tremblement de terre de Lisbonne, à Louise-Dorothée von Meiningen, Duchesse de Saxe-Gotha
«Je commence mon très cher confrère par vous souhaiter la bonne année, à vous, à Mme Tronchin, à toute l'aimable tribu Tronchin et aux Commènes. Le tribunal assemblé chez M.d'Argental, aime comme moi les deux frères Commènes et leur rivalité généreuse...» à François Tronchin (les Commènes : tragédie de François Tronchin qui ne fut pas jouée, publiée en 1779)
Mais il n'est peut-être pas indispensable d'aller jusqu'au débordement de fantaisie de Madame Du Deffand (à 74ans) dans sa lettre du 31 décembre 1771 à Madame la Duchesse de Choiseul (il lui est arrivé d'avoir plus d'esprit, mais je ne saurais en avoir autant)
«Je souhaite la bonne année à la grand'maman, au grand-papa. Je fais mille voeux pour leur conservation et autant pour leur retour. Je leur demande leur bénédiction ; je leur promets d'être bien sage et de mériter, par ma bonne conduite, la continuation de leurs bontés. Je les prie de trouver bon que je leur présente des fruits du jardin de notre monastère. La pomme est pour le grand-papa ; les marrons pour la grand'maman. Elle n'en donnera point à sa chienne, et, en les mangeant, elle pensera à sa petite-fille qui ne cesse de penser à elle et d'en parler avec le grand abbé.»
Alors, avec mes moyens, m'y suis mise, et j'ai brièvement renoué des liens distendus, si distendus parfois qu'imperceptibles, ou ajouté une petite marque matérielle aux attentions déjà échangées.
Et le résultat fut ce qu'il put, pas excessivement satisfaisant pour les idées (pourtant il s'agissait d'une phrase chaque fois) et moins encore pour la calligraphie.
Je m'étais pourtant interrompue pour m'approvisionner en cigarillos, en une longue quête, qui m'a permis de goûter la douceur relative de l'air, le bleu revenu et la caresse de la lumière qui ennoblissait les façades.
Et, pour ce qui est de nous, devant nos écrans, je nous souhaite de regarder le monde avec une bienveillance sans illusion afin de la conserver, d'être dans la folie des buts et désirs, de nous ramasser avec grâce, ou sans, si nous ne pouvons faire autrement, de ne pas écouter les pragmatiques qui le sont au détriment des autres, de vouloir fermement l'impossible mais de trouver des moyens pratiques pour tenter de l'atteindre, de rencontrer gentillesse et bénévolence et d'ignorer le reste, de trouver la source d'une petite joie têtue. C'est pas beau, ça ?
14 commentaires:
Une publication bien originale pour nous souhaiter la bonne année avec des extraits de correspondances qui valent le détour aux alentours de Brigetoun !
Tes photos sont superbes, on dirait que c'est un professionnel qui les a faites !
Tu as changé d'appareil photo ?
Bien... envoyé, Brigetoun!
..."de nous ramasser avec grâce" ...
Fallait la trouver celle ci !
Sur ce, je vous embrasse chère Dame.
Tes voeux sont magnifiques !
j'ai le même lotus en triptyque.
Des idées pour nos pannes d'écriture, pas toujours facile d'être original dans ses vœux... pour celles et ceux qui prennent encore la plume (?) pour les envoyer.
Je trouve tes photos magnifiques, grâce à l'œil du photographe, elles me font toujours de l'œil justement, lorsque j'entre sur mon blog.
Bravo pour le mot "Bénévolence" et tous mes vœux !
LS
Je vous envoie ici une carte de voeux pour 2011 qui est tellement virtuelle que vous ne pouvez l'apercevoir : c'est un des mystères nouveaux d'Internet.
Benoît Dehort
Pas facile de trouver la formule originale pour les voeux,mais commencer l'année avec Voltaire et Mme Du Deffand c'est drôlement chouette..
Bonne année.
Jocelyne(Le Pontet)
D'une telle originalité que j'en suis tout émerveillé. Meilleurs vœux chère Brigetoun. Soyons traditionalistes : santé, bonheur et prospérité, disaient mes ancêtres.
hey, la lumière qui revient, c'est quand même l'une des meilleures nouvelles de l'année qui commence, pas vrai ? voeux, résolutions, souhaits et tutti quanti... et de jolies photos, surtout ...
PCH
Belle idée plus savoureuse que les virtuelles envolées d'un dromadaire de service mais les 25 à 30 cartes envoyées se réduisent!!! et que dire de cette coutume d'exposer les voeux reçus sur une une petite table ...il y en a 2 ce jour si tristement seules mais doublement belles
Les amis virtuels ne communiquent pas souvent leur adresses perso et je dessine des marques -pages sans emploi.....des pétales qui se froissent et finissent dans la corbeille ...tiens là aussi il ya "corbeille"sur ce bureau virtuel
que c'est joliment écrit.. A mon tour de te souhaiter de garder cet esprit libre qu'est le tien, de conserver tes espoirs, certains communs qui nous font encore vivre un peu et la force de poser nos maux/mots pour garder la mesure de la vie.
Ce n'est pas beau, c'est admirable!
Ce que c'est que de prendre son temps! Autant de liens que nous puissions en rêver mais de véritables, même si la civilité puisse cacher quelque soupçon d'insincérité.
Une tradition qui perdure chez moi par courrier ..donc je ne m'occupe pas ouf !
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