Brigetoun en presque grève du festival – presque (et donc suis longue)
Dans la ville il y a des conférences, des colloques, des expositions, des leçons, plus de 1000 pièces dans le off avec bien entendu du no- théâtre concentré en trois ou quatre adresses et donc facilement identifiable, des conférences de presse, des entretiens, des films et ce jeudi à 14 heures Pater – et il y a une Brigetoun qui regardait ses pieds, comme ça, sans intérêt, ou l'idée du temps.
Qui s'est tout de même secouée pour retenir une place à 15 heures 30 au théâtre des Carmes-Benedetto, pour « Lear et son fou » d'André Benedetto, qui donc a déjeuné tôt,
est sortie dans la cour pour digérer un peu, pour sentir la caresse du soleil quand les nuages de passage le laissaient passer jusqu'à son visage – en était si bien qu'elle a rappelé le théâtre pour annuler et s'est endormie tout doucement
suivant des costumés,
rencontrant une petite fille qui, vérification faite, jugeait qu'une marionnette ne faisait pas un compagnon de jeu,
croisant un homme et un flamant,
avançant dans le décor de la ville,
jusqu'à la salle Franchet qui s'est avérée être encore une partie du Lycée Saint Joseph (je devrais avoir un diplôme pour l'avoir autant fréquenté cet été, ce lycée) où a lieu la performance de Tino Sehgal «this situation ».
Une salle, des gens assis contre les murs autour, certains debout parfois – chaque arrivant (on entre et sort librement) est accueilli par « welcome to this stuation » auquel il répond, ou non, par un sourire plus ou moins crispé, avant d'aller s'asseoir contre le mur, sauf Brigetoun qui pensait à ses abdominaux et s'est fondue debout dans le mur.
Les « acteurs ou performeurs » ne sont repérables au premier abord que parce qu'ils sont les seuls à chantonner cet accueil.
Sur le programme : « Dans This Situation, le visiteur est convié à assister librement à une « situation construite » qui se développe dans un art fascinant de la conversation, mené par ceux que Tino Sehgal appelle des « joueurs ». Un échange nourri des meilleures sources intellectuelles (Montaigne, Nietzsche ou les situationnistes), dans lequel la philosophie le dispute à la morale, l'économie à la science politique, le poème à l'essai. Il en ressort une plaisante mise en question d'une société qui croit débattre de tout et ne fait souvent qu'accoler des phrases à perte de sens. Le visiteur est un déclencheur, un témoin, et parfois un co-auteur plus ou moins volontaire de This Situation, dans la mesure où il demeure dans l'ignorance de la place exacte qu'il occupe. Jamais à court d'idées, les « joueurs » forment une ronde qui ne cesse de réalimenter une mécanique circulaire, broyant le bon grain des idées au bénéfice de ce que le XVIIIe siècle nommait l'Esprit »
En fait, pendant la petite heure que j'ai passée là, eux seuls parlaient, en phrases rares, commençant par « en 1934 (ou 1906 ou l'année que vous voudrez) quelqu'un a dit :... » une proposition quelconque, et après un intervalle plus ou moins grand un ou une autre réagit, puis éventuellement ça rebondit à moins que ça ne s'éteigne, ils se déplacent alors et se réinstallent assis ou debouts groupés d'une nouvelle façon.
Quand il a été question de l'amitié et de l'éventualité de lui faire dépasser l'échange qui est à la base, au début, selon le joueur, Brigetoun y a opposé des mots silencieusement (le donnant-donnant pas à la base de l'amitié mais le risque de sa fin) puisque tout le monde écoutait avec un air plus ou moins concerné mais sans réagir.
Un peu plus tard, sur une phrase s'interrogeant sur le but de Diogène en recherchant l'ascétisme et ce que cela lui rapportait, un mien contemporain, assis face à moi, tête ronde et noble d'est-méditerranéen intelligent, leur a opposé, sa prise de parole surprenant tout le monde, que le rapport n'était peut être pas à prendre dans un sens matériel et j'ai entendu avec stupéfaction Brigetoun enchaîner en disant que l'ascétisme ne pouvait rien rapporter à Diogène, que c'était sans importance « ce n'est pas son but, c'est un moyen », sans même rougir, et nous avions semble-t-il un peu dérangé le ronron ,mais cela a entraîné un petit dialogue intéressant.
Un peu plus tard, comme les échanges s'attaquaient à la subordination dans le travail, je suis sortie,
j'ai fait, avec deux ou trois bouffées de petit cigare, les quelques pas me séparant de l'entrée principale du Lycée,
pour attendre pendant vingt bonnes minutes dans le hall l'entrée au jardin de la vierge pour la dernière série des « sujets » à vif
petite perplexité générale avant de réaliser que l'ordre était inversé et que nous assistions à « Still/life » commandé à et dansé par Qudus Onikeku, mis en scène par lui et Damien Jalet avec la musique de Charles Amblard
« Quand on entend parler du Nigeria ici, peu de choses vient à l'esprit, peu de choses qui ne dépasse les clichés qu'un Occidental peut se faire d'un pays d'Afrique. Le titre STILL / life, comme ENCORE / vie, L'IMMOBILITÉ / vivant... presque paradoxal, envers et contre tout, et sa traduction non littérale en français de « nature morte » semble dire son opposé. .... Avant tout, mettre en tension nos contradictions et oppositions, reflets de la schizophrénie du monde dans lequel nous vivons, et utiliser l'énergie ainsi libérée comme carburant pour cette première étape de création »
Un formidable danseur, une danse souvent au sol, des sauts, un combat contre ce que l'on porte en soi, les mains à la tête, un hip hop transcendé par moment, le corps se battant, un effroi, des adoucissements, des élans, et la jolie image de cette tête le représentant avec des traits apaisés qui semble se substituer à la sienne, ou venir en contrepoint. Difficile à décrire, une fort belle chose.
Quelques minutes de battement, pour enlever table au centre, et table de mixage et déboulaient sur scène Jaques Bonnafé (je savais bien que le jeune danseur noir ce ne pouvait être lui) et Jonas Chéreau, danseur à la silhouette de grand adolescent dégingandé, affichant un air ahuri, pour « nature aime à se cacher »
« Dans cette approche par la danse, il s'agit d'inviter le spectateur à une contemplation philosophique qui place au centre la question de l'animal. Partant de deux courts textes de Jean-Christophe Bailly dans Le visible est le caché où l'animal observé est résolument d'un autre monde.... interroge l'énigme du visible et de l'apparence, dans la nature et sur scène. » en s'attachant spécialement aux singes. Un moment assez jubilatoire, considérations d'une sagesse enjouée, mais non sans sérieux, énoncées sur un fond de pitreries assez déchaînées.
Sortie de bonne humeur,
dans la rue des Lices pour aller, aussi vite que le pouvais, entre les marcheurs, ou non-marcheurs,
à Calvet, prendre en route la lecture de « mai, juin, juillet » de Denis Guénoun,
pour assister à une assemblée dans la salle de l'Odéon, m'évoquant assez vaguement ds souvenirs (vrai que j'étais loin d'être toujours là) finissant par l'exclusion de Jean-Louis Barrault.
Au moment où des jeunes femmes tentaient de faire revivre De Gaulle, Pompidou, Fouché, comme le texte est assez bon, sans plus, que je n'avais pas franchement envie de me retrouver en leur compagnie, que j'imaginais que, plus loin, ce serait Vilar et que là je serai navrée, suis rentrée essayer de raconter mon rien de la journée, avec la résolution non tenue, suis trop zombie pour cela, de ne pas être trop longue.
Ce qu'ayant fait, j'ai arrosé mes plantes dans la nuit tombée, fait un petit tour sur internet,
j'allais me préparer à partir pour assister à minuit et demie à une performance à l'École d'art, quand j'ai entendu des détonations, et réalisé que nous étions le 21, date de notre feu d'artifice du 14 juillet, j'ai pris mes clefs et mon petit appareil.
vu deux bouquets par dessus le rempart, et me suis installée derrière la foule, en équilibre sur une racine, pour rater somptueusement nombre de photos,
en ai jeté pas mal en rentrant, en ai gardé trop, parce que j'aime assez le traitement bizarre que j'ai fait subir à ce que je voyais, vous les inflige.
et j'ai honteusement eu la flemme de ressortir pour aller voir « Forecasting » la performance de Barbara Matijevic et Giuseppe Chico, pourtant assez alléchante – shame of me.
12 commentaires:
Avez-vous cédé à la tentation d'un msxi milk shake par ce beau jour ensoleillé? Gens costumés, flamant et gentille petite fille avec une belle glace qui ne semble plus en finir, voilà bien de belles images des rues d'Avignon. Vous fuyez vous aussi la subordination dans le travail? Diogène n'aurait pas rougi de votre commentaire, j'imagine. Avignon ne semble rien faire comme tout le monde : le feu d'artifices du 14 lancé un 21, voilà qui est original. Et les images qui ressortent comme en elles-mêmes un vrai feu de joies.
le mistral n'est pas républicain et pour la second année était trop fort le 14
J'étais une gourmette de glaces (pas les trucs que l'on mange dans la rue) Je ne pense pas que cela soit indiqué maintenant et j'en suis bien marie
ah chère Brigitte, tu enflammes nos esprits avec tes feux d'artifices!
100o pièces -tu veux dire juste ce jour ou en tout? oh lala.
ca donne l'envie de faire une pièce.haha.
Ici a Edmonton Canada, passe le FRinge plus plus petit que le OFF et il y a beaucoup de pièces de un acteur.
merci.
Encore une fameuse journée !
Course contre la montre
le mistral clément
tout feu tout flamme
des étoiles plein les yeux
Paumée s'enflamme.
Riche publication, riche journée.
De très belles photos (notamment la DSC07748 et les montages du feu d'artifice).
Je suis sous le charme du feu d'artifice et de l'énergie déployée pour suivre autant de représentations dans ce festival! et merci de le relater...
C'était super gentil à vous les Français de fêter avec les Belges !
(didonc, tu as superbement fait pour les photos, bravo ! c'est rien difficile à photographier les feux d'artifice !)
Ton feu d'artifice est magnifique, j'aime beaucoup le traitement de tes photos, on croirait une peinture !
Ha oui la honte tu aurais pu ressortir voir Forecasting
Bien aimé le texte et les photos Dom
merci à toi, pour ton passage, et ton appprobation
N'ai gardé qu'un photo du feu d'artifice, publiée avec encore plus de retard parce que gardée dans l'appareil.
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