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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

samedi, septembre 24, 2011

Provisions pour l'hiver

Carmen voyait l'hiver, un de plus, approcher – Carmen trouvait que c'était un de trop – s'était créé un cabinet de senteurs, y avait posé des coupelles de pétales de roses qui distillaient une idée de poussière pleine de souvenirs de délices capiteux, et, faute de mieux, des fagots et des fagots de lavande qui entêtaient – assise devant la fenêtre elle brodait une multitude de petits sachets de linon, assez pour garnir toutes les armoires qu'elles n'auraient jamais.

Ondine rêvait en regardant ses étagères. Rangées de bouteilles bien scellées sur une apparence de rien. Elle souriait de leur secret. Il y avait là des brises matinales, quand la terre envoie au large les odeurs de lentisques, de pin, et d'égout juste pour fournir la note de base - des mistral déchaînés - du calme chaud cueilli au dessus d'un parterre de fleurs - des nuits fraîches sans mouvement d'air et pleines d'échos lointains de voix – une fraîcheur chargée d'odeurs de jardin après la pluie – la vibration sur des rochers chauffés violemment – des courants d'air traversant la maison à l'heure de la sieste. Elle lisait les étiquettes, elle tentait d'imaginer, de se souvenir, elle n'osait pas ouvrir.

Jeanne ne disait rien, elle dessinait des géométries compliquées et puis, pendant des heures, devant sa palette de chiffons, elle choisissait, et tout au long de l'hiver, en parlant, en se taisant, elle coudrait et les patchworks seraient exhibés une fois, recevraient compliments ou critiques de ses soeurs et s'entasseraient en piles de plus en plus hautes et instables.

Valérie, devant un miroir, regardait son cou décharné, et puis ses mains, soupirait un peu, et puis ouvrait ses boites, fouillait dans ses dentelles jaunies, ses lambeaux de soie, ses mouchoirs de linon, ses brimborions, jumelles de théâtre en nacre et ébène, ses souvenirs.

Renée, tenant un de ses appareils, se souvenait de voyages, d'amis, d'une vie autre, des soubresauts anciens du monde, et puis visait et prenait des photos virtuelles, n'ayant pas de pellicule.

Et chacune d'elles, dans la maison des demoiselles-du-bout-de-chemin-vers-la-combe, avait sa chaise, sa lanterne pour les excursions nocturnes dans la forêt au delà du ruisseau.
N'étaient leurs restes de beauté et leurs hautes silhouettes maigres, elles auraient été nommées les naines-de-Blanche-neige. En fait elles se désignaient ainsi, parfois, quand se parlaient dans la cuisine ou autour de la table.

10 commentaires:

Pierre R. Chantelois a dit…

Je ne sais pourquoi mais je verrais ces demoiselles-du-bout-de-chemin-vers-la-combe vivre dans une belle maison victorienne... Les sens occupent une place toute spéciale au domicile de ces dames qui aiment également et résolument les couleurs (chaises magnifiques).

Lautreje a dit…

c'est un plaisir de rencontrer les naines-de-Blanche-neige, elles sont précieuses et délicates !

arlette a dit…

Une caverne aux merveilles pour rêver encore aux fées

hufeth a dit…

Lorsque la sensualité des mots rejoint celle des couleurs, des odeurs ...
Et vous voulez arrêter ça, innocente géante ?

jeandler a dit…

Cinq demoiselles dans une maison de sucre d'orge...
Fondant.

micheline a dit…

A chacune ses provisions pour tuer les rigueurs de l'hiver ..et réinventer le printemps

DUSZKA a dit…

Les écureuils ont bouffé toutes mes noisettes, il n'en reste pas une seule! Provisions pour l'hiver... allez je ne leur en veux pas. Chacun son petit coin d'hivernage.

mel13 a dit…

vous jure que c'est vrai: je viens de rédiger un petit billet ridicule qui a pour titre le début de votre texte "provisions pour l'hiver" et pourtant je n'ai pas eu le temps de vous lire avant maintenant... à moins que je ne sois somnambule, c'est une drôle de coïncidence...

Brigetoun a dit…

ou c'est de saison

mel13 a dit…

oui, bien sûr, c'est de saison... Oublié de dire que votre texte est un petit concentré de poésie - un régal!