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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

vendredi, septembre 30, 2011


Verticaux, grimpés dans le gréement, assis sur une vergue, debout dans le nid de corbeau du grand mat, Veran et Guillemette voyaient la terre émerger, se dessiner, s'affirmer, sur l'horizon, bornant la mouvante plaque grise de la mer.

Après les formalités, dans un anglais hésitant répondant à un embryon d'anglais, après avoir surveillé le déchargement de la cargaison, avant l'ouverture de la criée, ont flâné sur le port. Derrière la première rangée de hangars et de maisons, sur une petite esplanade, ont trouvé un semblant d'autel, entre deux bars.
Une très petite surface vide, aux belles proportions, limitée, introduite par des ifs en boule, comme on en trouve dans les imitations de jardins à la française, et, un peu avant le fond, une plaque de faux bronze, artificiellement vieillie, un visage géométrique et solennel aux paupières lourdes, à la bouche mince qui suggérait le sourire absent. Comme une interprétation presque caricaturale, interprétée pour des yeux occidentaux, du sacré local.
Se sont dit que c'était pour eux qui n'étaient de nulle part, ont jeté à tout hasard, un voeu, une prière, à ce qui devait être un esprit marin.
Avaient bien eu besoin de protection pour leurs captures en eaux interdites, étrangères, la vente qui avait été satisfaisante, les droits et taxes point trop élevés.

Sont repartis, quittant cette raideur, pour les courbes, le tumulte, la longue houle, le froid, les ampoules, les entrailles, le découpage, les couteaux, la salaison...
Et Guillemette, silencieusement, a supplié son dieu, le sacré qu'elle rencontrait dans le sang des plus beaux poissons de la pêche, de l'excuser pour leur furtive trahison.
N'importe quoi.
Voulais pas - mais c'était prêt, bien ou mal.
PS premières statuetres : Véronique Lonchamp

14 commentaires:

Pierre R. Chantelois a dit…

Veran et Guillemette sont venus si rapidement que notre œil, pourtant averti, ne les a point vus. Si, un témoin les a aperçus et nous en rend compte. Récit marin si bref...

micheline a dit…

C'était prêt, ce surgisement des mots toujours à fleur du regard

Brigetoun a dit…

merci pour votre fidélité - êtes responsables du fait que si chaque matin je dis j'arrête, je finis par continuer - coupables

maryse hache a dit…

ah que j'aime cette historiette et ces prénoms éveillant pour moi des parfums de moyen-âge / cette atmosphère qui s'installe, de paragraphe en paragraphe, jusqu'à la supplique d'excuses de Guiillemette qui conduit, doucement, jusqu'à la vôtre : "voulais pas ..." / merci

Brigetoun a dit…

grand merci pour ce passage

D. Hasselmann a dit…

Echappés de l'atelier de Giacometti, l'horizon est clair et les vagues clapotent.

Le blog est parfois ausi calme qu'un lac d'été, l'envie d'y plonger retient dans les haubans.

andree wizem a dit…

quand l'art consommé
joint à l'art de la criée
prend des ailes de raie

mel13 a dit…

heureusement que vous n'écoutez pas tous les jours l'implacable madame-votre-volonté car elle nous aurait privé d'une bien jolie histoire... en peu de mots on se trouve transporté vers un ailleurs et le temps de la lecture on ne sent plus le quotidien qui englue. Merci

joye a dit…

N'est pas rascasse qui veut !

Cette photo du poisson est troublant, comme si c'était de la chair humaine, écorchée vive (vif) ?

brige, on devient responsable pour toujours de ce qu'on a apprivoisé !

You are stuck with us, your public!

;-)

Bise.

Lautreje a dit…

Veran et Guillemette sont superbes dans leur réflexion, les Dieux sont avec eux.

Gérard Méry a dit…

...attention même le saumon ..se fume

Brigetoun a dit…

c'est une raie - demande aux peintres si elle ne fait pas de belles images

arlette a dit…

Belle image première et à partir de là l'histoire se déroule Merci j'aime beaucoup

Fardoise a dit…

Cette image de poisson m'a troublée aussi, même si j'avais reconnu une raie, les poissons ne nous ont pas habitués au sang. Mais la première aussi m'a troublée, autrement, par sa poésie.