Un dimanche de lumière dédaignée, un dimanche voué au lavage de cheveux, repassage (non effleuré comme il est normal), ménage (un peu plus qu'imaginé), à une plongée dans la masse des lectures en attente (effleurées)
vaquer un peu, arroser avec ses cheveux sa tablette, continuer gavage qui devient bien inutile, sortir remuer les feuilles et gravats de la cour, s'ébahir devant les bourgeons qui apparaissent sur une plante, dans le désastre général
reprendre sa ration quotidienne de « cuisine » d'Antoine Emaz http://www.publie.net/fr/ebook/9782814504356/cuisine pour le plaisir des mots - le suivre dans ses doutes, dans ses appréciations généreuses des poésies autres que la sienne, que cet effort vers une clarté née du creusement, vers les mots les plus justes pour que soient ce qu'il voit et ressent,
« Parvenir à être dense avec rien. Quand on utilise peu de mots il faut que chacun pèse une tonne. »
le suivre dans sa fatigue, dans l'âge qu'il sent venir,
« Il y a un point dans la fatigue, et c’est pour cela que cet état continue de m’intéresser, où tout devient indifférent. Une forme particulière d’ataraxie. Mais cela peut libérer des neurones bloqués depuis long qui se mettent à gigoter et transmettre des messages moins contrôlés mais plus vrais, au fond. La fatigue, c’est une lente mise en mouvement de la vase de tête. »
mais : « Epuisement des sols. Les émotions sont là, mais elles restent muettes, comme confuses, hors de portée de langue. Pas du tout l'angoisse de la page blanche, mais la langue tourne désespérément à sa vitesse normale. » (passages notés lors de lectures antérieures)
dans ses petites notes sur le temps, sur la cuisine, l'enseignement, et le jardin. S'arrêter justement sur cette note, qui n'est pas, tant pis, une des plus fulgurantes
« Ciel bleu tranquille, aplat, et le vert des arbres, qui tranche. J’aime beaucoup celui du grand cupressus, au fond, un vert presque noir qui absorbe la lumière. À l’inverse, les pins la renvoient et brillent. Le grand platane se laisse traverser au point que son vert devient presque jaune. Les acacias, eux, restent dans leur vert fermé, leur ombre fraîche. »
parce que l'envie est trop grande de faire un peu plus que picorer et survoler le sommaire du dernier numéro de « d'Ici là » qui vient de paraître http://www.publie.net/fr/ebook/9782814505544/d-ici-là-n-8 « La forme d'une ville, hélas !, change plus vite que le coeur d'un mortel ».
et découvrir, en longue plongée, en circulant, puis finalement en reprenant, à part quelques incursions impatientes, attirées par un nom, en reprenant donc, platement mais pourquoi pas ?, dans l'ordre, retrouver les écritures aimées, découvrir la variété des facettes,
admirer la mise en page de Pierre Ménard, les correspondances, ruptures, ce tissage qu'il fait des différentes contributions, écouter la bande son d'un trait, en même temps, s'attarder sur des photos, des images (ci-dessous Matthew Cusik)
et, ne sachant que citer, ici, (allez donc lire le reste, quasiment tout le reste à mon goût, peut être mieux encore pour vous), je reviens vers le début et « Le cri des paons », le très beau texte de Jacques Ancet, pour lui, parce qu'il est, je crois, un peu l'aîné dans cet ensemble, parce que j'y retrouve cette attention et cette clarté que j'aime
«Je reviens,
j’avance comme je peux, c’est la brume tenace, le froid sur les avenues vides, le craquement du gel,
ce sont les deux visages surgis de la bouche d’égout, serrés l’un contre l’autre, le père & l’enfant, lèvres fumantes, regards fixes
par-delà quel soleil craché, quelle salive éblouissante sur les trottoirs interminables, quel ciel borgne & ses essaims de mouches purulentes,
ce sont les ongles rongés, le peu d’assurance qui vacille, dans la chambre les draps froissés, les cachets & le verre d’eau
c’est ce crépuscule qu’est toute vie humaine,
l’oubli qui me traverse, les perspectives qui se défont & je suis là, face à l’impitoyable, sans rien d’autre que mes yeux qui s’obscurcissent ou mes mains qui tremblent un peu
pendant ce temps
l’énorme machinerie du siècle s’est mise en branle, village global, fonte des glaces & multimedia, tandis que je suis là, à perdre mon visage, ».... et ces points de suspension sont un long et beau trajet (où sont les paons)
Et puis, si vous n'êtes pas encore partis, parler de la lecture jubilante, dans la nuit de samedi à dimanche, d'une petite plaquette chez Arléa, quelques pages achetées sur un coup de coeur en écoutant, je crois, France Culture, un de ces matins, le «Petit manuel de campagne électorale » de Quintus Cicéron, en fait une lettre que Quintus frère, plus jeune de quatre ans, de Marcus Tullius, celui que nous connaissons sous le seul nom de Cicéron, adresse à ce dernier, candidat au consulat.
Cynisme, dit l'éditeur, oui, mais relatif, puisqu'il s'agit de se servir de son handicap : être un "homme nouveau" c'est à dire, avec déjà une très belle carrière derrière lui, au cours de laquelle il a défendu, gratuitement, de nombreux personnages devenus ainsi ses obligés, être quelqu'un qui n'appartient pas à une famille consulaire - se servir de cela, de son honnêteté vraie ou apparente, face à des candidats marqués par leur nullité de fin de famille ou par leurs vices ou crime comme ses principaux rivaux, Antoine et Cattilina - enthousiasmer les jeunes, savoir s'appuyer sur les "compétents", ne refuser personne mais ne se servir que des premiers, faire voir que l'on est entouré, rendre service, et faire croire à chacun que l'on est soucieux de lui - s'appuyer sur les publicains ou gens d'argent, qui détiennent influence, (est ce si différent aujourd'hui?)
Bien entendu cela, à la fin, ne sonne pas très recommandable, montre la dureté de la lutte politique qui est la rançon de la démocratie, même si, bien sûr, l'achat des voix ou des influences n'est plus en notre temps :
« Si nous prêtons à cette affaire tout le soin qu'elle mérite, si nous obtenons de nos partisans le zèle optimum, si aux hommes influents qui nous soutiennent nous assignons des tâches précises, si nous agitons devant nos concurrents la menace d'un procès, si nous effrayons leurs trésoriers, ou d'une manière ou d'une autre nous faisons pression sur ceux qui les financent, il est possible de déjouer la corruption ou, du moins, de lui retirer tous ses effets... »
bien entendu, aussi, Marcus Tullius a laissé le souvenir d'un homme à l'adresse par trop excessive, mais c'est si bien présenté !
8 commentaires:
Lire et retrouver Milosz :
- "Je savais ce qui reste pour les moindres comme moi :
Les festins des brefs espoirs, l'assemblée des fiers,
Le tournoi des bossus..."
"l'achat des voix ou des influences n'est plus en notre temps", le crois-tu vraiment ? moi je doute fort !
Le retour aux grands Anciens est toujours utile. Jeter un oeil de temps en temps sur Machiavel ou Montesquieu rafraîchit...
Tablette : lavable (en machine) ?
Je constate que votre rythme de lecture est toujours aussi soutenu. Et qui se plaindrait de revenir ainsi aux Anciens? Une phrase pourtant m'a interpellé. Quelle pensée bizarre : « La forme d'une ville, hélas !, change plus vite que le coeur d'un mortel ». Je ne sais trop quoi en penser?
Ce bleu porte peut-être un nom...
c'est un vers de Baudelaire (ce qui n'est pas évident, pas spécialement connu)
Aime bien la vase de la tête ...
et le livre en tablette ou liseuse ne sais plus me tente bien
Machiavel!!! en parlais encore cet après midi (conférence" Comment penser le politique ou l'art de vivre ensemble" )
je ris toujours le mot qu'il faut..." Et puis, si vous n'êtes pas encore partis, " ....
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