Jean a dit «il y a la
lumière» – et ce fut un sourire, et ce fut, par la fente des
persiennes, un rayon qui s'est posé sur le carrelage, qui a lavé le
rouge terne, qui a fait chanter le rose, les défauts, et les taches
de vieillesse étaient parures, et, vers le milieu, un rapetessage se
baignait d'ocre, de jaune soufré, et la terre cuite murmurait des
contes de grand mère, sous la caresse du rayon où dansaient des
grains de poussière.
Jean a dit «il y a les
violons, les violoncelles, les luthiers», il y a le choix des bois,
il y a la forme qui a perdu au fil des siècles l'angle du manche, il
y a le vernis, le chatoiement veiné, il y a les grands luthiers
italiens Antonius Stradivarius, Paolo Maggini, il y a un violon de
Louis Mangenot de 1830 au courbes pleines, un violon presque noir de
Marchal un peu plus vieux, et un blond très clair de Claude
Chevrier, aux lignes un peu raides, et ils sont tous les trois de
Mirecourt, un brun sombre presque mort au timbre chaud, de Hopf, un
classique de Charles Gaillard à Mirecourt de 1867, restauré, un
beige doré foncé de François-Hippolyte Causse de Neufchâteau, un
H. Clotelle de Mirecourt, presque rose, un caramel sombre de Franz
Petz ou son entourage, qui date de 1764 et dont les ouïes sont
contournées avec charme, il y a le galbe des voûtes, il y a les
filets en ébène, en poirier, en baleine, il y a si l'on veut les
parties blanches en houx, en charme ou en buis, il y a la barre
d'harmonie, la caisse de résonance, les éclisses, les tasseaux, les
coins, il y a la taille de la volute, le chevillier, le sillet, les
chevilles et la touche, il y a la colle et puis l'encollage de
gélatine ou blanc d'oeuf sous le vernis, il y a le bouton et puis il
y a l'âme, et il y a les cordes. Il y a ceux qui fabriquent
l'archet, et celui qui le choisit. Il y a aussi les mains toutes les
mains, jusqu'à celles de l'instrumentiste, il y a l'apprentissage,
l'amitié entre l'homme et l'instrument, il y a moi qui essaie
d'écouter.
depuis deux jours (depuis
un peu plus tôt d'ailleurs, inconsciemment, puisque ne m'étais pas
inscrite) étais dans la mauvaise humeur, mauvaise conscience, mais
pas tant – le côté futile de ces manifestations, entraînement,
bonne conscience – mais tout de même si... parce que balancée
entre évidence du
témoignage-participation-à-la-chaîne-entre-Avignon-et-Lyon, et, en
petits assauts constants, des bonnes et mauvaises raisons de ne pas
tenter : pied cogné et vaguement douloureux, carcans fictifs
mais ressentis autour des chevilles, mal au bide, équilibre et
forces sujets à caution bien que presque « grosse »
en ces jours, pas de voiture, et les encore plus piètres :
point de départ éloigné d'une grosse demi-heure, rendez-vous à
l'heure où je finis de préparer déjeuner, nécessité de digestion
avant de se lancer... bon, c'est pas bien suis restée dans l'antre.
Pour ne pas m'éterniser
dans ma maussaderie stupide, assumer ce choix, ai entrepris des
regroupements de livres, soit une longue évolution de la pagaille,
sans résultat notable mais avec plein de petits plaisirs ou plus de
lectures.
On continue ? Oui,
monsieur de Montaigne, on continue.. un temps du moins
11 commentaires:
Il y avait bien ici et là quelques trous, ai-je lu quelque part. Mais 230 kilomètres ce n'est pas rien. 60.000 à former cette chaîne humaine. Ce n'est pas rien, non plus. Un Louis Mangenot de 1830 est également un grand cru. Difficile partage, si je comprends bien.
L'âme du violon, celle des poètes... instrumenter la musique.
Il y a cette note et valeur de participation. Un maillon de plus.
Ça va pas changer le monde !
Certes cela ne changera peut-être pas le monde, mais c'est un peu la seule manière que nous avons pour donner notre avis. J'ai bien regretté de ne pas avoir la force de me joindre à cette chaîne humaine.
Il y a tout ce que vous dites/écrivez ici... et j'aime ceci
un drômois qui a vu carcasse en vrai m'a consolée en me disant que le vent m'aurait emportée et puis, acte gratuit e m'étais méchamment cognée un pied, plus les ennuis habituels.. m'en veux un peu - comme de n'être pas allée me faire tirer du sang ce matin, l'envie du café et du miel s'étant ruée sur moi
J'ai du perdre ma volonté quelque part dans la douceur d'Avignon
une simple corde musicalefait vibrer un son comme un fil continu.
Jean a dit que c'était bon.
Moi itoute.
Et mettre des cailloux dans tes poches le grand vent t'aurait emportée...
Monsieur de Montaigne n'en était pas à son premier essai
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