On dirait que ce serait
cette maison, mais plantée au milieu d'un plateau, de routes, d'un
rien apparent, d'un noeud de possibles (oui, peu vraisemblable, je
sais) – on dirait qu'elle ne serait pas simplement close sur elle
même mais close sur son inexistence, abandonnée, on dirait qu'il y
aurait un dernier étage, entre les pans du toit, et une fenêtre
avec un volet inexplicablement ouvert.
On dirait que ce serait la
maison photographiée par François Bon, on dirait que ce serait la
maison à propos de laquelle des textes différents en leur beauté
et force ont été écrits http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article2933 que vous devriez prendre temps de lire ce que je viens de faire,
juste maintenant, en souriant souvent (et quel charme a la fenêtre),
on dirait qu'en rentrant de la ville mardi matin, en tentant de
trouver les mots pour plaider ma cause auprès des trop
vivants-dans-l'escalier-la-nuit-et-au-petit-matin et jeunes donc
certainement charmants voisins, j'ai renâclé, me suis emparée de
cette maison, ai pondu ce qui suit (ce qui m'a remise sur pied pour
trouver les mots aimables, conciliants, mais assez fermes, à mettre
dans une enveloppe glissée sous la porte)
On dirait que j'ai été assez incapable de tout, et que lâchement, pour meubler pauvre paumée je reprends ma contribution, ici, sous cette façade qui n'est toujours pas la bonne, mais dont je fais une frontière.
On dirait que j'ai été assez incapable de tout, et que lâchement, pour meubler pauvre paumée je reprends ma contribution, ici, sous cette façade qui n'est toujours pas la bonne, mais dont je fais une frontière.
Moi je marche à côté
des routes, à côté des rocades, des sillons tracés pour les autos
entre ce qui s'est construit là depuis mon enfance.
Moi je reste, à la
lisière, dans cette maison, plus loin, qui n'est même pas celle de
mon enfance mais.. c'est sans intérêt
Moi je tue mon vague ou
mes peines, ou je danse ma joie, sur le plateau, parce qu'il y a
place pour ça et puisque je suis seule à y marcher
Moi je marche dans le
présent, dans ce qui a enrichi, vivifié le plateau, disent-ils, et
je marche dans le passé, enfoui, qui revient par endroits,
régulièrement, comme un rite, se glisser sous le cheminement de mon
crâne, ou la contemplation absente
Moi je marche dans les
passés, les strates, et ce n'est pas toujours la même qui s'impose
Moi je passe et repasse
devant elle, cette maison condamnée, disent-ils, parce que, dans
mes trajets réglés par les clôtures, c'est plus simple, logique et
parce que c'est elle.
Elle la maison où ils
vivaient, et je marche dans notre temps - elle la maison qui va
mourir, et le présent encombre ma marche
Elle la maison où nous
nous disputions, insultions, rions, aimions, où nous avons appris à
danser, où leur père nous lisait des textes ennuyeux le soir à la
veillée, où une soeur chantait sur la flûte de l'aîné, où nous
nous regardions
Elle la maison à
l'escalier, nos pas furtifs, la chambre en haut, celle qui persiste à
ne pas vouloir se fermer sur la vue calme de l'espace, et je marche
les yeux sur ce volet rabattu - et je marche dans la recherche du
souvenir de notre émoi
Et je marche dans le refus
de cette fin qui ne veut pas s'effacer complètement, et je marche
dans le refus de l'oubli, et je marche dans le soupçon que c'est
excuse lâche pour mon repli
Et je marche dans le désir
passionné que cela ne disparaisse pas, et je marche dans les calculs
chimériques, évidemment chimériques, pour l'empêcher
Et je talonne l'herbe, et
je me montre mon refus, total
Et je pense, je ne peux
pas m'empêcher de penser que c'est ma chance, qu'il me faut cette
disparition, et puis alors, peut-être, partir..
Moi je marche, sachant que
ne le ferai pas, je suis arrivée, qu'importe la maison, et lui dis
ainsi adieu.
7 commentaires:
Belle maison de tous les instants.
Volets fermés mais la fenêtre, elle, est peut-être ouverte pour l'abandon.
je marche dans notre temps - elle la maison qui va mourir, et le présent encombre ma marche
___
Si beau qu'il faut relire et relire cette poésie. En reprise ou non.
Echos si forts retentissent dans
la maison aux sombres recoins
restera tout de même en rêve,
en souvenirs qui sont des chambres sans serrures
Félix Leclerc :
- "Moi, mes souliers...
S´ils ont marché pour trouver l´débouché
S´ils ont traîné de village en village
Suis pas rendu plus loin qu´à mon lever
Mais devenu plus sage..."
Je ne trouve pas le nom de la couleur d'aujourd'hui...
...moi je vais rouler (à vélo) dès demain vers la Bretagne...a lundi Brigitte
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