réveil à huit heures (je
croyais six), réveil étant un mot abusif - impression que je viens
à peine de sombrer dans le sommeil et qu'une journée nouvelle est
une idée loufoque et abusive. Hésitation entre ce qui s'offre, en
quantité immense, trop, dans la ville, et l'aspirateur, et choix de
ce dernier et autres menues activités.
Enfilé vieille robe
fétiche, (et constaté qu'en effet j'ai grossi, pas énormément,
mais assez pour que se dessine un petit bedon) négligé ce dernier,
déjeuné, plus tôt, plus vite que de coutume, parce que le petit
livret du festivalier signalait à quinze heures au cloître Saint
Louis un débat animé par le directeur de Sindbad-Actes-Sud, Farouk
Mardam Bey sur L'artiste et le pouvoir dans le monde arabe.
M'en
suis allée, pied presque léger, dans l'absence de vent, par les
rues nettoyées par les services de la voirie qui ont enlevé les
affiches tombées (les murs d'affiches sont presque clairsemés par
le mistral et les sans-façons qui prélèvent des affiches comme
souvenir, sans attendre la fin du festival, sous l'oeil courroucé de
Brigetoun) – un restaurateur au bureau de tabac disait qu'il avait
eu trois fois moins de clients que la semaine dernière, pourtant les
rues sont loin d'être désertes, avignonnais des quartiers ?
Festivaliers au long cours qui se contentent raisonnablement de
sandwichs ou barquettes ? Nouvelle fournée moins riche que ceux qui
font l'ouverture ? Et les touristes qui ne font que passer et
entassent les villes en une journée, mais eux on les voit peu en ce
moment.
Suis arrivée pour le
début, et pendant que Farouk Mardam Bey disait que tous les
pouvoirs, depuis toujours, dans le monde arabe (là seulement ?) ont
cherché à domestiquer les intellectuels, j'ai fait un tour à la
billetterie, découvert que quelques places s'étaient libérées
pour l'orage à venir (loupé pour cause de malaise), hésité,
puis, comme je n'étais pas certaine de mon emploi du temps des jour
prochains, renoncé (suis lasse d'ailleurs, tant pis).
Après cette phrase, il a
nuancé, fait un petit historique, parlé de régimes sans interdits
mais avec censure et répression, censure préalable ou censure
sociale (ulémas et autres) et économique. Régimes et censures
marqués par l'arbitraire, par des décisions incompréhensibles et
contradictoires.. – a annoncé les prises de parole,
et me suis installée sous
une arcade au fond (bougé ensuite quand un banc à l'ombre s'est
libéré) avec la ferme intention d'écouter sans noter.
Mais pourtant, ne me suis
pas tenu complètement parole.
Parce que j'ai aimé que
Roger Assaf (Liban) dise qu'il faudrait déjà identifier ce que l'on
entend par artiste et par pouvoir, parle de son étonnement de vieux
militant de gauche classique devant des révoltes et révolutions qui
ne correspondaient pas à ses schémas – de découvrir en Egypte
par exemple un peuple qui crée lui-même - dise qu'il se sent
incapable de diagnostic juste d'un questionnement, parle de la guerre
du Liban, de ce moment où dans son quartier il n'y avait plus que le
pouvoir des habitants qui s'organisaient pour le pain, l'école, la
sécurité et l'évitement de tout conflit entre eux, dans un
contexte de guerre ethnique. Ce moment où à sa grande surprise ce
sont eux qui ont demandé la renaissance, ou naissance autrement,
d'un théâtre.
Minha Al Batraoui,
journaliste égyptienne, a parlé de la censure en Egypte.
Une belle intervention de
Raeda Ghazaleh, directrice artistique d'un théâtre palestinien, (la
belle crinière) sur les difficultés rencontrées par les auteurs et
acteurs qui les ont amenés à passer du théâtre politique au
théâtre social, passant ainsi à côté de la première intifada.
Ce qui n'a pas été le cas de la seconde. Et les difficultés, avec
théâtres détruits par l'occupation et les difficultés pour
circuler. Actuellement l'absence de loi de censure, la non
intervention de l'autorité palestinienne, mais le rôle, socialement
et religieusement, du peuple, ce qui amène parfois à l'autorisation
de spectacles qui auraient pu faire hésiter les politiques.
Avant Fadwa Suleiman,
l'actrice syrienne que j'ai écoutée l'autre jour aux Jardins de
Mons, l'humour assez désespéré de Taoufik Jebali, directeur de
l'espace d'art et de création El Teatro, qui reconnaît que le
régime Ben Ali qui avait une censure imbécile et assez peu
virulente (pour le théâtre au moins) ne l'avait guère poursuivi
(petit incise souriante : c'est sans doute pourquoi le festival
d'Avignon ne nous a jamais invité), que beaucoup, là bas comme ici,
jugeaient que la Tunisie était relativement plus libre que les
autres états de la région, ceci dit avec ironie (d'ailleurs Ben Ali
lui aussi devait le croire et il n'est pas un président déchu mais
détrompé). Mais si la révolution fut une belle chose, le pouvoir
qui en sort est redoutable, qui n'intervient pas, mais s'appuie sur
une violence venue du peuple et de ses prédicateurs, une censure
maintenant intelligente (c'est à dire qui comprend ce qui attaque le
pouvoir) et qui justifie sa violence par la religion. Conclusion, un
peu comme un voeu : rien n'est gelé, espoir en une évolution....
Je ne sais si c'est la
tristesse qui nous venait de cet humour désabusé, de l'inquiétude
qu'il dénotait, mais carcasse s'est réveillée avec fougue. N'ai
pas attendu le débat, ai dit adieu à la fontaine, ai fait un voeu
(retour sans problème)
ai repris la rue de la
République, me suis amusée en voyant une fille que la nécessité
de la parade ennuyait visiblement (l'un des garçons est intervenu
pour lui délivrer bonne parole)
ai buté sur le gros de la
foule, tourné par les petites rues, suis rentrée (carcasse
immédiatement calmée) pour charger photos, pondre ces trop de
lignes, essayer de dormir un peu, fait petit tour sur internet, et
puis cuisine pour la nuit.
Enfilé pour me mettre
fête la robe Ventilo achetée l'autre jour et fait la grimace parce
que l'aime plus, me suis traitée d'idiote éternelle, sans sévérité
excessive, me suis persuadée que n'avais pas sommeil, et m'en suis
allée,
en attente grande vers le
cloître des Carmes (savais pas trop pourquoi, un sentiment..)
pour voir
Tragédie d'Olivier Dubois,
avançant
dans des rues qui se vident, vers un ciel très doux. )
arrivée en retard (mais
j'ai eu ma place sous la gargouille) et pourtant une petite demie
heure d'attente rendue interminable par un couple à voix de tête,
derrière moi, qui ont échangé sans arrêt des semblants de phrase
d'une stupidité que je ne pensais pas possible, si agaçants que ne
pouvais pas lire, si exaspérants que j'ai presque renoncé, ce qui
aurait été fort dommage
une photo trouvée sur
web (c'était la première, quelques photos de répétition,
annonçant programmation future)
http://www.theatre-macon.com/2012-2013/saison-12-13/22-programmation/spectacles/danse/129-tragedie.html
Olivier Dubois sur le
petit programme de salle
« Le propos de
Tragédie est de faire apparaître, de manière instinctive et
corporelle, ce que pourrait être une humanité immatérielle,
philosophique. Et ceci en partant d’un théorème anatomique. Je
suis femme et je suis ainsi faite… Je suis homme et je suis ainsi
fait. Être homme ne fait pas humanité ; voilà la tragédie
humaine. Il s’agit de faire exister un «vivre-ensemble » :
qu’est-ce que cet entre-nous qui ne m’appartient pas, mais qui ne
peut naître que de notre action volontaire et réfléchie ? Il
s’agit de labourer son propre territoire pour qu’il garde son
amplitude maximum et que celle-ci permette la rencontre avec des
territoires voisins. L’humanité est là, dans ce frottement...»
corps nus pour la rigueur
et éclairés durement – et trouver le tremblement qui dévoile,
casse et laisse apparaître ce qu'est l'humain.
Au début un ou plusieurs
corps qui avancent, franchissant le rideau de rubans noirs qui
ferment les arcades du fond, et repartent, des groupes qui varient en
nombre, en fréquence, dans l'amplitude de leur trajet, avec toujours
ce pas ferme
Déchaînement de lumière
et de sons, marche, pas, vagues humaines (dix huit danseurs de tous
âges) et cela crée une musique visuelle.
Peu à peu des échanges
de regard puis des gestes, des arrêts, des pas suspendus, ralentis,
la reprise du rythme, des dérèglements, des chutes, des changements
de trajectoires,
Ce moment où tous les
corps se retrouvent allongés à une extrémité du plateau, roulent
sur eux-mêmes, puis les uns sur les autres, forment un amas qui
lentement glisse en dehors du plateau.
cette phrase : «J’imagine
que, nus et allongés, nous recouvririons le monde de nos peaux.»
Musique qui tonitrue, un
grand coup, et ils reviennent, marchent, cela se dérègle, devient
danse, par groupes (de très beaux moments), cela se mêle, des
couples se forment, agités, comme possédés, et l'ensemble devient,
sous des lumières stroboscopiques, une foule secouée par le rythme.
Après une dernière
sortie, et le noir, ils reviennent habillés en un temps record,
pour des saluts et
recevoir l'ovation du public, debout.
Retour par des rues qui se
sont étonnement vidées depuis la semaine dernière, sans groupe de
musiciens au Verger ni au débouché de la rue Peyrolerie,
et tous les restaurants
sur mon chemin fermés à minuit.
7 commentaires:
je t'embrasse chère Brigitte j'étais la au festival un autre jour.
j'adore vos mots qui volent au dessus les scène entre le ciel les arbres le photos de la rue de la nuit c'est une beauté accablante.
et oui etre homme ou femme ne fait pas l'humanité
parceque je crois ca n'arrive pas j'usqua l'ame il faut etre complètement nu.
je fais l'art abstrait des modèles nu et je trouve qu'on peut exprimer toutes les idées de l'univers a travers un geste de modele nu.
belle continuation magique. je t'embrasse.
oh-j'ai lu aujourd'hui que c'est la fete de St. Brigitte et en Europe on célèbre ca alors alors si tu célebre pour honorer ton nom bien belle fete!!!!
Vous avez loupé l'orage à venir et nous sommes tombés de ce côté-ci de l'Amérique dans un gros orage violent. Dans une même journée, Farouk Mardam Bey, Roger Assaf, Minha Al Batraoui et tous les autres. Théâtre de parole et rejet du politiquement correct? Et cette tragédie de Claude Dubois me semble s'inscrire dans la logique de votre sortie théâtrale : questionner l’Humanité, la connaissance, la parole libérée, la liberté sexuelle, la lutte pour l’égalité et l’épanouissement personnel
De la prime à la dernière heure, toute minute en prise, et le pied vaillant et l'esprit. De bien belles et bonnes choses pour ces moments... Bonne nuit.
voeux à la fontaine :
- "que jamais plus, les chiffres de lecture de votre blog, ne viennent vous porter de l'ombre, de la froidure, de l'abattement, des empoisonnements..."
tellement de choses à voir et à lire...le potier de rue me charme
et aussi,j'adore tes puissants mots sur la description de Tragédie, c'est tes mots existentialistes.un ou plusieurs corps qui avancent franchissant le rideau de ruban noirs.....etc.
et ta robe bleu c'est un reflet du ciel bleu au festival.
et le voeu a la fontaine,que cette richesse soit toujours trouvé dans votre coeur et dans ton environnement.quel festival du monde!
belle continuation magique.
Madeleine
Bleue comme la nuit qui s'avance
Oublié Brigitte!!! "la fête" est toujours au coeur
Pensées volantes
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