s'éveiller vers deux
heures : voir ciel très clair encore indécis sur sa couleur,
voir le lent ballet du bambou qui disait éveil du vent, qui parfait
de ciel bleu
émerger à nouveau un peu
avant neuf heures : voir mouvement du vent, mais sans sa
plainte, et ciel très bleu - renouer avec plaisir des échanges
twitter, un moment, lavage de cheveux, faubert sur le carrelage,
s'énerver des photos supprimées par erreur (de tous les
emplacements), tenter petit classement, déjeuner avec un peu trop
d'abondance, siester sur fond de France Musique, tenter d'émerger et
de discipliner carcasse en veine d'imagination, enfiler parce que
tant pis je l'ai, robe digne qui me fait vieille dame ronde (housse
froncée autour du décolleté en lin gris si délicat qu'il n'existe
presque pas) et que n'aime point parce que me vois épaisse.
Et partir dans le vent,
qui cette fois rappelait sa seigneurie sur la ville.
Voir au passage, que
finalement, un peu en retard, il y a bien une exposition à Saint
Charles, dans la cour et pas dans la chapelle, de grandes ferrailles
d'Etienne Viard
qui semblent ignorées,
qui faisaient le bonheur d'enfants.
Le mistral donnait au sol
du boulevard Raspail (comme à ma cour) un avant goût de l'automne
J'allais au gymnase du
Lycée Mistral, mais avec une avance suffisante pour pousser jusqu'à
ma chère chapelle des miracles (en face de petit toubib) ouverte
pour abriter une exposition de vidéos et machines de William
Kentridge, «Da Capo» qui malheureusement pour la chapelle nécessite
une obscurité accrue –
ai aimé ce que je voyais,
ai tenté des photos en me disant qu'elles ne donneraient rien, que
je choisirais les moins mauvaises, mais ma foi, tant pis, ai la
flemme, les mets toutes (sauf une qui ne veut rien savoir)
suis repartie sous la
houle bruyante des branches des platanes, quelques centaines de
mètres plus loin, voir Disgrâce,
d'après le roman de Coetzee, que point n'ai lu (le roman), mis en
scène par Kornél Mundruczó,
avec une dramaturgie
de Viktória Petrányi
avec, comme de bien
entendu (mon goût du premier rang près de la porte), une longue
attente en compagnie des travailleurs de la mer pour
changer un peu
S'installer au troisième
rang, premier des chaises (mes abdominaux n'aiment plus trop les
coussins ou bancs au ras du sol) constater que grâce au mistral la
clim est moins redoutable que d'habitude.
N'avoir lu aucune
critique, avoir vu avec perplexité les photos de Christophe Raynaud
de Lage, sur le site de festival (en avoir gardé deux, celle)ci et
la suivante) et lu avec une certaine gourmandise
«une radiographie de
l'effondrement d'un monde qui est ici mise en jeu. Derrière
l'Afrique du Sud, il y a bien sûr la Hongrie, mais aussi les pays
européens soumis aux crises de toutes natures qui déstabilisent
mentalement les populations et multiplient les angoisses : celle de
perdre son travail, celle d'ouvrir sa porte aux inconnus, celle de
connaître la solitude affective... Dans un reality show théâtral
et musical, Kornél Mundruczó propose une galerie de personnages
propres à questionner les certitudes, les habitudes et les
conventions de l'ancien monde européen. Le politiquement incorrect
et la déstabilisation sont des armes que ne refuse pas le metteur en
scène, des armes d'autant plus efficaces qu'il les place dans les
mains de comédiens incroyablement engagés, conscients des enjeux de
la parole à faire entendre...»
Cela dure deux heures et
quart, cela commence par un viol bien brutal (qui en fait, mais ne le
savais pas, se situe plus loin dans l'action, et on voit les violeurs redevenus acteurs revenir, aider Lucy à se nettoyer, chanter – des chansons
intervenant comme ponctuation dans tout le spectacle). Déroutée une minute me suis retrouvée propulsée dans l'histoire du père professeur, et les mêmes acteurs sont là
des étudiants en complet trois pièces avec culotte courte, et
vulgarité bien pesante – et il est vrai que ce qui est dit et
montré pourrait peu ou prou, moins la ségrégation et les chiens
dressés à chasser les noirs, se trouver un peu partout en Europe –
la « faute » du professeur avec une élève, le procès,
la disgrâce.
Le décor est voilé de
draps blancs assez mal tendus pour rester dans le ton, qui servent à
projeter vidéos, de Lucy, apparemment fragile - belle et bonne
actrice - écrivant à son père qui veut s'installer, du père et de sa rencontre avec la
femme qui s'occupe des chiens, y compris ceux pour les noirs, dont
plus personne ne veut – personnage assez formidable - et puis le recommencement de la scène du viol, interrompue pour reprendre le
fil.
Deux heures et quart d'une
histoire relativement complexe, de scènes dures presque réalistes
et de fausse réalité comme quand les chiens sont des acteurs, une
construction implacable, des bouffées d'air et de chansons, la peur de ce monde qui change, le
courage et la lucidité de Lucie, l'apprentissage du père, du sexe,
de la violence, de l'intérêt, un côté un peu Cerisaie trash avec le personnage de Petrus, ancien maître chien, nouveau propriétaire, qui va épouser, pour la protéger et surtout prendre sa terre, Lucy, enceinte d'un des violeurs.... une troupe de bons acteurs.
Sortie un peu étourdie
(je dois trop dormir), ayant aimé je crois, ayant eu parfois grande
envie que ces chiens, ces brutalités s'arrêtent.
Ai emmené ma perplexité
dans le vent, ai senti que j'étais bien trop soûle des deux pour
faire autre chose, ai demandé ce que je pensais vraiment au ciel,
à la bigogne, aux papiers qui volaient vers moi, à mes cheveux qui baguenaudaient en tous sens – n'ai pas eu de réponse.
Ai enregistré les photos,
poché de la morue, fait cuire des patates, arrosé en oubliant que
l'avais déjà fait, sorti la poubelle, fait un tour sur internet, et
j'ai péniblement jeté ces mots.
8 commentaires:
"la houle bruyante des branches de platanes"
ainsi que
la marée très haute de vos mots et de vos illustrations
voici deux ans au moins que se cultive cette incompréhension : pourquoi aucune "maison" d'édition ne publie-t-elle votre chronique des Festivals ???
Cet amas de feuilles fait-il partie de l'exposition ? Très réussi.
Du vent, encore du vent dans les rues d'Avignon jusqu'au Lycée Mistral. Après cette galerie de personnages propres à questionner les certitudes, les habitudes et les conventions de l'ancien monde européen, vivement une brise fraîche avant de s'interroger sur la météo qu'il fait et sur le grand monde qui nous entoure.
n'appellerai pas le mistral, quand décide de s'amuser en grand, une brise
bonjour chère Brigitte, ah une poste magnifique encore, les choses quotidiennes mélangées avec l'extase du ciel les fleurs le mistral les sculptures en fer et tes mots sur le disgrace qui sont la comme les pensées dures presque réaliste pour emprunter tes propres mots.
j'étais la encore et je t'embrasse chère Brigitte.Je suis la enveloppée par la folie, et convaincue une autre fois que tu devrais ecrire ta propre pièce,
belle continuation magique....
Madeleine
Pfioou !! Quelle énergie :-)
Grâce à vous j'ai découvert ce qu'était la bignogne, belle plante grimpante.
Merci Brigetoun, pour tout ces billets du festival, par procuration c'est vraiment chouette :-)
Dommage pour la photo de la robe ;-) j'aurais bien aimé vérifier vos dires :-)
Flore
Vrai!! une réussite de la nature , le tapis de feuilles mortes à l'entrée de l'exposition et belle harmonie de tons
Vent crispant pour les nerfs et les cheveux "baguenaudants!!
"ayant eu parfois grande envie que ces chiens, ces brutalités s'arrêtent" je partage, je crois, votre perplexité.
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