Donc,
je n'avais pu voir mercredi l'apprentie sage-femme faute de
réservation, donc, au téléphone, ils indiquaient qu'ils ne
réservaient plus par téléphone pour ce spectacle et conseillaient
de venir, donc suis partie d'un pied décidé dans l'éblouissement
de la rue Bonneterie
ai
salué le jardin de cette maison où j'ai été introduite et qui
doit être vendue (si j'avais pu!) rue Grivolas, et suis tombée sur
un petit groupe qui attendait une heure avant les spectacles devant
les grilles fermées du jardin Sainte Claire,
Donc,
ai attiré l'attention d'un membre du théâtre des Halles, appris
que c'était déjà complet, réservé pour ce matin (je crains un
peu qu'à force de désirer, ne sais trop pourquoi, le voir, lui,
celui là justement, je sois finalement déçue, on verra)
Donc,
ai pensé : il me semble qu'il y a, à 11 heures, chez Benedetto ou à
Essaïon, quelque chose d'intéressant... donc, suis repartie,
jusqu'à
cette chère place des Carmes... à Essaïon (puisqu'il s'appelle
ainsi maintenant, je pense toujours Gilgamesh) c'était un spectacle
pour enfant.
Me
suis souvenue qu'aux Carmes on donnait un récital de Jeanne, suis
entrée sans grand enthousiasme, pour découvrir qu'à la même heure
il y avait «le journal d'une femme de chambre». Donc ma curiosité
s'est éveillée.
Quelques
minutes d'attente, acheté un petit recueil de poèmes de Benedetto,
suis
entrée, avec un public restreint – dommage – et j'ai plutôt
aimé, ou un peu plus, ce spectacle adapté, d'après Octave Mirbeau,
et mis en scène par Michel Bruzat, interprété par Mauricette
Touyeras qui dit, sur le petit programme, que le livre «se
prête merveilleusement à la scène en proposant une polyphonie de
voix de personnages révoltants, ridicules et émouvants. Drôle et
subversive, jubilatoire et tragique, elle dresse une fresque au
vitriol de la France de 1900 et des relations ambiguës qui unissent
maîtres et domestiques. La bonne, Célestine, devenue patronne dans
son petit café de Cherbourg, offre tous les soirs à ses clients un
spectacle réjouissant et tonique en les conviant à entrer dans les
coulisses du grand spectacle social. Célestine croque avec humour
les situations parfois rocambolesques qui ont marqué sa vie et
utilise le rire comme bouclier pour se protéger des humiliations
propres à sa condition.»
Le texte donne bien, comme
une donnée, sans surlignage, mais avec réjouissante causticité,
cette «lutte des classes» que voulait montrer Mirbeau.
Mauricette Touyeras en
jupe noire droite et chemise blanche, seule sur le plateau nu, est un
peu mure et lourde pour créer de si forts émois, mais peut en effet
avec ses attitudes de celle qui se souvient d'avoir été belle,
incarner Célestine devenue, sus le tard, patronne d'un café. Une
voix de mezzo, une voix dynamique, des inflexions souples et
vivantes. Parfois un peu mondaine comme une copie de la patronne,
même quand elle de l'imite pas, avec quelques brusques vulgarités
légères. Elle réussit en circulant sur le plateau, en vivant cette
remémoration, à nous tenir intéressés pendant près de deux
heures.
Bureau
de tabac du coin (là où je me souviens de Vitez, de sa troupe et
des admirateurs, lors de répétitions, en des temps très anciens)
et
retour le plus rapide possible dans le soleil et dans le vent –
parce que j'avais faim et rien de prêt.
En fin
d'après-midi, contre avis de carcasse (matée peu à peu), contre
tentation de renoncement, suis partie, parce que vraiment cela
m'intéressait, vers Benoît XII.
En
évitant la rue des Teinturiers, et en faisant le tour par la morte
rue du Portail Magnanen, ses boutiques fermées, et ses venelles qui
ne voient jamais le jour
et la
rue du Bon Martinet, où l'excitation du spectacle à venir monte au
rythme de mes pas.
Retrouvé
les roues, l'animation, l'odeur de la Sorgue,
les
vendeurs de robes folkloriques - hésité à m'acheter un masque pour
les jours où ne me supporte pas (pour faire la connaissance des
parents du fiancé lors d'un déjeuner en août, mais finalement ce
n'était peut être pas judicieux)
et
entrepris l'attente pour pénétrer dans la salle Benoît XII,
découvrir le spectacle de Jérôme Bel et du Theater Hora, «Disabled
Theater»
spectacle
avec les acteurs du Theater Hora - en majorité trisomiques, habitués
à jouer, un peu partout, d'après de grands auteurs – spectacle
qui, cette fois, avec Jérôme Bel, je reprends les mots de la
présentation sur le site du festival : «met en lumière leur
handicap autant qu'il le banalise, interrogeant les frontières que
nous traçons entre normalité et anormalité. Le spectacle raconte
la rencontre et la relation de travail entre Jérôme Bel et les
acteurs du Theater HORA. Ces derniers réagissent, de façon libre et
subjective, à une série de propositions formulées en suisse
allemand par une interprète présente sur le plateau, qui traduit
ensuite leurs réponses. Leur présence est aussi intense que
troublante : incapables de dissimulation, ils mettent en crise notre
compréhension de l'autre et nos repères théâtraux. Leurs corps et
leurs gestes singuliers, leur rapport décalé au temps, leurs
failles et leur sensibilité nous révèlent, par un effet de miroir,
nos propres faiblesses et fragilités...»
Y allais comme à la
rencontre de parents, presque frères, pour le plaisir de penser que
pour eux aussi c'était plaisir – sans gêne puisqu'il m'est arrivé
d'avoir amitié pour certains, puisque surtout ils ont choisi de
faire du théâtre.
deux photos trouvées
sur le site officiel du festival qui commence à en mettre en ligne.
D'ailleurs, en réalité,
leur handicap est variable, et dans la plupart des cas, assez léger
même pour des trisomiques (pas l'handicap mental le plus profond) –
ayant langage, et une élocution lisse, dans presque tous les cas,
structurant leur discours, avec pourtant l'un des plus vieux, Peter,
extrêmement attachant, et qui a séduit visiblement le public, qui
aime tant le théâtre que lors de la présentation (un moment, pour
débuter, qui est un peu gênant, comme ce le serait pour tous
acteurs soumis à cela, où chacun vient, tour à tour, en silence,
se planter devant nous et rester là pendant une minute)
se refusait à partir
jusqu'à ce que, au bout de trois ou quatre minutes, l'interprète
intervienne, Peter qui lorsqu'ils reviennent pour se nommer, indiquer
leur âge et leur profession, (c'est à dire acteur, ce qui, je
l'espère par le fait de la répétition, a déclenché les premiers
rires) s'est lancé dans un long discours où venaient en boucle un
ami mort, le théâtre biblique, le bonheur de jouer, des étoiles,
la prière, de nouveau des amis, en mots juxtaposés, en une langue
poétique, qui se terminait par un salut en français, avec un
mélange de délire personnel et de roublardise d'acteur.
Ils viennent aussi, tour à
tour, dire ce qu'ils pensent du spectacle (et dans un cas c'est
l'opinion de la famille qui est transmise, et les pleurs de la soeur
devant ce qu'ils avaient jugé humiliant) – et exécuter un solo de
danse qu'ils ont chorégraphié, sur une musique de leur choix, avec
des résultats inégaux qui m'attendrissaient de volonté, courage et
gaucherie (n'aurais pas fait mieux) - et je pense que n'étais pas
seule - qui déclenchaient des rires, humains, rires de défense (et
même d'adhésion pour les danses des plus jeunes, de la part de la
salle qui l'était majoritairement), mais aussi des rires de
dérision, supérieurs et méchants (et pas de chance c'était le cas
des deux garçons et de la fille assis à côté de moi – stupidité
prétentieuse qui m'a poussée à me lever pour aller regarder debout
au fond de la salle)
Un peu plus exercice que
spectacle (le but de Jérôme Bel est toujours de tendre «vers une
présentation plutôt qu'une représentation», de découvrir, monter
ce que sont les individus sur scène) conçu peut être en partie
pour que les gens prennent conscience. Mais qui, malgré la légèreté
relative de l'handicap, malgré le métier des acteurs, demandait à
être re!u avec un minimum de sensibilité. Et je pense qu'une
question manquait : que pensaient-ils du public ?
Sortie heureuse de cette
rencontre, replongée dans la joyeuse foire de la rue des Teinturiers
j'ai filé par la rue des
Lices, deux musiciens, les marcheurs et les attablés, la lumière
mourant sur Saint Martial, les parades de non-spectacles rue de la
République,
vers Calvet (pas envie
d'attendre une demie-heure pour un récital de poèmes de Damas)
encore une fois, j'y suis si bien
pour «John Berger,
révoltes et consolations» une lecture de textes choisis par John
Berger et Maryline Desbiolles
une belle variété, avec,
entre autres, un long poème cheminant en montagne en compagnie de
morts
« ils ont abattu les
arbres en septembre dernier le jour où j'ai été tuée à coups de
hache.. »
les animaux, la poésie
érotique
« ici, ici, ici, ici
c'est le seul poème que
l'on puisse écrire sur le sexe à présent
ici, ici, ici, ici... »
etc...
en terminant sur des
passages des «réflexions sur le fascisme économique »
m'a-t-il semblé.
Et je suis partie dans la
nuit qui tombait, rencontrant des têtes connues que je n'ai pas
reconnu, j'étais ailleurs, ne sais où.
17 commentaires:
Nous sommes vraiment au cœur d'une dense-cité.
Venelles, et la Sorgue : spectacle, là aussi, toujours renouvelé...
bonjour chère Brigitte, merci encore je te suis avec tout mon coeur dans les rues intimes-la rue dea Teinturier, Bon Martinet, les parades des personnes et affiches, le jeu de la lumière sur les pierres et on rencontre les musiciens et tes tentations- d'acheter un masque ou non haha pour te cacher des rencontres difficiles?haha
ah l'esprit des rues sont la a cause de tes merveilleuse photo qui peut montrer la célébration du festival.
mais a travers ca il y a tes mots sérieux, que ce festival c'est une exploration de notre humanité--
de nos propres faiblesse et fragilité.tu soulignes le fait que le théatre n'est pas condescendante il vit la vie en toute sa pauvreté et richesse.
et ta sensibilité forte du théatre qui explore une femme-qui souvient d'avoir été belle mais après tout est brusque et un peu vulgaire.
et ton respect profond envers les acteurs quand tu t'éloignes des rires amers.
merci beaucoup pour ta plume magnifique. j'ai pensé a toi encore ce soir pendant notre festival.un festival de coeur peut ouvrir aux autres et j'avais de la chance d'avoir ta plume prete.
je t'embrasse.
je te souhaite une continuation magique.
je ferai le blogging peut etre en deux jours mais je me rattrape de tout!si je ne suis pas ici pour le jour de la poste.
grand merci
Madeleine
bonjour,
merci de ces mots qui me permettent de vivre Avignon par procuration
Avez-vous été voir au théâtre de l'Ange à 16.40 "Godot est arrivé"
belle journée d'anniversaire
Il y a toujours un ailleurs.
Le chercher, le trouver, s'y attarder puis en rêver.
limitée tout de même temps, force et fric, du coup vais très très peu dans le off (plusieurs centaines de possibilité- comme je loupe cette année débats et expos
Merci à vous de ce partage!
Impressionnant, vivant !
Jamais tentée par la caméra ?
J'imagine toutes ces images muettes, en mouvement, habillées de ta voix off disant le texte.
Bonne journée suivante !
Paradoxe: le disabled theater est dans une salle (la seule du IN?) non accessible aux personnes handicapées en fauteuil. No comment.
me semble que si, en passant par l'autre prte en bas - et puis on ne va pas faire une horrible compétition, mais le handicap mental est toujours oublié dans les grandes campagnes et déclarations, là on le montrait, en douceur, mais pour une fois
Malheureusement non, Brigitte: j'avais demandé à la billetterie (par téléphone) car ce spectacle nous intéressait et la réponse a été négative - à moins que je ne sois tombée sur un opérateur incompétent.
Aucune compétition.
Avez-vous des conseils dans le Off?
Merci
n'ai vu que 3 choses dans le off "ma méditerrannée" où je me sis un peu ennuyée mais seule semble-t-il (et pas de problème là pour l'accès) - "le journal d'une femme de chambre" , pas mal du tout, et là non plus pas de problème et ce matin beaucoup aimé "l'aprentie sage-femme" mais pour la chapelle Sainte Claire qu'est toute petite, occupée par un gradin jusqu'à la minuscule scène, je crains que malgré l'intelligence des gens du Théâtre des Halles ce ne soit pas possible.
Suis très peu off, plus assez de sous, de forces, de temps et, pour les théâtres provisoires une allergie grave à leurs climatisations
HAPPY BIRTHDAY, BRIGETOUN !!! ♥
merci Joye - devient respectable
Très copieux ce programme mais comment fais tu pour assumer
J'arrive bien tard. J'ai relu, revu plusieurs fois cette riche journée, pleine d'humanité. J'apprends avec les commentaires que c'est votre anniversaire, alors bon anniversaire à vous, et un grand merci pour le plaisir quotidien de votre lecture.
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