Un vase pour rendez-vous.
Elle hésite, elle s’excuse d’accepter, elle doute de sa capacité
à être à la hauteur, elle anticipe un hypothétique déséquilibre,
comme ces cadeaux échangés en présageant que le donné sera moins
bien que le reçu, que l’autre lui en tiendrait rigueur, comme si
ce n’était pas simplement l’intention qui comptait. Il ne lui
est même pas venu à l’esprit que le plus impressionné de nous
deux, ce pouvait être moi.
Une petite cour, de hauts
murs abritant du soleil, une confidence au cœur de la Cité des
Papes, et le ciel d’un bleu diapason, le bruit des cigales, le
lézard qui se faufile entre les pots de fleurs ébréchés au
moindre crissement des graviers sous un pas. Les plantes jaunissantes
assommées de soleil qui n’ont plus la force de demander de l’eau,
et au milieu d’elles, Brigetoun.
Les instantanés pris
depuis une webcam, dans la pénombre de sa maisonnée, à la lumière
blafarde de l’écran, lui font injures. Des clichés qui lui
gomment les rides mais lui creusent les traits, transforment les
orbites en cratères, accentuent la fatigue qui s’est gravée à
même le corps décennie après décennie. Un corps qui a souffert,
tourmenté par l’histoire tout autant que l’esprit, et qui chaque
matin souffre encore d’être dompté de nouveau. Des os tenus par
des filets de chair qui gémissent sans cesse devant la volonté de
sa maîtresse. Elle qui gagne à chaque fois, pour avouer avec pudeur
que c’est pourtant de plus en plus difficile, mais qui ne
s’économise pas.
Il ne faut pas regarder
Brigetoun avec les yeux de Brigetoun : Brigetoun n’est pas vieille
dame, même si elle s’ingénie à nous le faire croire, même si
tout semble l’indiquer…Car de ce côté-ci de l'écran, Brigetoun
rayonne.
Où puise-t-elle son
énergie ? Où puise-t-elle sa force ? Lectrice éclectique, dans
tout ce qu’elle croise de livres et de billets, et qu’elle
recommande aussitôt, vigie infatigable de la littérature, et de la
culture au sens large… Conteuse merveilleuse, dans les mots simples
qu’elle nous donne chaque jour, promenades dans l’espace et le
temps, rythme plaisant de mélopées anodines. Entre deux photos,
deux souvenirs, en quelques lignes, elle vous étreint l’âme en
vous caressant le cœur, et nul n’y reste insensible. Vestale, dans
le feu qu’elle surveille, des vases communicants, et où chaque
mois nous nous réunissons sous ses yeux. Pythie aussi, lorsqu’elle
prétend sous l’influence de quelques vapeurs, qu’elle n’a pas
sa place parmi les autres participants, qu’elle voudrait arrêter.
Car en Brigetoun tout est
paradoxe, tant de talent et pourtant tant d’humilité, tant de
fragilités et pourtant tant de force, tant de volonté et pourtant
si peu d’assurance. Elle rougit, elle est gênée, il va bientôt
falloir que j’arrête. Sa modestie ne l’autorise pas à
l’admettre, mais la vérité est bien là : Brigetoun est un
écrivain, elle l’est même beaucoup plus que moi, elle le restera
longtemps encore. Cela ne lui est même pas venu à l’esprit :
pourtant de nous deux, le plus impressionné, c’est moi.
Christopher Selac
oui,
c'est la vision de Christopher Selac, que Brigetoun accueille avec
perplexité, qu'elle rougit d'afficher ici... tant pis, c'est le jeu.
Quant à ma tentative de parler de Christopher, je vous invite à la
découvrir sur
http://christopherselac.livreaucentre.fr/2012/10/05/tentative-de-rencontre-par-brigetoun
Tiers Livre et
Scriptopolis sont à l'initiative d'un projet de vases communicants :
le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d'un autre, à
charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les
invitations. Circulation horizontale pour produire des liens
autrement… "Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre."
La liste des
participants, que j'espère correcte se trouve sur un blog dédié à
ce seul usage http://rendezvousdesvases.blogspot.fr/ et ci-dessous si vous préférez.
16 commentaires:
Quel merveilleux hommage à cette dame que je fréquente, par l'intermédiaire de ses écrits, depuis, je crois, deux années. Il était temps de le clamer haut et fort. Et je vais le dire haut et fort. J'aime les mots de Brigetoun. Son monde et son mode littéraires. Sa culture. Son énergie. Son humour grinçant. Bravo monsieur Selac.
@ Christopher Selac : beau portrait que celui-ci, en fait nos commentaires le tracent peut-être aussi en creux jour après jour.
Magnifique, émouvant...
Difficile de trouver les mots pour remplir les creux.
Et l'image en plénitude.
Pas de commentaires possible sur le texte de paumé&e chez Selac ?
portraits croisés. un beau texte , Paumée, chez lui. Tout en nuances, en approches timides, une sorte de pointillisme à la Seurat.
merci à vous, et merci doublement à toi jeandler pour ton commentaire sur ma tentative
Bonjour,
les commentaires sont ouverts sous le texte magnifique de Brigitte.
Toutes mes excuses renouvelées pour le retard à la mise en ligne (étais toujours tourneboulé, faut croire). Les plus beaux textes ont sans doute vocation à se laisser désirer un peu eux aussi.
J'aurais bien affrété des avions au-dessus d'Avignon avec de grandes banderoles "Merci Brigitte" dans leur sillage, mais renseignements pris c'est un peu au-dessus de mes moyens.
Christopher : sourire (retard tout relatif, nous dormions)
Bien beau, bien vrai !
Ô ! que j'aime ceci
Ô ! que ceci est beau
comme cette dame d'Avignon
qui m'impressionne
oui, beau.
bien beau, pas vrai (sauf orbites)
Un fidèle portrait dit avec tant de talent
BRAVO
Grande chance de la côtoyer ainsi
Où peut-on signer notre accord? Sans réserve.
Superbe échange. Bravo à vous deux.
C'est vrai et c'est beau, oui.
oui, d'accord sur tout, la reconnais bien la Brigitte écrivain-et-qui-dit-qu'elle-ne-l'est-pas et qui tous les jours écrit, et nous donne l'énergie d'écrire à notre tour parfois, bravo à Christopher, brava Brigitte, c'est un superbe échange!
mon commentaire - trop matinal ? - a disparu
j'y saluais la femme écrivain...
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