C'était
un anniversaire quelconque, un regroupement partiel chez les parents.
C'était les aimer tous, et être contente d'être là dans la
chaleur du clan... mais c'était un de ces jours où le discors
entre ce qui rodait en soi était trop étranger, trop loin de cet
univers. C'était éviter d'écouter, pour éviter de contredire.
C'était regarder, derrière la petite table chargée de bouteilles
et de verres, la bibliothèque basse, son bois blond, les vitres et
panneaux entre les deux colonnes, la perfection des proportions sages
qui parlaient Restauration, c'était retrouver sa présence dans le
bureau du grand père, le divan qui vous accueillait pour un temps,
les lectures nocturnes de livres tacitement déconseillés. C'était,
sur le marbre, l'éventail déployé du livre chinois et la
succession de sages, leurs costumes et attitudes subtilement variés,
l'habitude de les regarder un à un dans les longues heures d'ennui,
dans un des petits fauteuils de l'appartement parisien. C'était,
devant leurs robes raffinées, le bois fruste, la vitre cassée,
l'aiguille éternellement tombée à côté de l'axe, la boussole
prise sur une jonque arraisonnée. C'était se lever, la prendre,
vérifier que depuis longtemps plus personne ne pensait à mettre un
grain de riz pour le maquoui. C'était ne pas penser que cela devait
nous porter malheur.
C'était trouver sur une
page d'album quatre photos, une sépia et trois glacées et
brillantes par delà les ans, quatre fois la fierté de ses
grands-parents, moustache fière et robes de satin noir : les trois
fils, en costume marin en leur enfance, et puis apparition, sur l'un
après l'autre, de l'uniforme d'officier de marine (sauf pour lui mon
père, méconnaissable en grand lycéen boudeur sur la dernière.. il
en manque une) et sourire avec un petit attendrissement, que je
n'aurais jamais osé devant le patriarche quand j'étais petite
gamine et qu'il était dieu tout puissant, en jubilant de la
satisfaction de celui qui était né dans le petit logement
qu'occupait dans l'arsenal la famille de son père, charpentier de
marine.
Suis sans confiance en
ces jours en moi, mon crâne et mes mots – reprends deux
paragraphes embarqués sur des convois des glossolales
http://leconvoidesglossolales.blogspot.fr/
qui, même un peu retapés, ne me satisfont guère. Inch allah
8 commentaires:
Les souvenirs remontent, passé et sépia sont proches.
prendre l'album et en faire tout un livre, moustache par moustache et robe après robe...
à part ça, qu'est-ce qu'un "maquoui" ?
presque l'équivalent d'un korrigan - j'ai cherché pour savoir comment l'écrire parce que pour c'était un son - trouvé conformation sais plus où wikipedia peut être
En Brumaire, le temps des souvenirs remonte
estompés mais non gommés
empruntés ou non
un peu de braise sous la cendre.
heureusement que François Bon a posé la question... Je venais pour ça, pour le mystérieux maquoui (quelle belle sonorité) et ne suis pas déçue... en profite pour saluer l'auteure de ces billets que j'aime tant...
De beaux souvenirs. Illustrations orientales que j'aime bien derrière ces photos familiales. Remarquable est cette présence toujours évocatrice du patriarche dans nos souvenirs d'enfance.
Coup de vent fort dans les souvenirs , comme devant chez toi en ce jour effrayant de bourrasques , tangage comme en pleine mer pour regagner la maison des champs
"C'était éviter d'écouter, pour éviter de contredire." ça c'est juste!
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