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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

dimanche, décembre 09, 2012

les petits malheurs de Brigetoun – et les mirages d'Orient


Je suis partie, en fin de journée, munie d'un chapeau à bords souples (pourquoi dit-on les bords du chapeau ?), d'une écharpe, d'un carnet, de mon appareil photo, et surtout de mes yeux reposés, pour le vernissage de la dernière exposition de la Collection Lambert, dont le titre, Mirages d'Orient, grenades & figues de Barbarie
Chassé-croisé en Méditerranée, et la liste impressionnante des noms portés sur le carton d'invitation, m'attiraient et m'intriguaient. (ci-dessus affiche, ou carton d'invitation, ou couverture du catalogue - portrait de Bachar El-Assad, aquarelle sur papier de Yan Pei-Ming)
Le vent m'a cueilli en route et j'ai passé mes trajets, aller et retour, à courir après mon chapeau, le renfoncer au jugé, ou me geler les mains en le tenant.
J'ai passé mon temps à être dans les pattes de Madame le maire, sa cour et les photographes, ou plutôt à les avoir dans mes pattes.. et quand m'en suis débarrassée je me suis fait interdire de prendre des photos (j'étais devenue repérable) – ai renfoncé en signe de bonne volonté l'appareil en cours de fermeture dans mon sac, donc il est coincé et les quelques photos, dont j'espère que cinq ou six seront bonnes dorment en lui jusqu'à extinction de la pile – ai pris force notes plus ou moins lisibles, mais j'ai la flemme...

Ceci dit l'ambiance était agréable, ai vu choses belles (ou non), intéressantes (souvent très), suis contente de ma journée... alors je reprends pour le plaisir, des passages d'une des lettres d'Isabelle Eberhardt reproduites dans le catalogue que, sur une impulsion, me suis offert (bien fait, édité par Actes-Sud, mais très gros et que, vraisemblablement, une fois qu'il aura trouvé un coin où s'installer, je ne regarderai pas) et j'ai photographié, mal, avec les derniers souffles de l'appareil officiellement mort, quelques images dudit catalogue 

À Ali Abdul Wahad
Bône, le 13 octobre 1897
...Nous sommes partis banalement en voiture de place, et nous sommes arrivés vers 10 heures au douar, composé de maisons en pierre très propres et de nombreux gourbis. Le douar est situé au pied des grandes montagnes que vous avez dû remarquer à droite de la ligne de chemin de fer du Bône-Guelma. C'est le djebel Idou, habité par les panthères et des djebaïlis pillards. Le cheikh du douar, Si Tahar ben Mohammed, est un riche marchand de bestiaux, homme lent et calme, qui a fort grand air... Je commençai, selon mon habitude constante,par échanger mon stupide costume européen contre l'habit bédouin, commode et imposant, ce qui me permet toujours d'éviter la société fastidieuse des femmes arabes et de me mêler aux hommes dont j'aime l'admirable calme et la grande intelligence toute islamique d'ailleurs. Dès lors, à cent cinquante ou deux cents, nous enfourchâmes les beaux chevaux bédouins et nous filâmes au galop dans la plaine, avec force coups de fusil et grandes clameurs. Nous fîmes ainsi au moins trente kilomètres, notre troupe grossie par la jeunesse de tous les douars situés sur les coteaux au pied du grand Idou sombre et nuageux.

Je sais, ce n'est pas un cheval – feuillet du carnet Mérol-Soudan 2012 de Miguel Barcelo
Notre troupe devait avoir un aspect fort semblable à celui des caravanes décrites dans la Tora et chez les prophètes antéislamiques.. Ce qui m'enchante dans la vie de l'Islam, à tort ou à raison, c'est justement cette apparence d'immobilité qui rend confiance en l'Eternité et qui enraie un peu ce funeste vertige du néant qui nous torture, en Occident...
Au retour, la diffa nous attendait, les chants et les danses des femmes et tout le tapage des fêtes arabes. J'allai avec les hommes, manger à la place d'honneur, dans le bâtiment de l'école. Après, jusqu'au soir, nous avons lu le Koran et récité des vers arabes en choeur...

photo Robert Rauschenberg «Tanger street (I)» 1952
Puis, à la nuit, la fête recommença, plus bruyante et plus gaie encore. Enfin, vers minuit, tout le monde se sépara, et, nolens volens, le patron me sachant femme, il fallut gagner la chambre ou plus de quatre-vingt-dix femmes dormaient par terre, sur des matelas. Cela ne faisait point mon affaire : l'air étouffant, les enfants braillards, les babillages sots des femmes. Aussi, après une vaine tentative pour m'endormir, je me rhabillai et je sortis, malgré les protestations des femmes me parlant de «r'oulémin» (les esprits malins – note de l'éditeur) et des chiens (chose beaucoup plus sérieuse). Je sortis donc dans la nuit noir, d'un calme infini, très spécial à cette terre d'Afrique...

8 commentaires:

mémoire du silence a dit…

Bachar El-Assad, sans commentaire ou ça serait trop long, mais Yan Pei-Ming, alors, là est un artiste de grand talent qui n'a pas peur de provoquer, et dont j'ademir beaucoup le travail gigantesque,,, Miquel Barceló également
Comme j'aurais aimé visiter cette exposition...

et puis l'occasion est trop belle pour vous offrir ce cadeau ICI

jeandler a dit…

Un titre percutant, un clin d'œil non sans malice sinon provocateur.Les figues de Chrétiens ne se mangent que bien mûres et débarrassées de leurs glochides...

arlette a dit…

Avais aimé Isabelle Eberhardt par Edmonde Charles -Roux

jeandler a dit…

Une curieuse, très curieuse affiche réflexion faite...

Brigetoun a dit…

il a fait les portraits des couples jordanien et syrien et puis de Sadam défait - je ne pense pas que ce soit vraiment admiration
(expo en gros = ce lien qui ne devrait jamais avoir été rompu entre les peuples de la méditerranée, et ce qui en "occident" a fait la rupture, ce qui aussi la fait du côté des peuples majoritairement musulmans c'est à dire dictature - soutenues par nous un temps - et intégrisme)

Dominique Hasselmann a dit…

L'affiche rend bien compte du "mirage" et du sang qu'il fait répandre sans qu'il n'y soit mis holà.


Assad, assez !

Merci pour l'aperçu et chapeau.

jeandler a dit…

J'espère bien qu'il ne s'agit pas d'admiration (une bizarre inspiration, cependant) ce qui n'est pas une raison pour en faire une tête d'affiche, en ce moment...
Désolé de tant de désobligeance, mais cette affiche ne passe pas chez moi.

Pierre Chantelois a dit…

Réussi à tenir votre chapeau, réussi à saisir quelques photos entrées dans la clandestinité, traité d'un objet d'art dont le portrait porte à discussion, mis en poche un Actes-Sud géant... et vous n'avez pas égaré votre chapeau en cours de route. Un parcours d'une femme battante.