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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

dimanche, décembre 16, 2012

Oloé imaginaire pour lectures récentes


On dirait que ce serait l'été, ou plutôt sa fin, un peu avant la rentrée des classes, il y a longtemps, à côté d'une maison amie... on serait monté sur les pentes du Faron, en suivant l'ânesse chargée de provisions pour le dîner, puisqu'il n'y avait pas encore de route, juste un chemin aussi caillouteux qu'un torrent, on aurait suivi le Colonel dans les restanques, on l'aurait écouté raconter comment il les avait construites avec un voisin, et nous expliquer, trop vaguement, parce qu'il savait que nous ne comprendrions pas, la construction des murs de pierres sèches, et après le goûter, avant que la nuit tombe et qu'on allume les lampes à pétrole, j'aurais laissé les autres jouer ou discuter et je serais sortie avec un livre et une machine à lire qui ne serait pas encore imaginée, pour découvrir, en levant de temps en temps les yeux pour rêver devant la vue, des textes qui ne seraient pas encore écrits.

N'importe quoi... mais je suis dans l'antre, un samedi soir, je me dis que je devrais, comme on pose une petite pierre, mentionner mes lectures de ces derniers soirs, et je suis, aussi, devant des photos, un fichier ouvert plus tôt pour y choisir quelques images à envoyer, et il y a celle-ci, la force de mon imagination, un souvenir vague, une envie de chaleur poussiéreuse des pierres, d'odeurs de maquis, d'air bruissant..

Plus simplement, dire le plaisir d'avoir encore beaucoup à découvrir chez Claude Simon, dire la lecture, lente, dans la nuit, du tramway, la sensualité des phrases et la mort, la dégénerescence qui baignent tous les souvenirs, les allers et retours entre le trajet du tramway, l'hôpital, l'enfance, la mère etc...
renoncer à en parler, prélever quelques phrases, ou lambeaux de phrases, ceux choisis pour Babelio, comme un morceau de patchwork
.. les deux vieillards (quoique gendre et belle-maman, ils semblaient à nos yeux d'enfants appartenir à la même génération) formant sous la lumière crue - ou plutôt cruelle - de la suspension qui creusait leurs masques flétris (sinon même, chez notre grand-mere, ravagé) un couple quelque peu hallucinant...
son propre visage, donc, depuis que la maladie qui devait l'emporter s'était attaquée à elle, s'était mis, comme par une sorte de mimétisme (ou de coquetterie macabre) à tout d'abord simplement maigrir, pour ensuite se creuser, se momifier peu à peu, faisant irrésistiblement penser à la fin, en féminisé, terreux et impitoyable, à ceux de ces amputés physiquement d'une moitié d'eux-mêmes...
et la nature, le trajet, ce que l'on voit aussi de la maison, à travers les saisons et les années, 
(de nouveau : grappes humaines hurlantes dont les membres jambes bras agités au dehors semblaient le 15 août hérisser les flancs de ces "baladeuses" remorquées par les tramways, leurs rideaux de toile écrue détachés claquant comme des drapeaux, comme s'ils participaient eux-mêmes à cette bruyante allégresse que l'on entendait venir de loin, s'enfler, éclater violemment quand le tramway et sa remorque passaient brûlant l'arrêt du mas, puis décroître, s'éteindre, laissant se refermer le résineux parfum des pins dans le somnolent après-midi...
le monde extérieur, ses échos avec le monde intérieur
et le silence, et seulement parfois, le frais ruissellement, ici ou là, d'une de ces rides dont la crête se brisait, les lueurs du couchant allumant des reflets de bronze sur l'eau non plus bleue mais d'un vert bouteille allant s'assombrissant, noir à la fin dans le silence noir où l'on ne distinguait plus le pont qu'à la faible lueur roussâtre d'un fanal, la barque roulant et tanguant doucement sur place, la hampe noire du mât dressée vers le ciel étoilé oscillant avec paresse d'une constellation à l'autre..


Parler aussi, comme peux, des derniers textes publiés, (en dehors des traductions, où m'en vais plonger, où ai commencé à plonger avec bonheur, par Jean-Yves Cotté, d'une chambre à soi de Virginia Woolf http://www.publie.net/fr/ebook/9782814596641/une-piece-a-soi et portrait de l'artiste en jeune homme de James Joyce http://www.publie.net/fr/ebook/9782814596634/portrait-de-l-artiste-en-jeune-homme)

Avoir eu désir de découvrir la traversée de Jérémy Liron http://www.publie.net/fr/ebook/9782814597006/la-traversee parce que j'aime lire son blog http://lespasperdus.blogspot.fr/, ce que j'ai vu de son oeuvre à travers des reproductions, et ce qu'il dit de la peinture (et me trouver souvent, moi béotienne amatrice, en accord avec lui)
Très sommairement, maladroitement :
Un texte, une traversée dans lequel on entre par un voyage, nocturne, en car, et tout de suite une façon de traduire, mettre en phrases qui rendent réel, une étrangeté au monde, une déréliction. Un texte qui reste allusif, comme des petites notes sensibles sur un carnet (mentionné d'ailleurs à la fin) qui constate, de situations devinées en rencontres suggérées l'avancée de cet homme, qui a perdu même son prénom exact, vers la disparition finale.
Et pourtant, lorsqu’on l’avait questionné sur le pourquoi de cette traversée avec la neige et rien de particulier (on lui avait dit : «rien de particulier à voir là-bas, sinon comment le ciel rejoint la ligne délavée des plaines pâles et s’y confond») il avait dit quelque chose comme : «le monde se fait au-devant de soi. »...
Ses mots au-dedans se sont faits peu nombreux, s’affranchissent progressivement de la nécessité des phrases. Bientôt il sent la langue se taire en lui. Le monde la désarme...
Il n’est capable de rien d’autre que ce cri qui le jette dans la nuit, qui l’abstrait. Il n’est que ce cri étouffé. Rien ne se distingue. Non plus lui-même confondu à la nuit.
et les autres, les restes de liens ou de souvenirs...

Tenter d'évoquer, non moins sommairement, juste pour créer, peut-être, désir de le lire, la chèvre noire de François Rannou.. http://www.publie.net/fr/ebook/9782814597068/la-chevre-noire
Selon l'auteur : une suite narrative -
des citations introduisant et concluant des récits, ou des airs, en strophes espacées, de tonalités différentes, de voix différentes, la grand-mère, la mère, le fils, le voisin, en une composition musicale
au centre une histoire familiale - comme un noyau
s'ouvre sur la mère, la grand-mère, la maison jaune et les deux autres, l'homme qui n'est plus présent que pour la mère, l'Afrique, les corps, le lyrisme, ... une construction basée sur des correspondances davantage que sur un ordre chronologique, une énonciation logique.
les paroles qu'on pense, qui prennent forme, libérées (par la grâce du sacrifice de la chèvre noire, comme l'agneau et la brebis dans l'Odyssée)
une maquette soignée, chaque partie, chaque air, introduit par une image, une belle composition (et, via un lien, les lectures par l'auteur de passages)
les voix diverses qui se mélangent presque, et l'on devine qui elles sont
Je suis morte et je vous parle. De cette sensation si proche. Oh, ce n’est pas le jugement dernier, ce sont nos simples mots qui s’enroulent alors même que nous sommes un seul ruban dans les cheveux de la petite fille qui sourit. Mais plus du même côté..
Oh oui, me laisser haler le long du courant, glisser, comme on s’évanouit, dans les plis de tulle que l’eau du fleuve exhalerait en une respiration continue se mêlant à mon haleine..
Par terre des feuilles comme une volée de monnaie tombée. Je les ramasse pour ma princesse qui fabrique si soigneusement son herbier… Je l’observe. Je suis assise dans mon fauteuil. Le bras droit replié, l’index posé sur le pouce souligne ma lèvre inférieure, les autres doigts refermés..
Ce mouvement du bras touche le bord du cadre. Elle semble cueillir une fleur avec un air de petite fille. J’essaie de retrouver exactement ce qui la transfigure ainsi. Comme si ce qui floute et assombrit son visage s’était évaporé, les muscles de la figure allégés de ce qui tire, pèse sur les traits, aggravant leur marque...
Manque à ma cueillette la voix du fils, en qui sont ces voix, et la voix extérieure, celle du voisin...
pardon demandé.

4 commentaires:

Dominique Hasselmann a dit…

Photo : permanence du givre au soleil.

Pierre R. Chantelois a dit…

« le monde se fait au-devant de soi »

Voilà deux livres qui, par leur compte-rendu, pourraient se retrouver sur ma table de chevet pour une lecture urgente. ;-)

arlette a dit…

les longues phrases de Claude Simon
ah!! bonheur , y revenir
Quant à Jérémy Liron vais suivre son blog plus assidûment
(en contact permanent avec ses parents !! qui en parlent si fort )
Merci pour ces rappels précis

jeandler a dit…

"découvrir des textes qui ne seraient pas encore écrits", un art de voyance, une belle invite pour mette la main à la plume. Un rêve d'enfant, un livre à venir.
Simon, un texte lui écrit, tellement écrit, sur-écrit.
Une grande lectrice ne peut qu'écrire des textes à venir.