Ce serait une pièce, tout
en haut, dominant la rue qui file vers la place, plus loin, devant,
grande ouverte. Ce serait une pièce en amour avec le ciel, ce serait
une pièce sans mur, juste cet écran – mais percé pour cadrer la
vue sur pierres – baignée dans le ciel qui ce jour là serait en
gloire glacée.
Non
Ce fut un jour d'yeux qui
plissaient, de tempes enserrées, de fil d'air passant comme toujours
à travers les battants qui ne ferment plus complètement, ce fut un
jour où carcasse ne voulait rien, renonçait.
Se calfeutrait, tremblante
un peu, douloureuse mais pas vraiment, morte, avec une petite lumière
dansante, le souvenir du plaisir grand de relire de Virginia Woolf,
une quarante d'années après, «une pièce à soi» dans la nouvelle
traduction de Jean-Yves Cotté
http://www.publie.net/fr/ebook/9782814596641/une-piece-a-soi
Me souvenais de la visite
dans le riche collège masculin d'Oxbridge (semi-fiction), du
dialogue après l'austère dîner dans la version féminine,
tellement plus récent et moins doté, mais je n'avais plus en
mémoire le délice de ce ton, de l'esprit et de la fermeté du
trait, de cette impression d'être devant Virginia Woolf et de
l'entendre, en sentant dans cette conférence ce que l'on imaginerait
pouvoir être sa conversation (et ne sais quelle est, en cela,
l'importance, certainement existante, de la nouvelle traduction)
Je n’avais aucune
envie d’entrer à supposer que j’en eusse le droit, qui sait si
le bedeau ne m’aurait arrêtée en me demandant un certificat de
baptême ou une lettre de recommandation du doyen. Mais l’extérieur
de ces magnifiques bâtiments est souvent aussi beau que l’intérieur.
De plus, c’était assez amusant d’observer les membres de la
congrégation se rassembler, entrer et ressortir, s’empresser
devant la porte de la chapelle telles des abeilles à l’entrée
d’une ruche. Beaucoup portaient la robe universitaire ;
certains avaient les épaules recouvertes de fourrure ; d’autres
étaient en fauteuil roulant ; d’autres encore, bien que
n’ayant pas atteint l’âge mûr, paraissaient pliés et
recroquevillés en formes si singulières qu’ils évoquaient ces
langoustes et crabes géants qui se déplacent péniblement sur le
sable d’un aquarium
ai retrouvé la
jubilatoire collection des jugements des critiques, tous masculins,
sur nos capacités intellectuelles, et les compliments des romanciers
ou poètes, compliment portant sur l'utilité et le charme que les
femmes apportent dans un ménage, ai retrouvé la condition des
femmes (je schématise à outrance)
De fait, si la femme
n’existait que dans les œuvres de fiction écrites par des hommes,
on l’imaginerait comme un être humain d’une extrême importance
; plurielle ; héroïque et mesquine ; merveilleuse et vile ;
infiniment belle et laide à l’extrême ; à l’égal de l’homme,
certains disent même supérieure. Mais nous sommes là dans la
fiction. En réalité, comme le souligne le professeur Trevelyan,
elle était enfermée, battue et jetée dans une chambre.
avais un peu oublié le
survol du début de leur littérature et même l'exposé, par petites
touches, d'une théorie du roman, mais pas sa façon de montrer la
difficulté pour une femme d'écrire, et les différentes raisons
qu'elle en donne
nous devons accepter le
fait que tous ces grands romans - Villette,
Emma, Les Hauts de Hurlevent, Middlemarch –
ont été écrits par des femmes sans autre expérience de la vie que
celle autorisée à pénétrer la maison d’un honnête
clergyman ; écrits en outre dans le salon familial de cette
demeure respectable et par des femmes si pauvres qu’elles ne
pouvaient se permettre d’acheter plus que quelques mains de
papier à la fois pour écrire Les
Hauts de Hurlevent ou Jane
Eyre.
(ce qui fait la plus
grosse partie du texte, sur laquelle, tant pis, je passerai vite,
comptant que vous irez la redécouvrir)
mais c'est tellement
savoureux de la suivre, de contempler la façon dont son intelligence
creuse sans jamais peser.. et de la voir en venir à dire, cela, avec
quoi jr ne saurais qu'être d'accord : il
est néfaste pour qui écrit de penser à son sexe. Il est néfaste
d’être purement et simplement un homme ou une femme ; il faut être
féminin-masculin ou masculin-féminin....
et
puis je ne crois pas que le talent,
quelle que soit sa nature, puisse être pesé comme du sucre ou du
beurre, pas même à Cambridge, où ils raffolent de mettre les gens
dans des cases, de se coiffer d’une toque et d’accoler des
initiales à leur nom.
Accord
aussi avec cette idée d'un regard autre qu'amène, ou qu'amenait
encore en son temps, les femmes, et de sa nécessité..
P.S.
Le dessin, qui n'a qu'un rapport très approximatif avec le texte de
Virginia Woolf, mais tant pis, fait partie de la série, assez
séduisante, d'Amélie Jooz, exposée actuellement à la Galerie
Ducastel, à côté de l'antre.
7 commentaires:
Ce serait tout sauf le huis-clos. Il faut s'arrêter à cette réflexion : De fait, si la femme n’existait que dans les œuvres de fiction écrites par des hommes, on l’imaginerait comme un être humain d’une extrême importance ; plurielle ; héroïque et mesquine ; merveilleuse et vile ; infiniment belle et laide à l’extrême ; à l’égal de l’homme, certains disent même supérieure. Et le dessin, pourquoi pas?
"son intelligence creuse sans jamais peser..."
à vous lire, cette aube paraît moins obtuse !
L'ironie piquante de Virginia Woolf est réjouissante comme
Jane Austen que je retrouve de temps en temps moins directe mais plus cruelle encore
"La grande gloire pour une femme, c'est qu'on ne parle pas d'elle" disait Périclès que cite Virginia
Virginia Woolf, ma prochaine lecture (et Jane Austen récemment).
Pour une femme de tête, les barreaux n'ont aucun sens, on ne les voit même pas - comme regarder un tableau sans voir son cadre.
J'adore tes "ce serait". Vraiment beaucoup.
Ce serait ...et ce fut ...pas facile !
Intéressant !!
Enregistrer un commentaire