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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

lundi, janvier 14, 2013

En cheminant, en rencontrant (depuis l'irrégulier)


Dans les rues de ma ville, je m'en va seule.
Dans les rues de ma ville, regarde le ciel, regarde mes pieds, prudente.
Dans les rues de ma ville, je croise des gens pressés, étrangers, que j'indiffère, qui m'indiffèrent.
Dans les rues de ma ville, rencontre de calmes présences, que je peux scruter, sans que soient gênées, sans que l'on me sache folle.

rue Saint Etienne, penché au premier étage de l'Hôtel du Laurens – c'est chez Monsieur Pierre-Joseph Cayranne, je crois, il me semble, notaire et greffier des cours du Palais Apostolique – un garçon avec son bonnet, je crois, ou une jeune femme sous un chapeau de chasse - une face un peu sotte, je crois, ou ironique, un peu, sans trop le montrer – l'indifférence affichée d'un valet ? Oui, plutôt, je pense...

et il est jeune, un peu insolent, un peu amoureux de sa maîtresse, jolie et pas encore trop mure, toute charmante, aimable et qui se fait gracieuse pour accueillir, qu'il regarde d'en haut – et tant pis si les ans et les intempéries l'ont moins respectée.

rue de la petite Fustrerie – c'est là qu'en mars 1587 le duc d'Epernon courut la bague avec des masques accoutrés de couleurs, mais ne le savent pas, sans doute, ou en ont peut-être entendu parler par leurs nourrices, les deux dames de l'Hôtel de Messieurs Pierre et Didier Monery, docteurs ès-droits – une femme intelligente et sans grand charme qui me regarde de tous ses yeux, joues un peu creusées par les veilles studieuses,

et la toute coquette idiote aux joues enfantines, aux yeux exorbités, qui a assorti les fleurs de ses cheveux aux lourdes guirlandes – mais ne me disent pas d'entrer, guettent pour que les manants importuns n'accèdent pas aux merveilles des temps anciens, aux toiles peintes de Pillement, aux peintures de Francesco Zucchareli, aux appartements restaurés il y a quelques années, à leurs occupants et au souvenir des entrepreneurs de messagerie et des Saint Priest d'Urgel

dans les rues de ma ville, étais paresseuse, ou pressée, ai suivi mon chemin, de nécessité en nécessité

n'ai pas levé les yeux vers les vierges de tous les coins de rue, ou presque, n'ai pas fait détour ou route vers Hercule, vers nobles seigneurs, vers plus jolies dames des Hôtels de riches négociants du dix-huitième, vers les boursouflés et dévitalisés du siècle dix-neuvième, juste salué, énormes, surplombants, portant balcon de toute leur tête penchée, parce que me sont familiers

parce qu'ils sont de forte structure, volontairement grotesques, sortis d'un conte pour clore une journée d'enfants sages, deux des matamores, pirates turcs ou de mer de Chine

parce que, aussi, ils m'ont introduite, au prix d'un petit détour, à la houle sculptée italienne - dessinée par Domenico Borboni, bolognais et gloire avignonnaise, ouvragée par Jean-André Borde... là, pardon, c'est une remontée scolaire de mon goût pour cette façade, ce goût qui veut que je traîne devant elle (et la porte de Saint Pierre, mais elle est hors sujet) tout imprudent qui se fie à moi pour découvrir la ville - médaillons, attributs, guirlandes, chutes de fleurs, cornes d'abondance, et ces mascarons, ces vieux de la mer ou des bois, ces sévères et tendres présences chenues, douloureuses ou sages, tourmentées et harmonieuses, et leur grasse sève qui m'est savoureuse.

revenir en guettant du coin de l'oeil l'ami, le satyre si merveilleusement bienveillant, ligoté par méfiance – l'est donc peut-être pas si bénévolent –, mais il s'en moque bien, il irradie d'une gaieté qui lui fripe les joues, s'amuse de ses rides, fait flamber les boucles de sa barbe et de sa toison mêlée de pampres, met sur sa face riselet de bonheur, lui, rencogné en retrait de ce qui fut la librairie du gentil Joseph Roumanille.

Reprise de ma participation, si bellement accueillie chez François Bonneau http://irregulier.blogspot.fr/2013/01/en-cheminant-en-rencontrant-vase.html, pour les vases communicants de janvier – étais en humeur révassou ce dimanche

12 commentaires:

tanette2 a dit…

Le dernier est beaucoup plus avenant que les 3 qui le précèdent...tu as fait belle collection et belle description pour chacune de tes rencontres.

Pierre R. Chantelois a dit…

Ce parcours initiatique nous fait connaître un aréopage sélecte qui marquerait de leur présence les belles fréquentations.

Anonyme a dit…

En restant chez soi toutes rencontres restent latentes
Gérard

Dominique Hasselmann a dit…

On ne se lasse pas de les revoir, ces figures hautes (et en couleurs)...

Julien Boutonnier a dit…

Merci pour ce regard donné à ceux qui nous regardent passer les seuils et cheminer sur les pavés, et que nous ne voyons plus, tout affairés par le jeu de nos propres pieds... Il y a sans doute un rapport secret entre les mascarons de nos vieux quartiers et nos empeignes.

Fardoise a dit…

Me souviens de cette promenade parmi les masques, nombreux, qui jalonnent la ville. Les belles dames, du haut, ne côtoient pas de beaux messieurs, ou si rarement, mais l'expressivité de ceux-ci valent bien toute beauté.

arlette a dit…

Grand plaisir de relire et retrouver ce "savant parcours"
Que de merveilles en relevant juste les yeux
Je garde dans mes archives

jeandler a dit…

" si merveilleusement bienveillant" que l'on oublie les fils qui ne le touchent pas.

Une magnifique itinerrance, avec des pas prudents certes - mais n'est-il pas en ce cas nécessaire de prendre son temps, de le faire durer, de l'étirer - tout en dévidant l'histoire comme l'on égrnait jadis, son chapelet, marquant chaque station d'une superbe image.

Michel Benoit a dit…

Où sont-elles, celles-ci ???
http://3.bp.blogspot.com/-l0XFPWSod3Y/UPLfWnnkh_I/AAAAAAABDdA/Y1LmT8Qi-zY/s1600/vase+janvier+9.jpg

Brigetoun a dit…

Crillon (jonction entre deux étages)

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Ah mais c'est bien sûr !
C'est celui que je n'ai pas encore photographié !
Merci Brigetoun.

JEA a dit…

Trenet :
- "Longtemps, longtemps, longtemps
Après que les poètes ont disparu
Leurs chansons courent encore dans les rues
Un jour, peut-être, bien après moi
Un jour on chantera
Cet air pour bercer un chagrin
Ou quelqu'heureux destin
Fera-t-il vivre un vieux mendiant
Ou dormir un enfant
Tournera-t-il au bord de l'eau
Au printemps sur un phono

Longtemps, longtemps, longtemps
Après que les poètes ont disparu
Leur âme légère et leurs chansons
Qui rendent gais, qui rendent tristes
Filles et garçons
Bourgeois, artistes
Ou vagabonds..."