Il y avait Brigetoun,
comme parfois, passant.
Il y avait des pigeons,
comme toujours, qui cheminaient à petits pas sans grand sens, qui
lui sont cousins.
Mais le premier, fier de
son élégante livrée, de la marqueterie de ses plumes, de sa
discrète originalité, n'a pas daigné poser, a poursuivi sa route
tenace, l'oeil soigneusement éteint et dédaigneux.
Le suivant, sobrement vêtu
de gris doux, coiffé de sombre, avec les brillances vertes d'un
collier, a hésité
s'est arrêté, a
réfléchi....
a fait un petit tour de
bac, comme un penseur en son jardin de méditation... se cherchait un rôle, ne trouvait pas...
et puis finalement s'en
est allé, sans hausser les épaules puisqu'il ne le pouvait pas.
Il y avait aussi, comme
tous les jours, à nouveau, des paquets de touristes
et des voyages scolaires
(cette surprise, en passant à travers leurs groupes, parmi eux,
d'entendre voix qui chantent, sans l'accent de notre sud, mais sans
notre langue non plus, eux qui semblent tellement familiers)
Et puis il y avait, comme
toujours Molière, qui est sorti de sa rêverie pour se moquer un peu
de moi et de ce sac où, avec des navets, des yaourts et des toasts à
l'ail, il y avait le dernier numéro d'Europe, consacré à Walter
Benjamin
- morbleu, quelle ambition pour une qui n'est plus capable de lire !
Et qui, navrée, enfin
presque, dit n'importe quoi.
12 commentaires:
Je vous jure que je les ai entendu roucouler.
S'il vous plait, enlevez la dernière phrase (voire les deux dernières phrases), c'est trop dommage pour votre texte dans lequel je vous vois, vous, Avignon qui renait, et la perspective de lire Benjamin, pour résumer tout Benjamin est là, la sensation de la ville, de sa beauté et de ses "ombres" et l'intelligence.
Anne K
Pigeons et touristes, Molière et Benjamin : le décor est planté.
Nous faire entendre qu'un pigeon réfléchit... Alors là, c'est très fort! Je l'ai vue, l'intériorité de ce pigeon, je l'ai mesuré grâce à vous. Merci. Mon rapport aux pigeons s'en trouve chamboulé.
Bonne journée.
En même qu'Avignon, je sens en filigrane de vos mots bien sentis, une certaine renaissance comme si vos joues reprenaient les couleurs du jour. L'hiver aura été long et difficile. Et notre ami le pigeon sous ses airs d'indépendance nous distrait si bien et nous éloigne de tous nos petits soucis...
Me sens soeur de ces pigeons qui ne savent pas trop où ils marchent...Ce billet me ravit!
" et puis finalement s'en est allé, sans hausser les épaules puisqu'il ne le pouvait pas."
J'adore cette phrase : j'y lis bienveillance, métaphysique et drôlerie tout à la fois. La plus belle phrase sur les pigeons jamais lue. Merci.
Certainement pas n'importe quoi cette chronique !
Elle offre un bon bol d'air du temps avignonnais.
Egale à toi -même en toute circonstance et Molière toujours en pensée "grelée"d'impuissance devant le pauvre monde
êtes trop brillants tous, moi suis soeur des pigeons, même crâne, même petits pas maintenant, même entêtement sans grand but.
et puis maintenant je n'ai plus à lutter contre eux et les dégâts de leurs fiente sur les immeubles dont j'étais responsable
J'ai beaucoup aimé comme Mafalda :
" et puis finalement s'en est allé, sans hausser les épaules puisqu'il ne le pouvait pas."
ainsi que
"a fait un petit tour de bac, comme un penseur en son jardin de méditation... se cherchait un rôle, ne trouvait pas..."
des images comme toi seule peut en trouver...Superbes !
la marqueterie de ses plumes....poète que tu es.
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