Ciel infiniment doux vu
par yeux qui s'ouvraient, avec petit nuage blanc ourlé de jaune rosé
dans un coin... peut-être illusion, parce que, quand suis sortie
après m'être attardée sur internet en doux plaisir, avoir, avec
lenteur si détachée que presque languide, décrassé linge et
carcasse, le ciel était brouillé, blanc transparent, avec grumeaux
et bleu deviné.
Suis montée vers la place
(cigares, sans conviction, par crainte du manque), dans une tiédeur
attendue et absente (petit vent gai mais un peu aigre, le veston de
laine mélangée, le chandail de laine si fine que réduite à une
presque inexistence, étaient nettement insuffisants) – ai croisé
l'amusement de deux garçons cambalés en curieux véhicule..
ai retrouvé les flâneurs,
en kawés, petite laine, mais nonchalance dominicale, les bijoux, les
peintres,
de grandes zones bleu
évanescent, comme des souvenirs du ciel de la veille...
suis rentrée dans
l'antre,
ai poussé (attention,
métaphore boiteuse, usée, mais pardon, j'avais des portes dont ne
savais que faire, reste d'une matinée de collecte rue Saint Etienne
et au début de la mienne, et l'envie de parler de ce site) chez
Publie.net http://publie-net.com,
la porte de nerval.fr (le principe de cette revue en ligne :
http://publie-net.com/espace-pro/web-edition/-
abonnement 15 euros), m'y suis promenée, gardant à la fin mon
appétit presque intact puisque, irrésistiblement, ai été attirée
par relectures, retrouvailles, alors que le menu déjà abondant est
bien fait pour titiller ma curiosité (en fait j'ai commencé à en
lire plus, mais c'est déjà très long mon billet, ai déjà risque
de tuer votre envie, y reviendrai)
Ai poussé la porte et
ailleurs
ai
retrouvé dans le blanc de Berit Ellingsen, dont j'avais gardé
merveilleux souvenir, prose poétique, comme le dit le site, adressée
à tu, ce doctorant pris dans la tempête et la nuit du pôle
Pendant que tu dors, on
prélève tes rêves comme l’eau fossile, et tes cheveux en
désordre et ta respiration gelée....
et ce
monde étrange où cela le mêne
Tu perçois un monde
blanc, un peu comme le tien, mais plus vaste, plus lourd. Tu aperçois
une rive verglacée, et des masses de glace solide dans le blanc. La
glace s’est solidifiée selon des cascades plongeantes, des vagues
déferlantes, et des éboulis de banquise s’écroulant les uns sur
les autres. Dans le ciel, deux disques pâles veillent sur ce monde
sans ciller. La glace atteint le cœur de la planète. Ici sommeille
un autre océan, de métal liquide agitant lentement des vagues
languides.
…..
suis
restée dans et ailleurs, ai ouvert il y a quelqu'un de
Anh Mat, me suis retrouvée au Vietnam, ai suivi l'être qui y
avançait, perdu dans l'étrange, ratiocineur, poursuivi par l'idée
de la mort d'un chien
Alors qu’il me
regarde en penchant la tête comme attendant un geste de ma part, ma
fièvre à son paroxysme réveille d’un coup de sang ce volcan
nerveux qui sommeillait en moi jusque-là. Je me mets à lui cracher
dessus la lave de ma colère en le rouant de coups du thorax à la
queue.,
et son absence de remords
revendiquée, proclamée pour se défendre de
Je donnerais tout pour
être la statue plantée au beau milieu de cette fontaine que les
passants remarquent tout juste du coin de l’œil et sur laquelle
ils ne s’arrêtent pas, tant sa solitude de pierre est
insignifiante à leurs yeux. Dieu que j’aimerais, moi aussi, être
en pierre ! S’ils me regardent de la sorte, qu’ils chuchotent
entre eux la main sur les lèvres pour ne pas me montrer du doigt,
c’est que ma présence de chair et d’os va jusqu’à les
imprégner de crainte, de suspicion, de dégoût, de pitié,
d’antipathie !
L'ai
laissé, ai secoué le malaise contagieux qui m'était venu, ai
rouvert (pour le souvenir d'une lecture il y a quelques jours, qui
m'avait tant retenue en lent parcours que cela a entraîné une
vingtaine de petites sentences brigetouniennes, liste abandonnée
parce que le voisinage est un peu écrasant, et même si cela
affichait sa différence, en petite chanson en mineur, n'oserais
jamais proposer quelque chose à nerval..) les très beaux 4 X 40
aphorismes d'Abdelmajid Benjelloun – une présentation qui
m'avait préparée à une attention admirative, qui est restée
intacte
Nous existons à un
millimètre de distance de l’éternité, qui est un silence
inversé.
Du pain froid que l’on
mange, ma mère dit qu’on le libère.
Le monde entier vient
au ruisseau oublier son immensité quotidienne.
Dans le meilleur des
cas, mes mots prennent vent.
Il est des êtres qui
ne parviennent jamais à l’ailleurs que par le cri.
Picorage
forcément dérisoirement frustrant.
Ai
changé de zone, ouvert narrations non-fictions
salué
140 tunnels de Dominique Hasselmann avec plaisir (si vous
l'avez manqué, je vous le recommande – l'un des textes repris de
la collection d'ultra-brefs) ai filé un peu à travers leur
diversité
Tunnel des songes
perdus au hasard du blizzard, du bazar des cauchemars et du balbuzard
envolé, pas loin de la place de la République
Tunnel des choix
économiques avec un chef d’orchestre où les musiciens jouent
faux, la partition à l’envers sur les pupitres métalliques.
Tunnel de l’autoroute
A7 par grand mistral, force 750, en moto on roule soudain penché
d’un côté, pareil aux arbres mais sans racines.
Tunnel de la peau, son
grain (parfois de beauté), son revêtement lisse, humide, les
dérapages contrôlés, sa bande d’arrêt d’urgence.
et le
très beau place de la chambre de Michaël Gluck
(autobiographie au filtre de l'écriture) que j'ai cité, lors d'une
visite précédente, le 18 avril
http://brigetoun.blogspot.fr/2013/04/voeux-pour-publienet.html
et
puis bien sûr, suis entrée chez Daniel Bourrion, pour né
mort («mémoire
de ceux qui ne sont plus, prégnance de la terre et des paysages de
Lorraine, ce qui a traversé là des guerres. Une prose constamment
aiguisée par le rythme et la densité propre à la poésie..»
reprise par plein accord de la présentation) parce que ne peux
m'empêcher d'aller voir ce qu'il écrit (et en suis rarement presque
déçue)
Je suis né mort, je
suis né mort d’une mort avant, je ne suis jamais né, je me suis
juste glissé dans une vie vacante sans que personne ne me remarque,
sans que personne ne m’en empêche, à croire que tout le monde
attendait ça, que je vienne là, que j’entre dans cette vie-là
qui n’est même pas ma vie à moi...
…
Ce mort que je suis
n’est pas tout seul, heureusement pour lui qui n’aurait sans cela
que sa seule absence à conter, il va partout accompagné de ses
morts, ses morts à lui qu’il a vu passer devant lui, ses morts de
poche, ses morts accrochés dans sa tête et qui sont coquillages
d’un nacre tellement noir qu’on ne peut y voir rien qui vaille
et tant pis
c'est déjà trop, je devrais arrêter, vais juste mentionner, avec
le jubilatoire mais pas que Arthur Maçon de
Joachim Séné, déjà cité le 18 avril
Au cours de son exil,
Arthur Maçon vit le dernier mammouth. Celui-ci se déplaçait à
lents cahots de droite et de gauche, encombré par son pelage long,
épais, croûté et graisseux, laissant dans la neige de profondes
traînées maladroites. Arthur Maçon le vit de suffisamment loin
pour ne pas pouvoir attester sous serment qu’il vit bel et bien le
dernier mammouth. C’était même de très loin, il y avait du
blizzard, Arthur Maçon était emmitouflé de peaux et de lainages,
c’était peut-être aussi bien un ours, ou le yéti, ou une grosse
pierre, ou une punaise ou un point.
juste
mentionner donc, plus long et d'ailleurs logé dans fictions
complètes, un
texte que j'ai aimé suivre au fil de son écriture, ligne
1044 de
Christine Jeanney, dont elle dit Il
faudrait que ça puisse se lire comme une rêverie distante, les yeux
à peine ouverts. Les lettres apparaîtraient disparaîtraient en
surimpression d’images de paysages qui défilent. Chaque
fragment/paragraphe vibrerait, soumis aux secousses du train, avec en
continu le bruit des rails, et des formes fuyantes étirées par la
vitesse dit-elle
et c'est exactement ça.
Quelques
bribes, au hasard
une forêt, de temps en
temps des blocs blancs et énormes, l’un debout, comme une dent
géante ; les arbres avec leurs dissemblances, des arbres individus,
certains ronds enfantins, d’autres aux bras décharnés, tendus,
tordus, sortent du lot, leur sécheresse isolée raye le vert ; une
buse figée en haut d’un arbre mort ; elle ignore les grincements
du train, que sommes-nous pour elle, un serpent bruyant et massif,
inutile, au milieu d’autres détails sans fondement, paramètres
périphériques...
...
des caravanes, deux,
entre deux ifs et un grillage ; un bâtiment neuf pour la plonge, une
parabole, des serviettes étalées sur l’auvent et des tongs...
…
on se sent lever la
tête d’une force irrépressible, devant, avoir besoin d’un point
d’appui, signe, trou de lumière, une couleur grosse de mouvements
et de formes, on se demande pourquoi toujours un personnage s’agite
qu’on ne peut s’en détourner,...
…
une femme, une
poussette double, un chien en laisse, supposer qu’elle est
permanente, qu’elle passe à cet endroit régulièrement, allant,
venant, on pourrait la saluer si on habitait là, la connaître,
échanger avec elle sur le temps, les visites de la famille, Bordeaux
c’est beau, le prénom du petit, l’usine qui a fermé, la
fatigue...
Bon,
on dira que je n'ai pas fait grand chose.
9 commentaires:
Ouverture de toutes ces portes... (et merci pour mention des "140 tunnels").
Bonne lecture ...
"cambaler ' il y a longtemps que ce mot n'a pas été évoqué , quand on se faisait cambaler sur le porte bagage d'un vélo chancelant dans les rues de Bandol au grand dam des passants !!
"Cambalés" !
Je ne connaissais pas ce verbe, pourtant donné du midi de la France... ce doit être le sud-ouest... ?
Car ici, nous disions "trinqués"...
:D)
Belle collection de portes. Cela suppose un lourd trousseau de clés pour les pousser toutes. Aussi bien des merveilles derrière...
Michel Avignon c'est le nord pour nous autres mocos
Un auteur du Québec, Serge Bouchard, écrivait : « Il est des portes ouvertes qui sont infranchissables tant elles sont bien fermées. J'ai, pour ma part, vu très souvent des portes fermées qui étaient des ouvertures plus qu'invitantes ». Il suffit de se promener ici pour comprendre à quel point cette citation prend toute sa force.
Cambaler est issu du Provencal Cambaloun Pièce de bois pour porter les sceaux d'où emporter embarquer
(Voir le " Parler Marseillais " )
Je viens juste d'en connaître l'origine exacte
Mais pas du tout du Sud -ouest !! Michel
Merci Arlette, je n'avais pas lu alors le commentaire précédent dans lequel tu citais Bandol...
Mais je trinque quand même...
à ta santé !
On ne navigue pas que sur l'océan, mais très souvent dans les rues avignonnaises et sur ce blog.
Cordialement
Enregistrer un commentaire