Savoir tout ce qui est là
disponible, savoir aussi que je lasse avec mon truc, ma pérégrination
ou non pérégrination dans le festival
se demander s'il est bien
utile de rajouter une heure environ ou plus à en tenir petite
chronique insuffisante sur Paumée
se sentir si seule, perdue
là dedans, parfois, mais c'est là
et pour Paumée, se
souvenir que cette chronique est pour moi surtout, alors avancer,
petit, petit, juste noter comme des petites pierres, et là, ce
vendredi matin, pendant que mes cheveux sèchent, que mes jambes
frictionnées passent du violet au rose, que lentement la plomberie
intérieure se remet en marche,
se souvenir de la pluie de
feuilles lumineuses dans la chapelle des Pénitents blancs et de la
jubilation spirituelle en suivant Nicolas Truong dans le Projet
Luciole et de la présence, la voix, l'esprit de Nicolas Bouchaud
se souvenir de la nuit de
Boulbon, de la chèvre, de la haute et frêle et courbée et
touchante silhouette de Mathieu Montanier (merci Arnaud Maïsetti
pour son nom), des deux couples entre lesquels j'étais assise et de
la communion, de un somnambule qui glisse le long d'une corde à
linge mais jamais ne tombe et jamais ne reste debout.. il glisse sans
cesse et son périple est sans fin, de
C'est étrange ce que je suis devenu, je me surprends en
train de mourir, des cordes
autour du cou du gardien, des silhouettes cornues, du disque qui
roule, de les gens meurent par fatigue, par habitude c'est
tout mais aussi de la danse et
de savon de Marseille, ora pro nobis – les cuisses de
Monique, ora pro nobis
se
souvenir des silhouettes de Cécile Portier et Juliette Mezenc, se
souvenir de la fragilité, du courage, de l'intelligence, du charme
et de la force
se
souvenir de Germinal et du rire qui monte, libre, joyeux, sans
aigreur
se
souvenir des moments où le soleil se fait tendre sur la peau
se
souvenir de la beauté de l'ombre pétrie de lumière
se souvenir de la
silhouette mince de Faustin Linyekula et de l'énergie de ses
danseurs dans la nuit de Mes Célestins
se souvenir des sujets à
vif et de Perlaborer
oublier le public de ce
soir là dans la cour, ou d'une partie, se souvenir de ce moment où
Jane Balibar nous a perdus dans le dernier monologue mais aussi des
corps lançant les mots, de Handke, de Hans/Nordey Ne détourne
pas vers le rêve les chères, les bonnes choses durables,
montre-les-nous en plein jour, mets-les en plein soleil aussi proches
que lointaines et rends-nous parfois libres pour l'arbre, «arbre»,
le fleuve, «fleuve», pour la plaine d'un vert bienfaisant, pour le
dos des montagnes, étincelant siège des dieux, pour les nuages
comme avions du matin, pour la fleur comme calice-refuge. Laisse-nous
ce soir être ceux que nous sommes – les hommes d'un temps
originel, la lune derrière les branchages, les coquilles d'escargots
dans la glaise... et de la
gardienne du chantier
se
souvenir des retours dans la nuit et dans la ville qui résiste
encore avec langueur à l'assoupissement
se
souvenir de sourires, de gestes fraternels dans la foule, des enfants
se
souvenir de la pluie aux Carmes, des comédiens jouant, de leur façon
de créer leur monde et nous inviter dans leur village, de la troupe
de Jan Lauwers
ne
se souvenir que de l'envie de voir les hommes de Christian Rizzo,
accepter l'abandon, rêver d'avoir vu «d'après une histoire vraie»
et se réjouir de ce qui semble un succès
se
souvenir de la musique de Jodlowsky à Saint Martial
se
souvenir du courage fatigué et souriant des acteurs-tracteurs et
d'avoir croisé un clown harassé dans une rue noire
se
souvenir des jardins, des matins avec l'Afrique entre fontaine et
souriante façade à Mons, des platanes bien-aimés de Calvet et de
Dieudonné Niangouna, André Wilms, d'autres, des jambes allongées
sous le cèdre du théâtre des Halles
se
souvenir de la miraculeuse et très brève vie des roses et des pieds
nus dans la cour au petit matin
se
souvenir, un peu moins, d'autres spectacles, lectures, expositions,
savoir que c'est peut-être parmi ce magma que se cache ce matin ce
qui sera le plus important pour moi
se
souvenir de la gentillesse des lecteurs qui m'ont portée, et leur
rendre grâce
arrêter,
faire la cuisine, coiffer cheveux presque secs
et
voilà que je me demande si je garde cela (et tant pis, le fais)
parce que :
émerger
d'une longue sieste pour partir dans l'air lourd d'une promesse
d'orage (qui s'est dissipée comme par miracle dans le cours de
l'après-midi)
partir,
par les petites rues, petit arrêt rêveur devant le libraire
d'ancien, et faire grimace ironique en réponse à une question (à
moins que ce ne soit une constatation, peut-être dépitée)
arriver
au Centre Européen de Poésie (me demande pourquoi je n'y passe
jamais, timidité je crois) pour la seconde des conférences de
Daniel Maximin Aimé Césaire, frère volcan
attendre
en regardant une petite exposition d'objets et d'art africain, des
photos d'acteurs de Christian Roger (prises avec une lampe de poche
dans le noir qui suit immédiatement le spectacle) et puis avec une
très sympathique conteuse guadeloupéenne, amie de Maximin, qui fait
partie de l'équipe de la Chapelle du Verbe incarné (aller l'écouter
lundi si je me réveille assez tôt)
rencontre
brève avec Maximin et installation (nous étions douze) dans une
petite salle spartiate mais dont j'aime les très hauts bancs de bois
(et
s'il est d'une courtoisie charmante, mon appareil photo n'a pu le
saisir), deux heures assez passionnantes sur la négritude qui est
universalisme et tout sauf un racisme, une intervention qui charriait
des retours à Césaire, sa jeunesse, le Cahier du retour au pays
natal bien entendu
qu'il suffit que nous
nous mettions au pas du monde, mais l'oeuvre de l'homme vient
seulement de commencer, et il reste à l'homme à conquérir toute
interdiction immobilisée aux coins de sa ferveur
et aucune race ne
possède le monopole de la beauté, de l'intelligence, de la force,
et il est place pour tous au rendez-vous de la conquête et nous
savons maintenant que le soleil tourne autour de notre terre
éclairant la parcelle qu'a fixée notre volonté seule et que toute
étoile chute du ciel en terre à notre commandement sans limite
à la
revue éditée pendant la guerre par lui, par Senghors, Suzane
Cézaire, d'autres encore et Léon Gontran Damas
car
le rire est nègre
car
la joie est nègre
car
la paix est nègre
car
la vie est nègre
passer
par la révolution, l'arrivée de Napoléon et la régression, la
Guadeloupe écrasée, mais Haïti... (et les soldats envoyés à
Haïti, hongrois et polonais devenus haïtiens), arriver à Jacques
Roumain
Sur
les rails du Congo-Océan
mais
je sais
des
suaires de silence aux branches des cyprès
des
pétales de noirs caillots aux ronces
de
ce bois où lynché mon frère de Géorgie
et
berger d'Abyssinie
les
haïtiens et autres, présents dans la guerre d'Espagne, parce que
nègre veut dire homme, (et avec eux Wilfredo Lam... sourire de
Brigetoun en entendant le nom de ce peintre qu'elle aime et dont on
ne parle plus guère)
apprendre
aux maîtres d'esclaves qui nient leur propre humanité à redevenir
homme....
revenir à la Guadeloupe, faire un détour par la Nouvelle Calédonie, et l'Algérie de Fanon..
Nous
étions si bien que, pour laisser la place à un spectacle, nous nous
sommes retirés, un temps, dans la cour baptisée jardin (et quand
suis partie, tentant une photo, freinée par petite honte, Maximin
bien entendu a de nouveau disparu)
La
directrice du Centre a eu l'intelligence de poser sur la table un
livre édité par la réunion des musées nationaux à l'occasion
d'une exposition de Lam au Grand-Palais, sous la direction de Daniel
Maximin Césaire & Lam insolites bâtisseurs et je n'ai pu
résister à la tentation de me l'offrir (un dialogue entre les
Cahiers et la Jungle de Lam – des textes dédiés à Lam ou à
propos de lui par Pierre Loeb, et Breton, bien sûr, Aimé et Suzanne
Césaire, Benjamin Péret, Pierre Mabille etc...)
et
une série de poèmes écrits par Césaire sur des eaux-fortes de Lam
comme sur nouvelle bonté de 1969 un poème de Moi
laminaire (1982)
… des
oiseaux vampires tout bec allumé
se
jouant des apparences
mais
aussi des seins qui allaitent les rivières
et
les calebasses douces au ceux des mains d'offrande
retour
sous ciel bleu, à petits nuages doux,
suis
passée à l'opéra, j'ai essayé d'avoir une place pour le spectacle
de Pippo Delbono, n'ai pas pu,
suis
rentrée arroser, faire cuisine, pondre ce billet ridiculement long,
voir que la nuit est là, entrer dedans tout doux avec des poètes
se
préparer à une nouvelle salve de spectacles, ne pas oublier que
dois en émerger aussi fraîche que possible, prête, pour la fête
familiale à Sancerre.
10 commentaires:
D'abord une rétrospective thématique fort bien structurée qui résume assez bien les sentiers des arts parcourus. Pui8s cet hommage à l'art nègre que n'auraient pas renié Senghor et Césaire. J'ose le croire.
Oui, déjà la cohorte des souvenirs engrangés, qui prolongent vos instants de ravissement...
J'avais vu à Paris cette expo de Wifredo Lam (au musée Rodin, je crois), je n'ai donc pas tout manqué !
ah bonjour chère Brigitte, que c'est magnifique ta présentation-l'art pendant que tu attende les rues de festival ah ici dans les rues de festival mon préfèré c'était lhomme du piano roulant comme tu as photographié alors tu devrais aimer ca aussi.
et les lignes de pièces ca entre dans les veines du festival dans ton journal.
cet été je fais un peu de poésie dans ma ville mais c'est un microphone ouvert et actuellement c'est basé en l'afrique et je pense a ca quand je lis le theme sur les negres. mais c'est étrange Brigitte la force de la cause diminue en notre pays multiculturelle.
merci c'est magnifique!!!!! je retourne au festival de OFF ici!
belle journée magique.
Et si vous ne lassiez pas?
Merci pour tous ces billets qui font souffler un air d'Avignon à ceux qui n'y sont pas...
et surtout, vous ne lassez pas! nous attendons vos billets avec impatience. une anonyme timide et nulle en informatique, mais qui vous suit acec passion
Merci pour la rue déserte et sans affiches qui me répond !
Et, pour quelques hommes bleus aussi...
:D)
Te sentir seule ? Ah!! j'aime ce paradoxe souvent éprouvé devant tant de sollicitations
Ton charme de conteuse est enchanteur
Merci de votre chronique que j'apprécie beaucoup.
Retour de festival pour nous, hier, après une semaine très riche.
Dans le Off quelques très bons spectacles: "la Palatine", "les liaisons dangereuses", mention particulière à "Docteur Glas" qui nous emmène dans la Suède puritaine avec d'excellents comédiens et surtout l'extraordinaire "Mouette", mise en scène par Hélène Zidi-Chéruy, qui rejoue cette année après le très grand succès de l'an dernier où elle avait été mise en valeur par la comparaison avec la triste mouette du Palais des Papes.
Le hasard ne nous a pas fait nous rencontrer dans les rues d'Avignon. Dommage.
Bonne continuation dans cette épuisante canicule.
Intéressant les photos d'acteurs de Christian Roger
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