Réveil éternuant – n'a
pas duré – tête et bras et épaules, et puis le reste aussi,
lourds - sortir avec tartine dans la cour, vérifier état du ciel
faire le tour des peut
être promesses, admirer le vert qui revient vivre sur le bambou –
faire un tas repassage (petit mais qui restera intact) passer
chiffon, aspirateur, fauber, constater que ce n'est guère reposant,
faire, mal, une vitre, en rester là, savourer petit tour twitter
arriver à enfiler talons
dans le bas du pantalon (le reste plus facile)
et partir dans le calme du
quartier vers Saint Agricol ma voisine, pour un concert programmé en
liaison avec le festival sous le signe de – Michael Levinas, le
compositeur trouvère, une certaine vision de la composition
compositeur que j'aime, choisi
pour avoir écrit un opéra la métamorphose d'après
Kafka, mis en scène par Nordey
s'installer
seule, à droite de la nef peu remplie (concert presque intime)
écouter
l'organiste Thomas Lacôte, petit, frêle, jeune, convaincant
(titulaire du grand orgue de la Trinité à Paris, élève, entre
autres de Lévinas, assistant de la classe d'analyse de Lévinas au
CNSM de Paris) nous expliquer le choix du programme qui, déception
fugitive, ne comprend qu'une pièce de Lévinas, mais aussi
Bach
(prélude et fugue en ut mineur BWV 546) parce que le maître et pour
la polyphonie chère à Lévinas
César
Franck (troisième choral en la mineur) parce que Lévinas a
enregistré son quintet et insiste sur son importance
Messian
(deux extraits de la nativité du Seigneur – les bergers, les
enfants de Dieu) parce qu'Avignon, parce qu'ils sont dans un esprit
19ème en accord avec l'âge de l'orgue
Giacomo
Scelsi (in nomine lucia) parce qu'il improvisait, parce que sa
musique est méditative, aléatoire, fait découvrir des possibilités
inconnues de l'orgue, «des fantômes» qui ont inspiré Lévinas –
et de fait c'était très beau (même si quand le son a enflé vers
la fin j'ai piqué du nez – il semble que ce mardi le bruit me
faisait cet effet)
et
puis, non plus pour l'orgue mais pour trois cornistes la création de
la version pour 3 cors des spirales d'oiseaux de Lévinas pour 3
euphoniums – et n'ai pas le temps de détailler, juste dire que
j'étais heureuse
une
belle improvisation de Lacôte pour finir
et un
retour dans le calme de la rue de la petite Fustrerie, hors des
circuits
avec
ce salut à moi destiné à ma porte.
Cuisine,
déjeuner, sieste bien résolue,
Repartie
vers cinq heures
obligée
d'emprunter les chemins migratoires des touristes et flâneurs (plus
brutaux que les coureurs vers spectacles) parce que devais passer à
la pharmacie,
franchir
le bouchon place de l'horloge et de la rue Rouge, et puis avancée ponctuée
de rencontres, en compagnie d'affiches
plaisir
de retrouver le Lycée Saint Joseph, puisque j'avais renoncé au
spectacle dans la grande cour dimanche
attente
dans la fraîcheur peuplée du hall
et ma
place au premier rang dans le jardin de la vierge, pour le programme
B des sujets à vif
avec
pour débuter Garden Party conçu et mis en scène par Ambre
Kahan, joué par Karine Piveteau et Duncan Evennou
lui,
fond gauche, grand, très, beau, gilet vert et slim noir pisseux tête
coincée dans un arbre auquel est accroché un ballon en forme de
coeur rouge – la dite tête se révélant par la suite coiffée
d'une crête noire comme la barbe et ornée de paillettes sur les
sourcils et les dents
elle
allongée au premier plan cheveux décolorés et dépermanentés,
yeux très maquillés de vert et violet, un nez de Cyrano blanc sur
sa belle peau dorée, une robe de princesse en détresse, tulle
vaguement doré fané et déchiré sur fonds de robe rouge passé
deux
micros pendus à des potences, déformant les voix
approches,
timidité, elle prenant devant, lui effarouché... et puis ça
continue, de beaux textes par moment, plus ou moins audibles, de la
danse, un peu
Ce sont des chemins
dallés. Des trous. Avec des ronces. Et des panoramas sublimes. Une
vierge. Ce sont de fortes chaleurs. De la poussière. Et beaucoup de
moustiques. Une traversée du désert ? C'est venteux. Pour sûr...
Une véritable tempête. Qui croque entre les dents. Bref. Ça laisse
un drôle de goût. Ou alors une marche forcée. On l'appellera comme
ça. À rythme d'enfer. Mais on aime. On en redemande. On veut
poursuivre la course. Qu'ils s'aiment. Et qu'ils pleurent. Et qu'ils
crient. Et on s'enlace. On chantonne un peu. On a même un ventilo.
C'est vendeur. Comme un jardin d'enfant. C'est un peu la boum. On
dira la boum théâtrale. Allez oui. On dira ça. Du slow dégoulinant
avec acteurs sales. Disait le programme. Les petites vieilles
plus jeunes que moi du second rang n'ont pas aimé... ai pensé oui,
aime assez, pas davantage
et puis le second, un pur
régal, Perlaborer, conçu
et joué/dansé par Pauline Simon et Vincent Dissez, une petite
merveille d'intelligence, de virtuosité sympathique
La perlaboration, dans
le domaine psychanalitique, est le travail qui consiste à répéter,
au cours d'une analyse, les mêmes scènes encore et encore jusqu'à
ce que le refoulement soit mis en échec et que s'élabore une
connaissance consciente de l'histoire du symptôme, permettant de le
supprimer. Mais PERLABORER, c'est un verbe d'action pour notre sujet,
en un son arBOREscent, presque BORÉAL. .. sur
le programme distribué et sur celui du site du festival Nous
nous sommes rendus disponibles à un espace vierge comme un jardin, à
cette rencontre, au dérangement occasionné, à cette phrase d'André
Breton : “Aujourd'hui encore, je n'attends rien que de ma seule
disponibilité, que de cette soif d'errer à la rencontre de tout,
dont je m'assure qu'elle me maintient en communication mystérieuse
avec les autres êtres disponibles...”
ce qui
donne en fait une danse virtuose, et spirituelle, et, entre autres,
un texte dit par Vincent Dissez (écrit aussi sans doute) qui raconte
l'histoire d'Hamlet en partant du jeune homme mélancolique pour
arriver après la révélation du père
à ce jeune homme mélancolique... une répétition je ne sais
combien de fois des mêmes éléments, de la même histoire, dans des
formulations différentes, en boucle, et c'est irrésistible (sans
facilité) suivie d'un dialogue cherchant comment faire disparaître
du plateau, à la fin du spectacle, un corps mort, comment faire
bouger la mort.
Et les
applaudissements ont été accompagnés, à mon grand ou petit
désarroi de grosses gouttes de pluie s'écrasant sur mes genoux et
le plateau
Retour
dans cette pluie molle, en maudissant le ciel qui pourtant semblait
se lever un peu, et ne se décidait pas aux cataractes
et un
moment d'espoir au dessus des remparts.
Chargé
photos, ruminant la soirée de la veille, me demandant que faire en
cas d'annulation, ne pas arroser, faire cuisine, faire petit tour sur
internet, rependre la robe sortie, décider de garder pantalon du
jour, avec un polo blanc propre, et de prendre parapluie et
imperméable... tourner en rond, hésiter, rependre imper, le
reprendre.. et , en oubliant mon cher vieil appareil, en marchant
très vite parce qu'en retard sous un ciel où ne subsistaient plus
que des traînées de nuage, en croisant des robes décolletées... partir vers le cloître des Célestins.
Eu une
place au premier rang, de côté, contrairement à tout espoir – et
le nouvel appareil capricieux me donnait des images fantomatiques –
calmé mon piapia avec de sympathiques voisines, et me suis préparée
à entrer dans le spectacle, parce que pour moi le cloître des
Célestins est Le lieu du festival, parce que c'était Faustin
Linyekula et que j'avais gardé bon souvenir (ou plus) de Dinozord
et surtout de pour en finir avec Bérénice il y a trois
ans, parce que j'avais été attirée par la présentation de Drums
and digging, le spectacle de cette année, sur le site du
festival
(photo
Christophe Raynaud de Lage, comme la suivante)
Que raconter encore
après six années de création en République Démocratique du Congo
? Comment ne pas ressasser les mêmes histoires, les mêmes révoltes,
les mêmes espoirs déçus ? Comment continuer d'avancer, de rêver,
malgré tout ? Désireux de répondre à ces questions, Faustin
Linyekula est retourné dans le village de son enfance, à Obilo, sur
les traces de ses premiers souvenirs de danse. Un voyage pour lequel
il s'est entouré de complices : des artistes comme lui congolais, au
passé commun mais aux itinéraires différents. Ensuite, ils ont
visité Gdabolite, petite ville transformée en épicentre du Zaïre
par le maréchal Mobutu. L'une des artistes, Véronique Aka Kwadeba,
appartient à la famille du président défunt, à la noblesse déchue
qui se rendait, chaque année, dans cette cité perdue en pleine
nature équatoriale. Après avoir traversé en file indienne les
forêts, croisé les fantômes des victimes de la guerre civile et du
conflit rwandais, exhumé leurs souvenirs et leurs aspirations
d'enfants, les interprètes de Drums and Digging forment un cercle
pour partager avec nous ce qu'ils ont ressenti, capté durant ces
mois de création. Un cercle pour composer un récit, pour que la
mémoire et la parole circulent. Pour donner une idée, aussi, de ce
qui peut advenir dans la cour des Studios Kabako, le lieu de travail
de Faustin Linyekula à Kisangani. Un théâtre à ciel ouvert où
vit une famille et pousse un grand manguier, un lieu au sein duquel
mûrissent les rêves du chorégraphe et ceux des nombreux artistes
invités...
Et, pour moi, pour le
reste du public semble-t-il la magie de cette tentative d'invention
d'un rite a marché.... ce mélange de danse africaine et de danse
contemporaine internationale, les généalogies, les récits qui se
déroulent pendant que d'autres dansent, les tambours, ces chants,
les voix qui semblent intemporelles, l'idée de la forêt, le cercle
sautant, tapant du pied, les seins secoués, et ces danses
parfaitement maîtrisées de membres de grandes compagnies de danse
internationales, la construction, en marge des danses, chants,
récits, etc..., par Faustin Linyekula d'une cabane pour refuge du
groupe mais à partir de bois façonnés, comme un kit, avec les
hésitations que nous aurions pour monter une cabane de jardin ou un
meuble,
l'arrivée, un peu avant
le texte de renoncement final, des danseuses, actrices, danseurs et
acteurs, dans de superbes tenues de sapeurs au goût passéiste (une
belle queue de pie) ou de robes à falbalas imprimées comme de
superbes rideaux, dont ils se dépouillent, les entassant dans le
squelette de cabane terminé.
Retour, bien emmitouflée
dans mon imperméable contre le froid de l'air dénué de pluie.
11 commentaires:
Un beau voyage au cœur des mots : rue de la petite Fustrerie, jardin de la vierge, la perlaboration, le cloître des Célestins, Gdabolite, petite ville transformée en épicentre. Avec accompagnement en images et petite pluie fine. Ainsi vont les arts à Avignon.
Quelle journée ! Mais vous faites TOUT le Festival, Madame ?
oh que non Dominique - presque un tiers du in mais pas tout à fait, et un seul truc pour le moment dans les plus de mille spectacles du off - pas de conférence, pas d'expo, pas de lecture - bon me rendors un peu là
nous avons renoncé à la générale aux Celestins à couse de la pluie, votre article me le fait regretter d'autant plus. Vu le spectacle de Rizzo hier, j'ai beaucoup aimé, ce soir m'en vais voir Liddell à Saint Joseph.
pour Liddell regret le petit spectacle ai ouvert avec, un peu déçue, pour todo el mondo c'était le soir de mes malaises maousses à répétition et jj'ai renoncé
et pour moi, pas de "petite frustrerie" mais une grande, pour ce concert d'orgue qui me fait rêver et que j'avais d'ailleurs repéré. Je ne connais pas encore les pièces d'orgue de Scelsi mais je vais essayer de les trouver.... merci pour le partage de tout cela !
les tambours, les chants, les danses, les récits, l'idée de la forêt, tout cela semble bien réjouissant... je reste ébaubie de tout ce que vous faites et le ménage en plus! au fait, ne connaissais pas le terme "fauber": un balai fait de cordages, apparemment...
oui mais dans mon cas c'est un abus de langage, c'est tout simplement une serpillère mais fauber me parle marine à voile
j'ai vu le "petit" Liddell aussi (Ping pong etc.)un peu décue aussi, j'en attendais plus.
La perlaboration...encore un mot que je découvre...mais je me répète !
"Et, pour moi, pour le reste du public semble-t-il, la magie de cette tentative d'invention d'un rite a marché..."
le rite dirait-il : "tu"
quand "elle" (vous, l'assistance)
inventez dans une commune magie ?
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