Trottiner dans le blanc
qui précédait de petites averses - teinturier, provision d'huile,
de mélanges d'herbes, de miel de châtaigner, de confitures et de
moutardes parfumées..
place de l'horloge on
dépose et range l'été... les baraques de Noël vont sans doute
suivre, déjà.
Paupière tressautante,
oeil qui pleure, vision légèrement floue, ai décidé de limiter la
lecture - écoute quiète de musiques ou, moins quiète parfois, des
débats aboutissant au rejet par le sénat de la réforme des
retraites (mais l'ouverture imbécile à la retraite par points)...
avant de partir dans la
nuit, plus froide, bien plus froide, que je ne le pensais,
vers l'auvent, la belle
conque rouge et grise de la salle du Capitole, rénové il y a trois
ans pour lui rendre son style et sa beauté d'antan, et qui annonce
qu'il va fermer ses portes à la fin de l'année (pas de place pour
trois cinémas de centre ville – l'Utopia jouant dans une autre
catégorie)
pour une projection de la
nouvelle Babylone film
de Grigori Kozintsev et Leonid Trauberg,
daté de 1929, avec l'exécution, par l'orchestre de l'opéra, de la
musique que Chostakovitch a composé pour lui.
L'orchestre entrait dans
la salle par la même porte que le public, s'affairait, venait parler
avec leurs amis de premiers rangs, une joyeuse ambiance de fête
presque familiale. Ai rencontré (ou plutôt ai été abordée par)
Nathalie Guen, l'auteur de Smouroute.
Une petite présentation,
et le film, fresque épique de la Commune de Paris où passe
l'histoire de deux personnages que tout
devrait rapprocher et que l'histoire va séparer, une
vendeuse du grand magasin qui donne son nom au film la
Nouvelle Babylone fortement
inspiré du Bonheur des dames que
son directeur invite à un bal (celui où on apprend la défaite des
troupes), symbole du peuple pauvre et travailleur, attirée par la
révolution, plongée dedans, jusqu'à en mourir fusillée, et Jean
un soldat qui prend la décision de partir à Versailles pour pouvoir
ne plus se battre et rentrer dans son village, bien qu'il soit tombé
amoureux d'elle, beau et relativement fruste, capable d'entêtement,
ou d'avoir l'air parfaitement égaré lorsque l'amour ou les remords
tentent de le faire évoluer, rejeté par la bourgeoisie triomphante
et qui finit par creuser la tombe de sa belle.
Société
de classes, révolution, la commune comme l'ancêtre des soviets..
(en simplifiant ce que disait Marx dans la guerre civile en France
pour en faire un bel objet de propagande)
La fin
de l'époque bouillonnante des échanges entre cinéastes, des
théories, des manifestes etc... (1929 année de l'homme à la caméra
de Dziga Vertov, deux ans après octobre d'Eisenstein)
avant que le pouvoir de Staline se fasse plus pesant.
J'avais découvert, lundi
soir, l'existence sur Daily Motion de quatre vidéos reconstituant
l'ensemble du film - mais bien entendu :
- c'est long
- ce n'est pas exactement
la même chose qu'un grand écran et un orchestre...
Pourtant, pour garder ici
une idée de la force des images et de leur rapport avec la musique,
le premier quart
Des
souvenirs de Zola et de la peinture française du 19ème siècle. Un
superbe expressionnisme des images, et un montage rythmé en accord
avec la musique de Chostakovitch, qui n'a été jouée qu'une fois en
1929, avant d'être reprise un demi-siècle plus tard, parce que
jugée trop avant-garde, irrespectueuse envers le sujet – mélange
de musique savante et d'évocations presque littérales du Ça
ira, de la Marseillaise, du cancan et d'Offenbach – et trop ardue
pour les orchestres de salles de cinéma. . L'une des premières
partitions pour un film muet. En rapport libre avec l'image, créant
une tension entre image et son.
Chostakovitch
dans Sovietski ecran n°11 de 1929 : .. je ne me suis
laissé guider que le moins possible par le principe de
l'illustration obligatoire de chaque plan. J'ai avant tout pris comme
point de départ le plan le plus important dans une série.. Ainsi, à
la fin de la deuxième partie, où le moment principal est l'assaut
de Paris par la cavalerie allemande. La partie se termine sur le plan
d'un restaurant vide, le silence est absolu. Bien que la cavalerie
allemande n'apparaisse pas encore sur l'écran, la musique amène le
tableau de la cavalerie, évoquant ainsi la force menaçante qui
approche. J'ai procédé de même dans la septième partie. Le soldat
fait irruption dans le restaurant empli de bourgeois fêtant l'échec
de la Commune. Sans se soucier de la liesse qui règne.. la musique
part des émotions sombres du soldat qui cherche sa bien-aimée
condamnée à être fusillée. Le principe du contraste y est
largement exploité. Le soldat... sombre dans le désespoir. Mais la
musique exulte toujours plus jusqu'à se décharger finalement dans
une valse «obscène», turbulente, représentant la victoire des
soldats versaillais sur les communards.
Ce
qui n'empêche que montage et musique sont souvent en parfaite osmose
dit Brigetoun qui était plutôt ravie. (et sentait frémir en elle
la dernière barricade bien plus haute que celle du film, rue de la
Roquette, un peu en dessous de chez elle, et pensais que beau temps
il y a que ce peuple se fait rare à Paris, même dans ce quartier)
Laisser
l'orchestre entamer le repli, après les applaudissements
et
rentrer dans une nuit que trouvais un peu moins horriblement fraîche.
5 commentaires:
Que ces images sont belles qui traversent les saisons et le temps …
Musique + écran : belle idée que de les réhabiliter ainsi.
Espérons que le Capitole ne fermera pas (quand une salle de cinéma ressemble à ce qu'elle était, on dirait que ça gêne : que fait la maire ?).
déjà financé la restauration
plaide auprès propriétaire (qui table sur celui qu'il a au Pontet)
cherche façon de faire vivre (déjà un devenu théâtre mais pour les comiques parisiens de passage, et les théâtres avignonnais de "vrai théâtre" à part deux ou trois ont du mal à survivre en hiver
Merci Brigitte ! (encore et toujours des ouvertures sur Paumée que je prends avec reconnaissance)
Les mots de Chostakovitch iraient bien pour parler de la traduction (oui je suis un peu monomaniaque en ce moment), la belle réflexion que ça amène. J'aurais adoré voir ce spectacle. Merci de moi aussi.
Enregistrer un commentaire