Nous glissions, suspendus
dans l'étrange, deux pirogues glissant à travers ce qui n'était
pas le fleuve.
J'étais couchée au fond de la seconde, je regardais
le ciel, juste le ciel, où passaient des nuages éternellement
changeants. Je ne voulais pas savoir ce qui nous entourait, que mon
pagayeur commentait, parfois - une tête énorme, des pierres
liquides, le flanc gigantesque d'un chat noir – je demandais :
effrayant ? Il répondait : c'est curieux, non, c'est là, c'est
ainsi. Et il se taisait à nouveau pendant un long temps. Je m'en
moquais un peu, en réalité, je ne faisais attention qu'au ciel,
comme je l'ai dit, je crois, au ciel et puis aux voix des deux
garçons, devant.
Ils étaient grands,
jeunes, beaux, et ils échangeaient, en cette navigation baroque, des
bribes de poèmes
Celui qui regardait, à la
proue, qui nous guidait :
Je t'écris de loin,
depuis les bords du Congo
Devant l'île Mbamou ;
c'est une motte verte
Qui s'est réfugiée au
milieu des eaux
Pour éviter de tourner
avec la terre
La rue n'est pas loin :
elle passe comme le fleuve
Là, derrière l'herbe
qui semble plus haute
À cause du bruit des
cigales...
et
dans le ciel froid, avec les nuages, glissent l'herbe et le
crissement des cigales
Mais,
le second, celui qui regarde comme dans le vide ce monde où nous
glissons
...Nous n'inventons
rien de neuf
Voyez les os se
désosser
Voyez les remonter leur
cours
Le fleuve conte son
histoire
Et les années à qui
mieux mieux
Défilent dans le salon
de modes...
et le
son a sauté d'une pirogue à l'autre vers l'homme qui manoeuvrait la
seconde, la nôtre
Fleuve essentiel
Me voici
Debout
Entre deux âges
…. Tu me connus
Espiègle à la pêche
Debout sur ton dos
Tes allées de roseaux
Escortant ma pirogue
Dans le parc de tes
eaux...
alors,
pour les remercier, je me redresse
J'ai bu le soleil
Comme un rayon de miel
Il m'a effleuré au
réveil
Comme une plume
d'oiseau...
P.S.
que soient remerciés de leur assistance involontaire ces voix du
Congo : Jean-Baptiste Tati Loutard, Maxime N'Débéka, Théophile
Obenga, Marie-Léontine Tsibinda
8 commentaires:
Oh … dès la première phrase … on est dans un rêve, je crois qu'elle m'accompagnera tout le jour, j'en ai besoin … merci infiniment …
Mots de poètes au fil de l'eau...
et que le miel -soleil soit doux ce jour en tes atours
Beau glissement progressif...
le beau voyage, le beau voyage lucide et ensoleillé à la fois (il y a d'autres places sur cette pirogue ?) (je veux bien monter mais faudrait pas que tout chavire à cause de ma joie d'y être non plus :-)) (qu'ils prévoient des pirogues multiplaces, ou à impériales, ce serait bien)
Descendre le fleuve, descente du temps. Jusqu'où, mon amie ? Jusqu'à la mer. Où se perdre.
un grand merci à vous tous (et au congolais)
mention pour le sourire Christine - vais essayer de le garder
Un beau voyage en flottant sur les mots du Congo.
Comme dans un rêve, c'est magnifique... à l'ouverture de la page j'ai aimé cette pirogue d'argile...
merci ma journée prend de la lumière.
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