Dans la fraîcheur sans
agressivité, sous un ciel morne sans pluie, longeant arbres roux,
vignes vierges qui commencent à rosir, m'en suis allée dans la
ville, choisir longuement chapeau point trop moche, bonnet qui
m'évitait autant que faire se peut d'avoir tête de cadavre,
chercher et ne pas trouver un châle – et rencontrer deux têtes
connues sans chapeau – et produits d'entretien dont des grands sacs
poubelles.
Je suis rentrée dans
l'antre pour ménage, déjeuner, très court sieston, et un tri trop
rapide mais brutal de vieilleries pour en remplir un sac de 50 litres
et un de 30 litres,.. et puis me suis reposée sur mes lauriers.
En déjeunant, très
lentement, pour faire durer temps consacré à la lecture (une bouchée toutes les
dix phrases de plus de trois lignes) du dernier numéro de Manière
de voir consacré à la Turquie, suis tombée, après les ottomans
sur un article concernant un barde anatolien Veysel Satiroglu et un
poème à la terre noire d'Anatolie
… Je lui fendis le
sein à coup de pioche et de bêche.
Je lui déchirai la
joue avec les ongles de ma main.
Elle, elle m'accueillit
en me tendant une rose.
Ma seule fidèle amie,
c'est la terre noire.
Si je m'adresse au
ciel, je n'aurai que de l'air.
Si je soigne la terre,
j'aurai la bénédiction.
Où pourrai-je
m'abriter si j'abandonne ma terre ?
Ma seule fidèle amie,
c'est la terre noire....
(traduction,
je le suppose, par l'auteur de l'article Pertev Naili Boratav)
et
puis, à côté des sacs, attendant qu'il soit l'heure de les sortir,
dos au mur au dessus du radiateur, me suis plongée, pour nourrir
http://brigetoun.wordpress.com,
dans le recueil de poésie palestinienne acheté l'autre jour au
Centre Européen de poésie (choix et traductions par Abdellatif
Laâbi), cueillant, un peu au hasard, des fragments dont
de
Mohammed al-As'Ad (né en 1944) la fin de «lis quelque chose sur
l'absence»
La pluie s'acharne
encore
et la joie est profonde
comme la mort.
Les poètes maudits
offrent le festival de
la mélancolie.
Lis quelque chose
de la tristesse des
statues silencieuses
dans les yeux des
poètes maudits.
De
Walid Khaznadar (né à Gaza en 50, vit maintenant à Londres) «La
conque de l'horizon»
Ils l'ont jugé face à
la mer.
Il n'y était pas.
Le soleil déclinait
et le trottoir
regorgeait de vendeurs et victimes.
Mais ils l'ont jugé
car il avait soutiré
une conque et murmuré l'horizon
car il s'était glissé
entre flux et reflux, faisant la différence
car il s'était divisé
moitié pour les
embarcations qui ont appareillé
moitié pour ce lamento
qui terrifie la ville.
Photo de Shirin Neshat
iranienne (comme les bijoux : exposition images d'Orient à la
collection Lambert fin 2012)
de
Mohammed al-Quayssi (né en 44, vit lui aussi maintenant à Londres)
un fragment de «Mort d'un émir palestinien»
Il
dort dans la brume du soir mon aimé.
Il
dort comme un émir.
Allumez
deux cierges pour qu'il se réveille
un
cierge pour qu'il me voie.
Il
dort comme un olivier
ou
un caillou immobile.
Il
dort dans l'ultime trépas
comme
un émir
comme
un fleuve qui chante
et
laisse s'échapper de lui le pays.
Il
dort, et ses mains sur sa poitrine
suintent
peine et ténacité......
Nazareth (m'y suis
promenée sur google street)
mais
finalement pour le blog Brigetoun j'ai retenu un fragment du long et
selon moi beau poème «l'assassinat de Awwad al-Amarah originaire de
Kofr Kanna» de cet assez extraordinaire personnage que fut Tawfiq
Zayyad, n' en 1932 à Nazareth, qui fit ses études à Moscou, poète,
membre important du parti communiste Rakah, maire de Nazareth,
membre élu de la Knesseth, traducteur d'auteurs russes et de Nazim
Hikmet, auteur d'un recueil de nouvelles et d'un livre sur le
folklore palestinien (mort en 1994)
de lui
: «Je serre vos mains»
Je vous appelle
je serre vos mains
j'embrasse la terre
sous vos semelles
et je dis : Je vous
donne ma vie
la lumière de mes yeux
Je vous donne la
chaleur de mon coeur
car le drame que je vis
est mon lot de votre
tragédie...
Merci
à ceux qui ont eu la patience d'arriver jusqu'ici.
7 commentaires:
Belle échappée "orientale" (la photo des mains est effectivement sublime).
Un très beau billet que j'aime
Merci du partage et le temps de nous l'offrir et le temps de lire pour nous
Beaux bijoux
MERCI
"Ma seule fidèle amie, c'est la terre noire...."
merci
magnifique Brigitte. Et le dernier poème, je le prends comme un cadeau, me parle à moi
(ici la neige. ça fait du bien de voir de la lumière chaleur sur Paumée :-))
Nourritures terrestres et autres, en mélange... La vie vient de la terre et y reviendra.
Un beau texte de plus. allearome
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