Pour
la seconde fois (la première ça a été ce qui m'a fait croire que
pouvais entrer en vases communicants) François Bon m'a fait le grand
plaisir (formule pleine de retenue) de me proposer un échange.
Puisque
n'aimons pas les listes, surtout les obligatoires, ces trucs trop
bien nommés chaînes,
résolument,
avons décidé d'en échanger,
d'évoquer
en photos et en mots dix, (ou moins, ou plus), objets familiers,
traces de vie, bidules ....
Ce
qui me vaut, outre le texte de François Bon, d'admirer le rangement
de ses rayonnages (explicable bien entendu) et de rêver en regardant
certaines tranches, d'avoir envie d'avancer la main, de tirer un
livre... puisque, et là je lui rends la parole :
Alors,
travaillant à cette "l'histoire de mes livres"
tels que sortis de ma bibliothèque, eus envie de faire une balade
sur mes étagères
Combien
de fois je suis parti en les oubliant ? Alors ils restent là
sur l’étagère, devant les bouquins POL, trois adaptateurs
secteurs US & Qc, UK et CH. Je m’en sers si souvent ? Non.
Disons que ça aide à se souvenir qu’on est parti, qu’on
repartira peut-être encore.
D’après
mes souvenirs la petite boîte en carton doit provenir d’une fête
des pères donc pas d’hier. Les petites pièces c’est ce qu’on
rapporte de l’étranger, mais comme à l’étranger on ne sait
jamais trop compter avec les petites pièces elles s’accumulent. Le
badge de Koltès doit dater d’il y a moins d’un an. Pour les
médiators, pendant combien d’années j’en avais toujours un dans
mes poches ? Ça c’est amélioré maintenant, je les laisse
ici.
Ça
c’est très précis. Pendant plusieurs années, quel beau
rendez-vous c’était que ce bookcamp à l’initiative d’Hubert
Guillaud. Il y a deux ans et demi, au labo de l’édition, on ne
savait pas que ce serait le dernier. Changement d’époque. Hubert
avait fait réaliser ces badges. Depuis, ils n’ont jamais bougé de
l’étagère, et je n’en ai pas perdu un. Le mauvais état des
livres, derrière : ceux que j’emporte en atelier d’écriture.
Dans
l’histoire des Rolling Stones, il y a cette fameuse anecdote du
raid de la police à Redlands, en février 1967, saisissant les
échantillons de moutarde distribués à l’époque dans les avions,
et que Keith Richards avait conservés. Ils croyaient que c’était
ça, la drogue qu’ils cherchaient. Quand je quitte une chambre
d’hôtel, j’embarque les échantillons de shampoings. Maintenant
ça devient rare, surtout dans les hôtels un peu bas de gamme, comme
à Cergy. Alors je pioche dans ma réserve. Dans la vieille boîte en
fer, des billes en acier, anciens roulements de boîtes de vitesse,
ça date donc d’avant 1965.
Ça
n’a franchement aucun intérêt : mais des années que je me
dis qu’il faudra j’emporte ça dans un truc de recyclage.
Quelquefois, une roule par terre et part à la poubelle. Depuis
combien d’années je n’ai plus d’appareil à pile ? (Ah
si, le petit magnéto Zoom.) Mais est-ce un hasard qu’elles sont
pile (les piles) devant le Passagen-Werk et la Correspondance de
Walter Benjamin ? Donc je garde.
J’aime
bien ce petit coin de livres, avec Volodine, Roubaud, Barthes,
Chamoiseau, Perec, là aussi, la réserve pour ateliers d’écriture.
La carte postale avec Franz Kafka et Ottla m’avait été envoyée
par Philippe Rahmy, je ne suis pas un fétichiste de ces envois, mais
je dois bien constater qu’elle est toujours restée là, quel que
soit le bureau et le déménagement, maintenue droite par un bout de
lave de l’Etna – il me semble datant d’une éruption du XVIIe
siècle.
Bergounioux
avait voulu me coller : il avait trouvé ça dans une casse.
Simplement il y avait toujours l’inscription Borg Warner dans le
moulage de fonderie alu, alors bien sûr c’était un carter de
boîte de vitesse automatique. J’avais gagné, mais on partage au
moins ça : la beauté de ces objets technologiques, respect
aussi à Simondon de leur avoir donné leur légitimité théorique.
Dans
mes étagères, les bouquins se regroupent souvent par chantiers :
Michaux, Balzac, Lautréamont et bien sûr Rabelais. Le petit
Rabelais de 1792 n’a pas de valeur en soi, sinon que personne à
cette époque-là ne serait avisé de reponctuer (la maladie du XIXe
siècle), et que c’est la version du Quart Livre qu’ont due lire
Balzac et Flaubert. Je l’emporte souvent dans mes confs sur le
livre numérique : il fait pile la taille et l’épaisseur d’un
iPhone. Les boîtes d’épices, j’en ai toujours 2 ou 3 d’avance.
On les trouve facilement par chez nous, ça sert à la cuisine du
cochon. Dans mes lectures Rabelais, quand je pose une question au
public, le premier qui répond juste la gagne, c’est de bonne
guerre et ça met de l’ambiance. Seulement voilà, il y a 2 ans
qu’on ne m’a pas demandé de lecture Rabelais.
Devant
le vieux Seî Shonagon (j’en ai racheté un neuf, mais jamais pu me
résoudre à jeter le vieux), c’est un frein d’obus de canon de
75 usiné par mon grand-père en 1916 – il en était fier.
Accroché dessus, deux magnétites, sphère et ellipsoïde,
rapportées de cette incroyable boutique de Broadway South à
Manhattan. Des années que je m’en sers pour stocker les chèques,
en attendant de les porter à la banque. Mais personne ne paye plus
par chèque. Et celui-ci, droits d’auteur d’un livre je ne sais
plus lequel, tellement dérisoire que depuis des mois il est resté
là.
Sur
le mur d’en face, ce coin-là ça fait un peu musée. Choses
rapportées des Indes et à moi offertes, dont ce petit rickshaw en
plastique aux belles couleurs. Dylan les yeux fermés. Sortie d’usine
en poche. Le Kamok c’est une liqueur au café spécialité de
Luçon, en Vendée, où je suis né. Les copains de remue.net avaient
eu cette idée de me l’offrir pour les dix ans du site,
puisqu’après tout c’est moi qui leur avais fait cadeau. Il y a
aussi les livres sur St Kilda, les deux premiers que j’ai lus,
achetés directement là-bas à Ullapool.
Tiers
Livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases
communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog
d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les
échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des
liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.
Si
vous êtes tentés par l’aventure, faites le savoir sur le groupe
dédié sur Facebook, sur twitter ou sur le blog
http://rendezvousdesvases.blogspot.fr,
auquel vous pourrez vous référer, comme à la lite ci-dessous, pour
partir circuler entre les vases.
Quant
à mes bidules, ils sont aimablement accueillis sur le Tiers livre de
François Bon http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article3954
13 commentaires:
Le rickshaw me rappelle le premier soir à New Delhi : baladés à fond la caisse comme dans un minuscule panier à salade.
Les objets font aussi voyager (avec nostalgie ou présence immédiate)...
Un beau voyage à travers ces 10 bidules !
Et terrible envie, tout comme Brigetoun de piocher dans les rayonnage et lire...
Vos textes nous renvoient à nos propres petits bidules et objets pas si anodins que cela.
Merci !
amusée : pareil chez nous sur rebords d'étagères devant les livres : les adaptateurs, les monnaies étrangères, les piles usées en attente recyclage (mais les échantillons gel douche et shampooings d'hôtel dans la salle de bain)
cartes postales, pièces de monnaies, bout de mur (de Berlin mais cela ne se voit pas), et épi de blé... les livres ont aussi besoin de trucs pour leur tenir compagnie.
pour moi aussi c'est plutôt produits de douche que shampoing mais les ai jetés en vidant ma salle de baubs parisienne (même une petite amphore venant de l'hôtel Colon de Barcelone qui était ravissante)
merci à tous des lectures et messages – désolé de ne plus en accueillir sur TL, ça devenait ingérable côté spams... très content d'avoir fait ce #vasesco avec Brigetoun, c'est qq chose que je n'aurais pas osé publier sur mon site
mais je m'aperçois que notre hôte n'a pas mis lien retour vers son propre texte (+ les 10 photos) qu'ai été si ému d'accueillir : http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article3954
oui j'ai oublié, réalisé ce matin... mais ce n'est pas grave, ai fait confiance à l'intelligence des passants et à la liste (et puis il sera sur le billet de demain) d'ailleurs il semble que ça ait marché - en outre il y avait twitter et Facebook
MERCI
mais c'est vrai... j'ajoute
J'aime les bidules.
Dans quel état j'erre ? J'ai déjà plusieurs fois photographié des étagères de mes bibliothèques et de librairies. Je suis ravi de noter la présence de Perec sur les vôtres.
J'ai aussi ramené un bout de lave de l'Etna..et sur mes étagères j'ai aussi des babioles hétéroclites...
..comme certains sacs de femmes
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