Après un petit tour à la
librairie de la vieille Charité,
pour renoncer vertueusement à acheter le catalogue (il
semblait être de ceux qui encombrent l'espace sans qu'on y
revienne), suis sortie avec un petit sac en papier contenant Nudités
de Giorgio Agamben (une page
lue, petit picorage, sur un banc sous une des galeries) et
Asphyxiante culture de
Jean Dubuffet, suis sortie, donc, dans soleil que des nuages
voilaient de leurs rapides passages,
et fort petit vent, qui fouettait mon humeur, en légère allégresse, et
me faisait chanceler sur mes talons, dans les rues du Panier, yeux
ouverts de touriste, esprit joyeusement confiant comme quand on
retrouve un endroit familier...
et
j'y ai retrouvé des visages, des têtes... même une de
rhinocéros...
Comme
l'heure avançait, suis descendue.
J'ai
hésité à faire un tour sur le port et l'esplanade du J4,
mais
le plaisir, le vent, mes chaussures (en baissant les yeux je suis
restée béante en voyant que j'avais un pied parfaitement dénudé,
le collant qui couvrait l'autre s'arrêtant avec une parfaite netteté
sous la lanière de cheville... suis restée rêveuse en me demandant
comment j'y étais arrivée), me vidaient de ma force.. de gros
nuages noirs me faisaient face à ce moment, et le train que je
désirai prendre partait dans un peu plus d'une heure,
j'ai
repris le métro...
bu,
debout entre sacs et valises, un café de chaîne, trouvé un siège
dans le hall de la gare, feuilleté mes livres, et un gros quart
d'heure avant l'heure du train, j'ai entendu que l'on demandait
d'évacuer la gare..
j'étais
près d'une porte, suis sortie l'une des premières, nous avons
attendu dans le soleil et un reste de vent, près d'une demi-heure
avant, au moment où tous les récalcitrants avaient été évacués,
de pouvoir rentrer et de guetter devant les panneaux les trains
annulés, les trains retardés... (dans mon cas quarante minutes de
retard)..
Une
voiture qui me ramenait aux trains de ma jeunesse, un compartiment
partagé avec de vieux – de mon âge ou un peu plus, difficile à
dire – travailleurs nord-africains, avec cette belle fierté humble
qui fait que je les vénère, invisible à leurs yeux, totalement
libre, coinçant entre mes pieds et ceux de celui qui me faisait face
le panneau sur lequel il épingle ses marchandises, qui cachait sa
main glissant sur les grains de son chapelet, plongée en même
concentration, y compris aux moment de désaccord avec les mots sur
lesquels ma lassitude me forçait parfois à revenir, dans
Asphyxiante culture de
Dubuffet, fermé sur
… répéter
littéralement , comme les élèves caporaux le manuel militaire, un
code impératif d'orthodoxie.
Ce n'est pourtant pas
en s'exerçant à la fonction de plume portée par le vent qu'on se
perfectionnera dans la fonction du vent.
un peu
avant d'arriver au bord de nos remparts, et d'entamer le chemin vers
l'antre, sur mes pieds à la plante brulante, poussés en avant par
toute l'énergie de mes épaules...
12 commentaires:
beaux regards sur Marseille, on vous accompagne volontiers ! Merci
j'aime aussi les chibanis, Brigitte, sont des fantômes dans nos villes
J'espère que tu es bien remise, mais ton reportage sur Marseille et ces petits rien qui font l'âme d'une ville et que tu nous rapportes dans tes photos, sont pour nous inestimables.
Les trains aujourd'hui ne vont plus bon train. Retard garanti.
Un tour à Marseille... on y pend encore le linge aux fenêtres, c'est donc que la bêtise à front de Béziers n'a pas encore frappé !
Mais Dubuffet est toujours présent pour faire (et sculpter) sa mauvaise tête salutaire !
on pend un peu partout dans Marseille le linge aux fenêtres d'après ce que j'ai vu - et là au Panier difficile d'aller contre (on pourrait méchamment dire que cela nuirait à l'image, mais en fait il semble bien qu'il y ait de la sève qui garantisse contre la muséification)
Tu dis de belles choses...
Je te suis avec plaisir dans Marseille que je découvre à travers ton Apn.
Très élégante dans ta veste jaune.
Dans le nom de marseille, je vois la mer et l'amer, le sel et les îles comme autant de ponts...
Amitiés!
merci
J'aime ton regard que je ne sais pas voir
Vous captez et saisissez si bien ce par quoi cette ville est vivante. Infiniment.
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