" Eveillé seul –
sans route, bagage, campement, bêtes de selle ou de charge – dans
la savane aigre de ma nuit "
Sucé ce caillou qui pend
à ma lèvre – depuis la vulve équatoriale – une parole parodie
le preux silence – faut que j’envie les vivants – faut que oui
– ce rythme lancinant des hébétés – poids poing – baobab –
moro sphinx
Il n’y a pas eu
l’essaim de bruits désiré – chaque matin, chaque soir, cette
attente m’insupporte – seule la sueur des lumières posées-là
sans façon, dans l’herbe, dans l’herbe : la clarté
s’agglutine un temps puis s’évapore aux foulées des morts
(visages des spectres, des heures qui passent à l’ordinaire) –
seule – oui ce jour exsudé m’apaise
Ma nuit
de Ma nuit reste
un paysage qui murmure sa
lente échappée au cœur de l’inassouvissable entente
Arbre Ma nuit : tes
racines grouillent de jours
Ai retrouvé de vieilles
notes de voyage :
Certains affirment que
j’aurais peur des bêtes qui rodent à la nuit dans les rayons des
hypermarchés – âcre toundra. Certains cercles d’érudits
prétendent qu’au soir je me terre dans d’immenses réserves de
sous-vêtements féminins. Il y aurait des phocomèles, dit-on,
féroces et sadiques.
Je ne déments pas –
combattre le monstre revient à le nourrir – le chant naquit d’une
collision – entre l’air et le ruisseau bleu des ailes amoureuses
– il faut pourtant se battre
Je me souviens nous
avions pénétré ce territoire par delà. Les arbres avaient un
poids qu’ont les ciels avant l’orage. Les choses au sol rampaient
dans un humus puant. Il n’était pas aisé d’attendre dans de
telles conditions.
Attendre ?
Je me souviens quand
la clarté éclata de rire, comme le sable avait soudain cessé de
peser, comme en colonnes d’eaux vives elle s’éleva dans un désir
fou. Nous avons succombé. Mes poumons ont respiré le souffle mort
d’une mort en bout de course. Nous sommes passés sur un gué, avec
pour bagage la peau.
Après ce fut, comment
dire ?
Sans route.
Nous avions trouvé
l’essence d’une marche. Quand nous levions un pied, c’était
l’existence entière, depuis l’origine jusqu’à la fin sans
fin, qui se trouvait être en jeu. Et que la distance Terre Soleil
soit si adéquate à l’apparition de la vie se laissait ressentir
chaque fois qu’un peu d’espace était franchi.
J’écoute encore,
certains soirs, le voyage délirer après que les infirmières m’ont
lavé : « Je viendrai de nouveau à la cascade enceinte
d’hibiscus géants. Je te livrerai à la morsure de mon étreinte.
Je te verrai nue comme un voile emporté par le vent. Tu ouvriras la
bouche. Le miel de l’aurore et le goût de la mort se mêleront
pour tresser une voix vraie : la nôtre. Et je n’entendrai
rien. Ma peau seule recevra les mots de l’amour. »
J’étais vieux
désormais quand il trouva le corps superbe d’une eau devenue
femme. La vie dedans n’avait plus de visage. J’ai acquiescé
depuis ma bouche édentée. A genoux devant la fleur qui oscillait
doucement dans l’air frais du crépuscule, le jeune homme finit par
lire à même les embruns traversés des ors de la lumière, après
un long moment de recueillement, ces quelques mots venus d’Amérique :
" Sur le tard, tard!
je compris enfin, je
compris clairement (comme
à travers la glace claire)
d'où je dirais mon
souffle et comment m'en servir
avec clarté - sinon bien
:
Clarté!
clame en son chant le
rouge-gorge. Clarté!
Clarté! "
Texte : Julien
Boutonnier
Citation début :
Michel Leiris dans « Haut Mal »
Citation fin :
William Carlos Williams dans « Paterson », traduction
Yves di Manno.
Plaisir, fierté d'accueillir ici
Julien Boutonnier – transes un rien paralysantes à l'idée d'aller
poser mes pauvres mots sur son blog plein de force
http://julienboutonnier-peut-etre.blogspot.fr
J'avais proposé deux citations de
Leiris dont celle retenue, Julien a répondu par celle de William
Carlos Williams et avons décidé d'aller de l'une à l'autre –
pour moi, aux transes s'est ajoutée la perplexité..
Tiers Livre et Scriptopolis sont à
l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier
vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à
chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations.
Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas
écrire pour, mais écrire chez l’autre.
Si vous êtes tentés par
l’aventure, faites le savoir sur le groupe dédié sur Facebook,
sur twitter ou sur le blog http://rendezvousdesvases.blogspot.fr,
auquel vous pourrez vous référer, comme à la lite ci-dessous,
pour partir circuler entre les vases.
1 commentaire:
"Sans route."
Difficile d'indiquer autre chose.
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