partir aux heures où la
ville finit de s'ébrouer,
dans les rues calmes
encore et la lumière vive
jusqu'à la Parenthèse, qui est, le temps du festival, le domicile de «la belle scène de Saint Denis»
regarder le jardin, les
maisons et leurs terrasses et balcons pendant que s'installe le
public, avant les trois courtes pièces
en attente avec
Marion Alzieu et Ousseni Dabare
Tout au long de notre
échange, l’attente est devenue un état d’entre-deux, comme un
fil qui relie nos deux cultures et nos deux danses.
Questionnant
cet état, qui va de l’impatience au manque, nous puisons dans nos
situations géographiques et sociales faites de distance,
d’incertitude et de différence.
Deux chaises, le couple de
danseurs, parallèles, miroir, conjonction, évitement, immobilité,
sauts, course, danse au sol..
ce que j'ai préféré :
Man Rec (photo Jef Rabillon)
Amala Dianor
« Man Rec » signifie
« seulement moi » en wolof, langue la plus parlée au Sénégal
dont est originaire Amala Dianor. Ce solo propose un dialogue entre
ses origines multiples, des danses urbaines à la danse contemporaine
en passant par les danses africaines, qu’il conjugue au singulier.
Tendu,
tenu, contrôlé, souple, sensuel, lent, accélérations freinées,
violence calculée et grâce
et
puis, le plus court, cantando sulle ossa (photo Paolo Porto)
Francesca Foscarini
Que se passe-t-il quand
la volonté abdique et que le corps se laisse guider par le mouvement
? Des mains qui n’arrivent pas à s’extirper de poches, des pieds
rentrés, des étirements qui semblent être là pour s’assurer que
le corps est en possession de lui-même, des mouvements soudain
heurtés, un corps qui joue de la cassure, du cliquetis des os, qui
se jette au sol
retenue
qui semble douloureuse tant le corps paraît freiné, ligoté et
libération qui évoque une crise...
à
vrai dire pour ce troisième morceau, sans que la danse y soit pour
rien, une vague de somnolence montant à l'assaut de Brigetoun...
dernier
salut, une vague envie d'habiter un des bâtiments donnant sur ce
petit jardin
et
retour par petites rues, en saluant un macaron ami, les murs de Saint
Didier sur le ciel..
déjeuner,
lourde sieste, faire du thé, y tremper lèvres et partir
vers
la navette pour Montfavet
parce
que Régy, parait-il, aime cette salle, parce que je tenais à voir son
spectacle : Intérieur de
Maeterlink, dans la nouvelle mise en scène de Claude Regy, après
celle que n'ai pas vue de 1985 (m'étonne), nouvelle mise en scène pour répondre à la demande de Satoshi
Miyagi et avec
le Shizuoka Performing Arts Center.
Cette pièce,
fondatrice d'un théâtre nouveau, s'organise autour de deux espaces
qui se font face : une maison à l'intérieur de laquelle on voit,
sans rien entendre de ce qui se dit, une famille réunie dans le
quotidien d'une veillée, et, devant, un jardin où arrive un cortège
funèbre mené par deux hommes, le Vieillard et l'Étranger,
apportant le corps d'une petite fille noyée. Ces deux personnages,
comme des messagers de la tragédie grecque, viennent pour dire ce
qui s'est passé, puis, très vite, ce qui se passe dans la maison
qu'ils ne cessent d'observer et ce qui va sans doute se passer quand
ils ouvriront la porte pour annoncer la terrible nouvelle. Ils
deviennent intercesseurs entre les spectateurs et la maison. Claude
Régy, en choisissant des acteurs japonais, veut poursuivre et
approfondir son travail de recherche sur le jeu. Il cherche à faire
entendre la force du silence, qui pour lui est aussi un langage, et
les dialogues parallèles, « les sillons du texte », pour aller
au-delà de l'intelligible, au-delà de la compréhension immédiate,
trouver ce qui se cache sous les mots et fuir le réalisme et la
déclamation pour révéler cet invisible, pour voir « l'existence
elle-même ».
(photo
Koichi Miur, mais en réalité, ici, on ne distinguait pas les visages des jeunes femmes au premier plan, pas plus que ceux de la famille à l'arrière du plateau, dans ce qui est l'intérieur de la maison)
Donc
il y avait ceci sur le programme, il y avait Régy, la beauté des
premières images le premier plan obscur, la seconde moitié, au
fond, de la scène dans une indécision légèrement bleutée,
creusée par la lumière qui n'en finira pas de venir, deux
silhouettes une adulte sombre, une petite silhouette claire, que
l'adulte, la mère, couche... la venue d'une pénombre naissante au
premier plan ; des silhouettes qui arrivent avec la lenteur,
l'imperceptibilité habituelle chez lui, et toujours, tout au long
du spectacle ces deux bandes baignant dans une lumière également
naissante, mais différente, qui sont l'extérieur et au fond
l'intérieur, lequel se teinte parfois de mauve.
Il
y a cette phrase de Maeterlink qui s'applique si bien au jeu des
acteurs il semble que lorsque l'un
d'eux (membres de la famille) se lève, marche ou fait un geste, ces
mouvements soient graves, lents, rares et comme spiritualisés par la
distance, la lumière et le voile indécis des fenêtres.
Il y a
donc eu chez moi des moments de communion, de plaisir devant la
beauté, mais, il y a eu aussi, pour la première fois devant un spectacle
de Regy, un NON frustré, rancunieux, qui s'effaçait devant la
justesse des gestes ébauchés, et revenait me rejeter.
Parce
que, dans l'entretien qui figure sur le site, parmi de belles choses
sur la pièce, ses intentions, il dit à propos du texte :
j’ai pensé que
c’était un très bon exemple de poésie dramatique. Maurice
Maeterlinck est vraiment un auteur à part, que l’on a un peu noyé
dans le mouvement du symbolisme alors qu’il a une démarche
révolutionnaire, toute personnelle, dans le théâtre. C’est un
très grand précurseur qui, avant Antonin Artaud, avant Edward
Gordon Craig, est le premier à faire la guerre à un théâtre
démonstratif dominé par des acteurs «monstres sacrés» qui
étaient en antinomie avec l’exigence propre à chaque écriture
et
bien entendu il parle de l'importance du silence, du sens du silence,
mais dit aussi que parmi les qualités qu'il trouve à l'écriture de
Maeterlinck il y a le mélange d'alexandrins et de vers
décasyllabiques, le rythme..
Alors,
on comprend, on s'habitue à ce que la traduction des vers - prononcés
syllabes par syllabes, aussi lentement que les gestes, comme d'habitude, pour que l'on reste dans cet autre part, que joue notre imaginaire - vienne en
décalage, quelques minutes après que l'acteur se soit tu, mais il
est très frustrant que des échanges entiers ne soient pas
traduits... parfois la signification de ces mots japonais, mais avec la pauvreté des phrases qui
s'écrivent en nous, est évident, mais pas toujours, et si le sens
général demeure je me sentais (suis je sur une mauvaise pente avec
cet an de plus) repoussée, refusée, à l'écart.... d'autant que ce
qui était traduit était très beau.
Dans
le car, d'ailleurs, mes voisins, avec plus ou moins de virulence,
avaient tous éprouvés la même gêne.
Retour,
remettre pieds dans la foire de la ville... passer dans l'antre juste
pour arroser, préparer la cuisson du dîner et repartir
vers
l'escalier Saint Anne, l'attente qu'un spectacle se termine à la
Manutention pour accéder à l'étage supérieur à l'Ajmi
et le
plaisir pur, instinctif, doucement jubilatoire de la musique de
Dominique Pifarely et de A. Rayon (pas compris le prénom) au piano,
Bruno Chevillon (beaucoup aimé) à la contrebasse et François
Merville à la batterie.
Suis
rentrée, rassérénée, par le jardin de la Manutention, l'ambiance
détendue, deux musiciens,
et
après le verger d'Urbain V, sur la place de la Mirande, à côté du
Rouge-Gorge, un guitariste (la photo est très mauvaise, la musique
très bonne et il a agglutiné autour de lui un public ravi le temps
de deux morceaux en ce qui me concerne)
effleurer
la fête de la place de l'horloge, et rentrer, trouver un cadeau
encore une fois de quelqu'un que je ne sais comment remercier,
autrement qu'ici, faire cuire patates et filets de loup pendant que
je tentais de dire Regy.
9 commentaires:
j'adore cette promenade matinale dans Avignon, entre chaises sur le trottoir et mythes et danses
La musique, en fin de compte, se passe, elle, de mots...
merci
Dominique : sourire
Si la musique est bonne, les photos le sont aussi et on croit l'entendre. Un grand merci pour ce magnifique partage
Une journée toute en douceur.Merci pour l'avoir rapportée.
Le mélange est salutaire pour en apprécier les différences
Merci tu es unique ...............
Beau coup de zoom sur les dents du diable du 6 rue des Trois-Faucons !
merci Michel, l'aime ce bon diable
..encore une belle prise ce clown au nez rouge et cheveux verts.
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