encore Tarascon, (navrée)
me suis retrouvée sur le
boulevard du roi René, j'ai tourné dans la rue du Château et j'ai
marché, avais un petit programme, ne serait-ce que pour ne pas trop
me perdre et ne pas oublier les heures de départ des trois trains
notés pour mon retour, mais l'ai oublié... un peu vexant.. j'étais
lasse, mais pas assez pour émousser ma curiosité et mon envie de
suivre mes yeux, de me détourner.
Ai donc avancé dans
Tarascon, ai loupé plein de choses certainement, ou ne m'y suis pas
intéressée, mais, vaguant, j'ai vu
qu'à Tarascon il y a des
maisons aux belles proportions, aux beaux percements, qui se veulent coquettes, ou se
dégradent, mais simplement puisque simples sont, sans la déroute de
certain bel hôtel avignonnais devant lequel mon coeur se serre,
puisque simples et robustes sont ne nécessiteraient qu'un peu
d'aisance, de volets repeints,
il y a des fenêtres
fleuries, des boutiques ouvertes, quelques condamnées, mais point
trop dans le centre,
il y a des façades nobles
et sculptées, avec plus ou moins de raffinement,
il y a des rues qui se
tordent moins qu'à Avignon mais se coupent pour briser le vent, il y
a des passages sous arcades, un bout de rue couverte (plutôt moins
qu'à Avignon qui a eu ses périodes de gloire où elle explosait
dans ses remparts, et permettait aux grands d'enjamber les rues,
avant les longues déchéances endormies où les terrains libérés
restaient presque campagne comme entre Joseph Vernet et remparts, là
où avaient été église et ordres, quartiers investis par la
bourgeoisie 19ème)
il y a quelques vierges,
mais pas à tous les coins de rue comme chez nous, ou ne les ai pas
vues
il y a quelques chapelles
subsistantes, et peut être d'autres transformées, n'ai pas eu
suffisamment de temps ou l'oeil assez curieux pour les remarquer, et
puis ce n'est pas terre de papes, cardinaux, vice-légats, noviciats,
pénitents, séminaires...
il y a deux ou trois
portes, de l'âge classique, faisant des maisons un rempart pour se justifier…
il y a force plaques
rappelant des petits faits de gloire et des célébrités plus ou
moins oubliées, et puis il y a l'ironie affichée sur une belle
façade…
il y a un hôtel de ville
du 17ème, que les ans ont rudement marqué, comme pour montrer le
souci pris par les édiles au service des citoyens, ou leur
négligence, au cours des siècles…
il y a les façades
bellement et violemment colorées près de l'hôtel qui abrite
Souleïado – ai savouré comme une boisson épicée, et me suis
demandée si elles avaient jamais été ainsi dans le passé,
et puis il y a ces rues où
me suis plus ou moins perdue, appareil rangé pour ne pas voler la
vie qui, tranquillement, se laissait voir là, un homme penché pour
parler à un gamin à petit vélo, qui ne semblait pas être son fils
ou son petit-fils mais petit voisin, dont tout adulte du quartier se
soucie, une femme au buste rejeté en arrière pour parler à son amie ou
connaissance qui lui répondait depuis sa fenêtre, un commerçant
qui repliait son éventaire en plaisantant avec deux gars plantés
là, des vieux autour d'une table de café, rues pauvres et non
misérables, où je me sentais passante acceptée mais étrangère à
leur communauté, communauté mélangée bien sûr, née de la
proximité et vie partagée, un peu la vie telle qu'un Pagnol nous la
vendrait, mais plus discrète, vraie.
Rues qui portent les noms
de Danton, Blanqui, Proudhon, Monge, Raspail, Emile Combes, Jean
Jaurès bien entendu - mais aussi, aïe, Gambetta -... ou rue du 4
septembre, rue de la Révolution, rue de la Libre pensée, rue du Jeu
de Paume, rue du Prolétariat etc... et je me demandais, dans la
bonhomie tranquille de cette fin d'après-midi, ce que votaient les
gens que je côtoyais, s'ils avaient résisté, dans la médiocrité
relative ou trop réelle de la vie auxquels ils ont droit, aux
colères dévoyées qui font qu'à Beaucaire la municipalité est, je
crois, Front national, et pensais, navrée, que le sectarisme, la
façon de se pencher, doctrine en main et langage certifié marxiste
en bouche, vers ceux que l'on défend, le mépris inconscient de ceux
qui se veulent leurs porte-paroles de gauche proclamée vraie,
rendaient fort improbable qu'ils aient fait le choix de cet autre front. (j'ai vérifié
: maire divers droite)
Puis me suis secouée en
voyant le jour se faire rasant, ai regardé ma montre, constaté que
le dernier des trains prévus partait dix minutes plus tard, ai eu
un moment de panique, me suis recueillie, ai tenté, victorieusement,
de reconstituer le trajet le plus rapide, suis arrivée une minute
avant l'heure... et puis ai attendu un quart d'heure, dominant, sur
mes jambes flageolantes, la place aux platanes, regardant en
direction du fleuve.
6 commentaires:
Il s'en est quand même passé, des choses...
La plus belle photo est pour moi celle de l'hôtel "qui abrite Souleïado"...
Tarascon semble une ville (j'y suis passé un jour) pleine encore de mystères.
avis partagé
Somme toute, une excellente idée que cette infidélité à Avignon. Et une envie d'y retiurner.
Beautiful photos !
Une visite sérieuse qui ne manque pas d'humour, à savoir la plaque du 17 avril 1897
La facétie est à l'origine du libraire de livres anciens (et autres trésors) qui se trouve à l'entrée de la rue des halles. La place renan à 2pas de l'arche valait le détour. Merci pour votre reportage photo.
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