Matin, saluer la toute
petite rose qui me fait l'honneur d'arriver à s'ouvrir dans la cour,
regarder le ciel, le voir bleu, décider de sortir en quête d'un
oloé aux Doms dans l'après-midi, puisque le soleil ne descend plus guère jusqu'à moi
et, malgré le vent qui
nous ramenait sans cesse des nuages, malgré la tout juste tiédeur,
du moins à mon goût, y suis montée, parce que c'était son jour à
la dame dorée – eu grande envie de lui dire mais monte donc au
ciel... ce qui prouve que, ne l'aimant guère, trouvant qu'elle
oppresse la tour de notre toute petite cathédrale, je ne suis pas
une vraie avignonnaise... même si elle m'amuse parfois en marchant
sur les toits des rues - parce qu'elle donc, parce qu'aussi le billet
de Dominique Hasselmann le matin
http://hadominique75.wordpress.com/2014/08/15/persistances-retiniennes-uzetiennes-et-autres-8/
m'en avait donné envie... malheureusement le temps était moins
radieux.
Suis montée, ai tourné
un peu, dans la petite affluence calme et familiale d'un jour férié,
ai salué les différentes vues,
ai eu envie d'un oloé
dans les fleurs, dans passage mais sans que ce soit génant, pendant
une période de soleil dardé, me suis repliée devant mon arbre
habituel ensuite, me retenant de grogner contre la trop faible
chaleur,
en dégustant le
faiseur de théâtre de Thomas
Bernhard, pas une de ses meilleures pièces, mais Bernhardissime
L'écrivain est
mensonge
les interprêtes sont
mensonges
et les spectateurs
aussi sont mensonges
et le tout rassemblé
est une absurdité unique
sans même parler du
fait
qu'il s'agit d'une
perversité
qui a déjà des
milliers d'années... (scène
1.. mais les jugements du faiseur de théâtre ne s'améliorent guère
par la suite, et s'expriment souvent en phrases propulsées de
redites en redites, comme il se doit)
Et
puis, flânant, tournant, essayant, soupirant, repartant, me suis
finalement installée sur la rambarde de la première rampe de la
descente vers l'église pour tenter de m'inspirer de la septième
proposition d'écriture de François Bon pour l'été 2014,
http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article4009,
abandonnant en route ma première idée, qui était de me fixer à un
bout de peau à travers les heures etc... et trichant, ce qui fait
que j'hésite à l'envoyer pour que François Bon quand il le pourra
la joigne aux autres participations.
Comme
je n'aime guère celle que j'ai envoyée pour le n°6 ce que
personne ne saura du personnage
http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article4002
du moins pas assez pour ne pas craindre qu'elle soit déplacée sur
le tiers.livre. Par contre, la reproduit ici
Americano
Bossi, le commandant
Là, à
ce moment, en 1912, il a cinquante cinq ans..
pas
très grand, jambes courtes, large d'épaules, face rouge sombre,
yeux noirs enfoncés sous des paupières blessées, sourcils
protecteurs, nez droit, cheveux légèrement crépus d'un brun
grisonnant, barbe qui va et vient selon les saisons, grande bouche
mince, comme une balafre, large cou ridé.
Italien
échoué sur cette côte, armateur en faillite, n'a plus que ce
commandement, un gros boutre qui navigue entre Garoowe, Obock,
Djibouti, Port-Saïd.
Boutre
ou plutôt baggala, de construction récente, grand et beau, bien
entretenu, avec une cabine de poupe aux belles boiseries inspirées
de celles des derniers grands voiliers européens..
un peu
de sel, ce qui n'est pas acheminé par le nouveau chemin de fer,
surtout cabotage, se charge de marchandises diverses sous la
responsabilité de la chambre de commerce, ce qui n'est pas
transporté par les vapeurs de la Compagnie de l'Afrique Orientale –
un peu de chargement plus ou moins déclaré et déclarable pour des
négociants.
S'est
chargé du recrutement de l'équipage de son nouveau bateau, en
laisse depuis la responsabilité à son second yéménite embarqué
avec lui depuis des années.
Il
n'est plus retourné en Italie depuis 1885 – il a eu, il a, une
femme, là bas, qu'il n'a guère eu le temps de connaître, devenue
souvenir coupable - mais il se tranquillise rapidement quand par
hasard un souvenir se risque, en pensant qu'elle est de famille
riche.. pour le reste espère vaguement qu'elle a trouvé une façon
de se faire vie heureuse, une vie autre sans que pèse le jugement de
leur petite ville et des prêtres, ils ont correspondu pendant
quelques années, mais c'est il y a maintenant longtemps – il a une
femme, sa femme, ses enfants issas, et une maison près du Khor
Bouhane.
Orgueilleux,
se veut notable, est toléré comme tel... serviable et assez
charmant.
Il
parle arabe, afar et somali, et bien entendu italien et français.
Sobre
mais gourmand, autrefois alcoolique, insiste sur l'autrefois, quitte
à se dépeindre un peu, très peu, sous un mauvais jour pour plaider
l'abstinence, un rien rigide en ce qui concerne la boisson, ami d'un
imam - il s'intéresse au Coran, sans se convertir - ami aussi - goût
partagé pour certains livres, plaisir de l'écouter jouer du violon
- de Madame X, qui, chez elle, dans sa grande maison sur le plateau,
a créé, à la mort de son mari, qui lui a laissé participations
dans factorerie et diverses boutiques, une école pour quelques
filles d'européens et de commerçants issas, et un petit
dispensaire.
C'est
à la demande de celle-ci qu'il a accepté de prendre pour passager
vers Port Saïd, pour le rapatrier et peut-être l'éloigner plus
rapidement, le plus jeune des deux ingénieurs des salines du lac
Assal, celui qui a été blessé dans une rixe qu'il aurait
provoquée. Il les avait d'ailleurs rencontrés chez elle et avait
sympathisé avec l'aîné, victime d'une grave crise de paludisme.
Tolère
avec courtoisie et tient poliment à distance son passager.
PS pour qui
est arrivé jusqu'ici
Si vous avez du temps que
l'on dit à perdre, si vous voulez vivre ce temps et ce qui reste de
ce qu'on nomme l'environnement, lisez donc, vraiment, le
syndrome GI Joe de
Benoît Vincent, l'ami – je me veux cette chance - il
y a son travail, il y a la foi perdue dans le sauvetage du vivant, il
y a une rage assumée, il y a aussi le plaisir d'énumérations qui
me sont chanson étrangère, il y a aussi qu'il écrit bien cet homme
http://remue.net/spip.php?article6897
et puis le sanglier, puisque sanglier se sent, termine ainsi je
me dirai Il y a encore de la vie sur cette planète.
6 commentaires:
Amusant (et merci !) que vous suiviez maintenant mon itinéraire...
Il est vrai que le panorama, sans doute peu connu des "festivaliers", est très beau depuis cet endroit.
un des deux dimanche possibles pour avignonnais sans voiture, l'autre étant la Barthelasse
La rose matinale t'a propulsée vers les hauteurs de la dame dorée
Se suivre et ne pas se ressembler...
J'ai suivi votre conseil et la lecture du Syndrome GI Joe (ou Castors Juniors) m'a clouée sur ma chaise, passionnante et atterrante.
L'amateur, le passionné, celui qui donne son temps comme dernier (nouveau) maillon de la chaîne libérale : je n'avais pas conscience que nous en étions là !
Parfois, le monde me pèse...
Le plaisir de lire votre proposition n° 6 allège un peu ce poids.
le sel de la terre n'a jamais fait fortune.. mais fut un temps où il y avait illusion de pouvoir améliorer en mon jeune temps, et même en son jeune temps qui est nettement postérieur au mien… l'espoir renaît toujours
"Mensonges"... mais ciel si beau pour la Vierge en Assomption
Et belle lecture sous les ombrages
Enregistrer un commentaire